C’est une horde de touristes qui s’est précipitée sur une plage costaricaine où des tortues de mer en voie d’extinction réalisaient leur ponte annuelle. Perturbées par cette foule de curieux à la recherche du selfie qui fera le buzz sur les réseaux sociaux, de nombreuses tortues sont retournées à la mer sans pouvoir faire leur nid.
« La chance pour les tortues de mer d’éviter l’extinction détruite par un selfie » ce sont les termes choisis par le Dailymail pour décrire cette scène innommable qui s’est déroulée début septembre dans un havre de paix costaricain. C’est le journal local Tico Times qui rapporte les images choquantes de cet évènement symbolisant toute l’ignorance et la bêtise de certains touristes. On peut y voir des centaines de visiteurs en mal de nature « assister » d’une bien drôle de manière à la ponte annuelle des tortures marines.
La scène à peine croyable se déroule dans le Ostional Wildlife Refuge, une zone naturelle (en principe) protégée depuis 1982, où ce spectacle naturel merveilleux se déroule chaque année. Dans ce coin paradisiaque de la côte Ouest du Costa Rica, des centaines de tortues de mer viennent s’accoupler et pondre sur la plage longue de 7 kilomètres. Un rituel millénaire qui, par définition, est fondamental pour perpétuer une espèce aujourd’hui protégée.
Malheureusement, cette année, des centaines de curieux sont venus assister d’un peu trop près à la première vague de pondaisons des tortues marines. Réunis par centaines, les badauds se tenaient entre la plage et la zone de pondaisons, obstruant le passage des animaux, rapporte le Syndicat des travailleurs du ministère de l’environnement de la région. D’autres, ne se contentant pas d’observer, se sont mêlés aux tortures pour prendre des photographies, les caresser ou placer leur enfant sur leurs dos. Des perturbations qui auraient fait fuir nombre de tortues acculées à retourner à la mer sans pondre leurs œufs.
Pour participer à l’évènement, ces touristes se seraient donc mêlés aux communautés locales qui, elles, bénéficient d’une autorisation spéciale de récolter un pourcentage d’œufs issus de la première vague de ponte. Les autorités justifient cette pratique par le fait que de nombreuses tortues envahissent les plages de septembre à octobre, les dernières écrasant les œufs des premières pontes. Par ailleurs, le bénéfice engendré par la récolte servirait à financer la protection des lieux, la recherche et les patrouilles de protection. Un mal pour un bien.
Ce dont on ne s’attendait pas, c’est l’arrivée massive de visiteurs visiblement acheminés sur les lieux via des accès non-autorisés grâce à des opérateurs de tourisme sans scrupule. Selon l’administrateur du refuge, Carlos Hernandez, c’est la première fois qu’on observe autant de touristes dans cette région qui devait être en principe protégée. Les gardes chargés de protéger la réserve auraient été submergés par le nombre de touristes dont la présence était visiblement organisée. L’US National Oceanic and Atmospheric Administration estime quant à elle que la collecte à long terme des œufs et la chasse des tortues adultes sur les plages restent les principales causes du déclin historique des espèces de tortues marines.
La tortue olivâtre (Lepidochelys olivacea), qui doit son nom à la couleur olive de sa carapace, fait partie des espèces menacées bien que sa population se soit relativement stabilisée suite à des plans de restauration instaurés fin des années 1980. Comme toutes les tortues marines, l’espèce est menacée par l’activité humaine dont l’industrialisation, la surpêche, les déchets marins, le braconnage et la dégradation des zones de ponte.
On peut désormais ajouter à cette liste un tourisme inconscient qui vient perturber la dernière étape d’un long périple pour l’animal. En effet, les pontes qui durent de 20 à 40 minutes nécessitent une certaine tranquillité pour se faire dans de bonnes conditions. Une tranquillité visiblement brisée par la présence de ces centaines de curieux dont certains n’hésitaient pas à toucher les animaux. Les autorités costaricaines ont ouvert une enquête pour comprendre comment la scène a pu se produire.
Notez enfin que s’il vous venait à l’esprit d’approcher ces créatures, l’observation de la ponte des tortures marines est régulée par des lois nationales strictes dans tout le Pacifique et aux Caraïbes. Les touristes ne sont pas autorisés à pénétrer ces plages protégées sans un guide spécialisé. Les règles d’observations sont particulièrement contraignantes afin d’éviter de perturber un phénomène fragile dont dépend la survie de nombreuses espèces de tortues.
Source : nytimes.com / dailymail.co.uk / ticotimes.net