Considérés comme des tiers-lieux, les « Repair cafés » se multiplient dans la majorité des villes, surtout en Belgique, mais aussi dans les pays limitrophes. Ces ateliers de bricolage sont l’occasion de rencontres et d’entre-aide entre voisins. Ils rendent possible la réparation d’objets sinon promis aux poubelles et soutiennent dans le même temps une démarche éco-citoyenne. À l’heure où l’obsolescence rapide des objets est devenue un problème, ces niches de résistance au « tout jetable » se veulent à la fois conviviales et engagées dans la lutte pour la préservation de l’environnement. Au Repair Café de Liège, qui se tient régulièrement depuis 2013, l’événement mensuel est particulièrement courtisé. Rencontre.

En ce dimanche de fin de mai, lorsque nous arrivons au Repair café de Liège qui est organisé pour l’occasion dans les locaux d’une association consacrée à l’éducation permanente, une petite file d’attente s’est déjà formée. Pourtant, en cette journée caniculaire, les visiteurs sont moins nombreux que d’habitude. À l’entrée, chacun est accueilli avec son objet défectueux. Le principe du Repair café lui est expliqué, puis, selon le type d’aide dont il a besoin, il se voit attribuer un numéro d’attente et redirigé vers l’un des cinq stands : électronique, informatique, bricolage, couture et aide à la rédaction de documents officiels.

Les débuts du projet remontent à septembre 2012, lorsque sous l’impulsion de Sophie et de sa sœur Emi, plusieurs amis se regroupent autour de l’idée, avant d’être rejoints par d’autres intéressés. « On est nul en réparation, plaisante Emi, mais en revanche on aime créer des événements ouverts à tous ». Chaque dernier dimanche du mois, une vingtaine d’engagés se retrouvent dans un nouveau lieu. Ce caractère itinérant de l’association de fait est important, puisqu’il permet d’aller à la rencontre des habitants, dans tous les quartiers de la ville. Avec un bar organisé à chaque atelier, un peu de musique et des bénévoles motivés, l’ambiance est particulièrement détendue et accueillante.

Crédit photo : Mr Mondialisation

« C’est ça, ou la poubelle »

Aspirateurs, fers à repasser, ordinateurs, vélos… souvent, quelques coups de vis ou une pièce de rechange suffisent pour les remettre en état de marche. C’est le rôle des « réparateurs », qui, assis les uns à côté des autres avec leurs outils, se concentrent, tout en se lançant des blagues de temps à autre. Parmi eux, un féru d’informatique, un électricien et un mécanicien. Tous les bénévoles ne sont pas forcément professionnels : en effet, certains viennent pour apprendre, épaulés par d’autres, plus expérimentés. Dans l’esprit du lieu, « il n’y a pas de barrières » et toutes les aides sont bienvenues. Les visiteurs y trouvent leur compte. C’est la cas de Manu, qui est venu avec un amplificateur cassé qui « traînait » dans sa maison depuis plusieurs années : « cela faisait longtemps que je devais le faire, aujourd’hui je me suis décidé ». Assis en face d’un réparateur bénévole, il observe ce dernier en train d’ouvrir son ampli, tout en écoutant ses conseils.

Pour Michel, un bricoleur en train de manipuler une rallonge électrique, il s’agit d’« aider des gens qui n’ont pas la possibilité de bricoler, afin de pouvoir rendre service ». Philippe, « l’écrivain public », occupe dans sa vie professionnelle un poste dans les ressources humaines. Ce dimanche, il aide à remplir des papiers administratifs et à rédiger des CV ainsi que des lettres de motivation. Avant de devenir bénévole, il était lui même venu pour se faire aider. Inspiré, il a décidé de s’engager à son tour. Selon lui, le Repair Café représente « un écologisme pragmatique » et « permet la rencontre de gens qu’on ne voit pas habituellement ».

Michel répare une rallonge électrique. Crédit photo : Mr Mondialisation

« C’est le Repair Café qui nous a rendus écolos »

Si l’objectif est bien de réparer les objets, on ne veut pas non plus mettre la barre trop haut. Le Repair Café, « c’est un coup de main entre voisins » explique Emi, qui ajoute que les gens ne doivent pas venir avec l’idée qu’il « s’agit d’un service après-vente », pour éviter de mettre la pression sur les réparateurs qui sont, avant tout, des bénévoles soucieux d’aider la communauté. D’ailleurs, le Repair Café n’accepte pas les objets qui sont encore sous garantie ; seuls les objets défectueux qui termineraient autrement à la poubelle sont diagnostiqués, puis réparés dans la mesure du possible. « C’est l’endroit de la dernière chance », résume Emi.

Le gouvernement fédéral belge, bien conscient de la problématique environnementale posée par les déchets électroniques, envisage désormais de nouvelles mesures pour lutter contre l’obsolescence programmée. Mais pour Emi et Sophie, c’est bien l’idée d’entraide qui les anime en premier lieu. Bien évidemment, les deux sœurs se sont vite rendu compte de tout ce que le Repair Café permettait de sauver de la poubelle, mais il ne s’agit pas de la raison première du projet : « c’est le Repair Café qui nous a rendus écolos », explique Emi avec franchise. Et si les organisateurs de l’événement mensuel peuvent s’enorgueillir d’une moyenne de 80 objets réparés par atelier, ici, on veut surtout que l’événement reste convivial et serve à tisser des liens.

Emi et Sophie. Crédit photo : Mr Mondialisation

Source : Propos recueillis par l’équipe de Mr Mondialisation / Merci à nos rares donateurs qui rendent ce travail possible !

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