Après s’être illustrée lors d’actions contre l’huile de palme, la malbouffe ou encore les pesticides dans notre assiette, l’ONG foodwatch dénonce aujourd’hui les emballages démesurés de nombreux produits alimentaires. Les industriels du secteur ont souvent recours à ce procédé pour donner l’illusion d’une plus grande quantité d’aliments que celle réellement présente dans les paquets. Si cette pratique commerciale douteuse donne à de nombreux consommateurs la désagréable sensation de se faire berner, elle crée aussi des quantités considérables de déchets inutiles. Pour mettre fin à ces abus, foodwatch lance une pétition ciblant 7 marques en particulier.
Élément de marketing essentiel pour l’industrie alimentaire, les emballages ont un impact significatif sur l’environnement. Composés de cartons, d’aluminium, mais surtout de plastiques – parfois les trois en même temps – leur fabrication exige des quantités d’énergie et de ressources importantes. La production d’une bouteille en plastique d’un litre nécessiterait par exemple 33 centilitres de pétrole, et pas moins de trois litres d’eau. Mais au-delà de la production, c’est le traitement des déchets qui pose un problème majeur pour l’environnement. Les filières de recyclage sont encore trop peu efficaces, et une large proportion des emballages terminent leur vie dans un incinérateur, générant des rejets toxiques dans l’atmosphère, ou directement dans la nature, où ils viennent notamment alimenter le continent de plastique. Le reste est exporté en Asie avec un coût énergétique tout aussi important.
Un impact sur l’environnement et sur la santé
Outre les effets néfastes sur l’environnement, les emballages, et notamment les cartons recyclés, peuvent également contenir des substances dangereuses pour la santé, qui migrent parfois dans les aliments. Des huiles minérales, dérivées de pétrole qui composent les encres d’impressions, peuvent ainsi contaminer le riz, les pâtes, les lentilles, les corn-flakes ou encore le cacao en poudre… Les plus dangereuses sont soupçonnées d’être cancérogènes, perturbateurs endocriniens et mutagènes (c’est-à-dire qu’elles altèrent le patrimoine génétique).
Bien que ce problème sanitaire soit connu depuis les années 1990, il n’existe aucune régulation adéquate au niveau européen. En France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) a confirmé les risques pour la santé et certains acteurs de la grande distribution se sont déjà engagés à lutter contre cette contamination. Pourtant, les responsables politiques tardent à mettre une législation en place pour protéger les consommateurs, en limitant par exemple la quantité d’huiles minérales autorisée et en bannissant les plus dangereuses. En cause, un important lobbying dans les couloirs de Bruxelles mais également au niveau national en France.
Les alertes des consommateurs
Malgré cet impact environnemental et sanitaire non-négligeable, les industriels continuent de proposer toujours plus d’emballages. Le cas le plus absurde réside sans doute dans les fruits pelés, prédécoupés et présentés dans des barquettes en plastique. Mais les exemples ne manquent pas, et nombreux sont les contributeurs qui nous informent de ces dérives dans le cadre de l’action #balancetonproduit. C’est également sur base des alertes remontées par les consommateurs qu’est née la nouvelle campagne de foodwatch : « Plein de vide ».
L’ONG lutte depuis 2002 en Europe pour une alimentation sans risques, saine et abordable pour tous et toutes. Militant pour plus de transparence dans le secteur alimentaire, l’organisation représente les consommateurs et défend leur droit à une alimentation qui ne porte atteinte ni aux personnes, ni à l’environnement. Véritable contre-pouvoir citoyen, foodwatch est un lanceur d’alerte indépendant qui refuse toute subvention des gouvernements et de l’industrie agroalimentaire. Tout comme chez Mr Mondialisation, de plus en plus de photos et de messages sont parvenus à l’ONG, montrant des aliments en petite quantité emballés dans des paquets démesurément grands et emplis de « vide ». Des marques n’hésitent pas à vendre de très gros paquets alimentaires contenant majoritairement de l’air. Le cas le plus populaire est probablement celui des chips dont la quantité n’est vraiment pas proportionnelle à la taille du contenant.
Sept marques épinglées
L’équipe de foodwatch est donc allée vérifier dans les supermarchés et a comparé les produits entre eux. Elle a constaté que pour des produits similaires, certaines marques parviennent à remplir la quasi-intégralité de l’emballage des aliments, quand d’autres exagèrent délibérément la taille de leurs contenants. Il s’agit donc de choix en pleine conscience. Foodwatch épingle ainsi sept marques et distributeurs qui se livrent à ces pratiques induisant le consommateur en erreur tout en gonflant leur empreinte écologique : Lipton (43% de vide), Léa Nature (58%), Sojasun (34%), Monoprix (35%), Barilla (60%), Carrefour (50%) et Leclerc qui bat un record avec 68% de vie. Les pourcentages de vide indiqués sont des estimations calculées d’après les mesures précises réalisées par l’ONG.
Parmi ces entreprises, nombreuses sont celles qui affichent pourtant dans leur communication une volonté de diminuer leur impact sur l’environnement, feignant de partager une préoccupation qu’il devient difficile pour les marques de négliger. « Certains fabricants se targuent d’une politique environnementale assez indécente face au constat que nous faisons : presque tous les rayons sont concernés par cet excès d’emballage et ces produits ‘pleins de vide’. Les consommateurs et consommatrices en ont assez de se faire avoir et, en plus, veulent très logiquement réduire leurs déchets », explique Camille Dorioz, responsable de campagne chez foodwatch.
Une pétition pour faire pression sur les entreprises
Si ces pratiques, basées sur une manipulation qui permet de gonfler les prix en donnant l’illusion d’une plus grande quantité, ne sont pas à l’heure actuelle illégales, elles demeurent clairement abusives et réclament un meilleur encadrement. Foodwatch a donc décidé de lancer une pétition pour faire pression sur les sept grandes marques en question. Un courriel est envoyé chaque jour aux dirigeants des entreprises avec les nouveaux signataires, pour leur demander de s’engager à réduire au strict minimum l’usage et la taille des emballages de leurs produits.
Concernant certains aliments, il arrive néanmoins qu’une quantité significative de vide soit nécessaire à la conservation ou la protection des produits. Dans ces cas-là, foodwatch réclame une justification claire et transparente sur les quantités réelles de produit vendues. La liste des sept marques épinglées est par ailleurs amenée à évoluer au fur et à mesure de l’identification de nouvelles dérives mises en évidence. « Cette campagne ne s’arrêtera pas à ces 7 produits. Les consommateurs sont appelés à nous envoyer leurs témoignages de produits pleins de vide que nous publierons. Certains produits pourraient alors se rajouter à la pétition. Les comportements de certains industriels doivent changer ! » poursuit Camille Dorioz.
Pour plus de transparence, moins de suremballage et un effet plus limité sur l’environnement, foodwatch appelle donc à signer la pétition. Éviter dans la mesure du possible d’acheter des aliments suremballés issus de la grande distribution et se tourner vers des petits producteurs et des produits artisanaux constitue également un levier important pour soigner l’impact écologique de son alimentation et contribuer à un modèle alimentaire plus durable.