Encore en négociation sous huis-clos, le Traité Transatlantique, ou TAFTA, pourrait bien modifier l’avenir de près de 800 millions de personnes réparties entre les États-Unis et l’Europe. Un court-métrage, intitulé « Diversion », nous plonge dans un possible avenir, pas très éloigné de notre présent, qui fait froid dans le dos. Dans une Belgique plongée dans la peur et l’obscurantisme médiatique, un jeune homme n’ose plus sortir de chez lui quand il rencontre l’un de ces « extrémistes » décrits partout à la télévision. Créé dans le but de générer la mobilisation contre l’adoption imminente de ce traité, le court-métrage est diffusé sur internet et sera présenté au festival Esperanzah ! en août prochain.
L’idée qu’il ne faut pas se laisser aller à la « Diversion », voilà ce qui est défendu par ce court-métrage qui cherche à éveiller les consciences quant à l’utilisation de « boucs-émissaires » dans nos sociétés, mais également quant à l’avenir de tous dans un monde où le « libre-échange », selon les règles d’un traité calqué sur le modèle américain, serait couronné.
Dans une Belgique qui s’apprête à commémorer « les dix ans de la signature du traité transatlantique », le film nous invite à entrer dans le quotidien d’Alan, un jeune homme d’une vingtaine d’années, et de sa mère, scotchée à longueur de journées devant ce qui ressemble de près à une chaîne d’information en continu. Couvre-feu, reportages alarmistes concernant les « extrémistes », forces de l’ordre et milices privées chargées de discipliner des militants qui ne font que coller des affiches… On a ici un aperçu d’un état d’urgence devenu permanent, où la liberté d’expression n’a plus lieu d’être et où toute l’économie d’un pays peut être résumée à la guerre de tous contre tous.
Vision noire d’un monde aux mains des grandes entreprises et de la peur
Le court-métrage, volontairement radical, offre également une vision inquiétante de ce que sont devenus la culture, les arts dans un monde où seule la productivité semble désormais avoir de l’importance. Ainsi, le personnage principal est un être préoccupé, stressé, qui chronomètre chacune de ses tâches, qui s’apparentent à la réalisation de graphiques pour une entreprise quelconque. Face au diktat de l’efficacité, le temps pour l’oisiveté, la peinture, disparaît. Il faudra attendre l’apparition de Shana, une jeune militante, pour qu’Alan se souvienne du plaisir éprouvé dans les arts.
Le soulèvement, face à ces conditions de vie misérables, est quant à lui évité grâce à une propagande d’État qui maintient les citoyens dans la peur par le moyen des médias à grande échelle. C’est pourquoi le personnage principal est blafard. Il n’a pas mis un pied dehors depuis un an, par peur du monde extérieur. Ses courses lui sont livrées à domicile par un coursier zélé débauché par une multinationale dans un univers où l’on répète qu’il est dangereux de « croiser des hooligans ». Certes, le tableau est exagéré, mais s’approche des visions classiques des romans d’anticipation explorant les sociétés futures soumises au dictat de « corporations » toutes puissantes.
Le film
Un court-métrage engagé pour susciter la mobilisation
Pour rappel, le traité transatlantique pourrait mener à un « lissage » des normes et des réglementations entre l’ultra-libéralisme des États-Unis et les règles européennes généralement plus strictes (pas assez aux yeux de beaucoup). Il pourrait entrainer un impact direct sur les conditions de travail, la situation économique mais aussi sur l’environnement et la qualité des aliments de millions de personnes. Son vote permettrait également aux entreprises d’invoquer des « tribunaux arbitraux » contre les États sans possibilité aucune pour ces derniers de faire de même. Fortement critiquées, ces négociations se font aujourd’hui dans l’opacité complète pour les citoyens, alors que les grands industriels participent à un lobbying forcéné.
Adoptant une visée politique, l’équipe d’Esperanzah ! a voulu taper un grand coup, espérant susciter l’émotion pour mieux instituer la révolte. Constatant la fracture et le paradoxe d’une Europe qui se ferme aux réfugiés et dont les pays se replient sur eux-mêmes alors que les portes s’ouvrent en grand aux capitaux, le collectif émet le souhait de populariser « des enjeux politiques parfois abstraits ». Leur objectif est, comme on peut le lire sur le site du film, de « créer un hameçon artistique, via l’émotion, pour susciter le questionnement auprès d’un public non averti sur le sujet ». Parce qu’après tout, mieux vaut se réveiller tard que jamais.
Sources : Diversionlecourtmetrage.be / Esperanzah.be / Datagueule