Donne-moi des ailes : un voyage extraordinaire pour sauver des oies sauvages

    C’est l’histoire d’un rêve qui a pu voir le jour grâce à la détermination et au cœur de son porteur et qui aurait pu aller encore plus loin s’il n’avait pas été confronté à la lourde réalité des machines administratives. Cette histoire, c’est celle de Christian Moullec, météorologiste passionné des oiseaux, qui a imaginé le projet invraisemblable de voler en ULM avec des oies naines pour leur apprendre un nouveau chemin de migration et permettre ainsi à cette espèce d’oiseaux menacés de se perpétuer. 20 ans plus tard, ce voyage extraordinaire et sa préparation vont fasciner et inspirer le réalisateur et aventurier Nicolas Vanier au point d’y consacrer un roman “Donne-moi des ailes” qu’il porte aujourd’hui à l’écran comme si on y était.

    Le sujet est plus que d’actualité quand on sait le triste constat de 420 millions d’oiseaux disparus du ciel européen en 30 ans, soit un tiers de la population. Une véritable hécatombe silencieuse. Mais dans son long métrage, le réalisateur de l’Ecole buissonnière et Belle et Sébastien, n’a pas fait le choix de l’alarmisme. Nicolas Vanier s’est saisi de cette magnifique épopée pour en faire une forme de conte porteur de plusieurs messages d’espoir. Il y a d’abord et essentiellement la relation entre l’Homme et l’animal, le premier ayant cette détermination à vouloir sauver l’autre avec une idée de génie qui va lui attirer au départ le mépris de l’administration.

    L’acteur Jean-Paul Rouve, qui incarne Christian Moullec, expérimente avec les oies sauvage la technique de l’imprégnation théorisée par l’éthologue autrichien Konrad Laurenz. Pour cela, il récupère les oiseaux encore dans l’œuf et va les habituer dès lors au son du moteur de l’ULM qu’ils suivront quelques mois plus tard. L’imprégnation c’est aussi se faire passer pour le parent des oies grâce au fait que les 1ers êtres vivants qu’elles voient à la naissance sont considérés comme un référent paternel ou maternel. Ils seront deux parents d’ailleurs, puisque Christian va partager cette expérience inouïe avec Thomas son fils joué par le jeune acteur Louis Vasquez. “Donne-moi des ailes” c’est donc aussi une histoire sur l’importance de la transmission et du partage intergénérationnels à travers la relation entre un père complètement dévoué à son expérimentation et un fils obnubilé par les jeux vidéos qui finiront par se rapprocher grâce au désir ferme de sauver les oies naines. Le thème de la reconstruction familiale est aussi exploré à travers la relation entre Christian et son ex compagne Paula ( Mélanie Doutey dans le film ) dont la tendresse pour leur fils aura raison de leur séparation. 

    Tournage du film « Donne moi des ailes » realisé par Nicolas Vanier. Avec Jean-Paul Rouve, Mélanie Doutey, Louis Vazquez, Fred Saurel et Lilou Fogli.
    Tournage du film « Donne moi des ailes » realisé par Nicolas Vanier. Avec Jean-Paul Rouve, Mélanie Doutey, Louis Vazquez, Fred Saurel et Lilou Fogli.

    Dans la vrai vie, c’est avec sa femme que Christian Moullec a élaboré et mené ce projet et non pas avec son fils. Ensemble ils ont réussi à emmener 33 oies de la Laponie à l’Allemagne en évitant la voie millénaire qui était empruntée par ces oiseaux à cause des nombreux dangers qu’elle comporte du fait de l’urbanisation, la pollution nocturne, la chasse et surtout l’agriculture intensive et ses pesticides qui ont privé les oiseaux des insectes dont ils se nourrissent et des abris où ils nichent. Mais comment fait-on pour dévier des oies sauvages d’un trajet ancestral ?

    La route migratoire n’est pas enregistrée de façon innée chez les oiseaux mais ils la mémorisent lors de leur 1ère migration en suivant leurs parents. En 1999, Christian et Paula vont donc amener les oies naines en van jusqu’en Laponie où elles s’envoleront pour la 1ère fois. Dès lors, cet endroit sera considéré par elles comme leur lieu de naissance où elles retourneront continuellement. De la Laponie, le couple fera cap en ULM vers une réserve naturelle du sud-ouest de l’Allemagne escorté de façon extraordinaire par les oies pour les initier à prendre ce nouvel itinéraire passant non plus par le sud-est mais par le sud-ouest de l’Europe. Pour vérifier le succès de l’expérience, l’ornithologue et son épouse attendront quelques mois plus tard les oies en Laponie où elles devaient naturellement revenir. Banco, les voilà de retour ! Les oiseaux, comme s’ils étaient munis de GPS intégrés, avaient bel et bien enregistré la nouvelle voie qui devait les sauver de la disparition. L’instant est magique.

    Christian Moullec ( qui a piloté l’ULM pendant le tournage du film ) et Nicolas Vanier
    Tournage du film « Donne moi des ailes » realisé par Nicolas Vanier. Avec Jean-Paul Rouve, Mélanie Doutey, Louis Vazquez, Fred Saurel et Lilou Fogli.

    Le film de Nicolas Vanier nous donnera un avant-goût de la rigidité institutionnelle et sa paperasse qui font parfois barrage aux ambitions louables d’un chercheur. Dans “Donne-moi des ailes”, Christian ne manquera pas de prendre des risques pour mener à bien son expérience, ce qui ne sera pas sans répercussions sur sa famille. Une forme de désobéissance civile, si nous devions la nommer franchement. On saluera par ailleurs la tournure dramatique que prendra alors le film, car elle ravivera un jeu d’acteurs au départ trop confiné à des stéréotypes (scientifique isolé, adolescent rebelle accro aux jeux vidéo, mère overbookée par son travail…). La lourdeur administrative n’est pas abordée ici par hasard par le réalisateur lui-même habitué des aventures en milieu extrême. Elle est en effet la cause de l’interruption de l’initiative de Christian Moullec. Pour parvenir à une reproduction viable de l’espèce et un repeuplement de l’Europe, il devait initier au moins 500 oies naines à cet itinéraire mais il n’a pas obtenu les autorisations nécessaires pour réitérer ses voyages en dépit de l’importance capitale de ses travaux.

    Tournage du film « Donne moi des ailes »
    Tournage du film « Donne moi des ailes »

    Le film “Donne-moi des ailes” a non seulement l’ambition de nous faire revivre ce périple invraisemblable comme si nous étions à bord de l’ULM grâce à des techniques de tournage ambitieuses menées non sans difficultés (dressage des oies, météo extrême, capture des oiseaux en plein ciel…) mais il entend aussi ressusciter l’initiative de Christian Moullec qui a d’ailleurs été pleinement intégré à la réalisation du long métrage. L’équipe de “Donne-moi des ailes” s’attelle à présent à une opération qui devrait permettre de mener 300 à 400 oiseaux de Laponie vers des zones refuges, dans le monde bien réel. Après avoir reçu les encouragements du gouvernement, Nicolas Vanier a désormais toutes les raisons de croire en ce projet. Et il y a urgence. La France et l’Europe s’acheminent vers des chiffres encore plus catastrophiques concernant la disparition des oiseaux. Un projet pédagogique pour initier et sensibiliser les enfants au sujet a été lancé en partenariat avec les enseignants du primaire. Peut-être serait-il également temps, pour les autorités, de s’attaquer surtout aux causes structurelles de cet effondrement de notre biodiversité ?

                                                                                                                                    PAN

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