Le parcours des étudiant.e.s en école d’ingénieurs peut parfois leur sembler tracé d’avance, tant une carrière dans les grands groupes leur est présentée comme la suite logique à leur cursus universitaire. Pourtant, les élèves sont de plus en plus nombreux à se poser des questions sur leur rôle en société et à vouloir exercer leur métier de manière engagée, d’un point de vue social et environnemental. C’est à dire, user de leur intelligence pour améliorer le monde et non pas simplement aider une multinationale à générer des capitaux. Ingénieur pour demain, un documentaire proposé par des étudiant.e.s de l’INSA Lyon s’est attaqué à la problématique. Critique vis-à-vis d’un modèle qui pousse les élèves vers les grands groupes industriels, l’équipe* à l’origine du projet a voulu montrer qu’il existait d’autres chemins…

Parti du constat qu’un nombre grandissant des étudiant.e.s ingénieurs de l’INSA ne se reconnaissent pas dans les débouchés que propose leur école, un groupe d’élèves a voulu mettre cette problématique tabou en lumière. Alors que le cursus suivi aboutit dans bon nombre de cas à un parcours professionnel dans la recherche ou dans les grands groupes, l’objectif de l’équipe était de montrer qu’il existe des perspectives différentes. Le reportage, de 45 minutes environ, a été réalisé sous l’impulsion de deux associations étudiantes de l’INSA Lyon. La première, Objectif 21, est consacrée au développement durable, la seconde, La Mouette, est une association d’audiovisuel. Il est aujourd’hui disponible librement sur Youtube.

“Comment peut-on travailler en tant qu’ingénieur sans mettre de côté ses valeurs écologiques et sociales ?”

C’est la mise en question de leur avenir, qui a poussé le groupe d’étudiant.e.s à se lancer dans ce projet. En effet, ils ont pu constater les nombreux doutes, voire le malaise, que rencontraient certains élèves et qui se traduit par « une perte de motivation dans [leurs] études, voire une angoisse par rapport à l’avenir ». Pour cause, nous explique l’équipe, de plus en plus d’élèves souhaitent avoir « une activité qui puisse être utile à la société et pour laquelle ils se sentiraient bien au quotidien ». En dépit de leur intérêt pour la science, certains finissent tristement par se demander s’ils ont fait le bon choix.

Pourtant, les étudiant.e.s ne se sentent pas entièrement accompagnés pour faire face à ces questions. Bien que l’INSA Lyon ait débuté un projet intitulé Ingénieurs engagés, les auteurs de la vidéo estiment qu’il est « difficile de sortir de la norme, parce ce qu’elle est confortable«  : « on a un emploi assuré et bien rémunéré, il faut avoir des convictions fortement ancrées pour renoncer à cela et prendre le risque de sortir des sentiers battus, qui plus est vers des chemins peu connus des étudiants », commentent-ils. Sans parler du regard des autres, de la famille et de la société elle-même.

« La science et la technique sont hautement politiques »

Dans le même temps, le mode de fonctionnement de l’enseignement supérieur freine le changement : « les grandes écoles, tout comme l’université, reposent sur un système où leur financement est en partie assuré par les grands groupes privés, et l’idéologie des décideurs peut en être influencée ». Aussi, dans le cadre de leurs études, les étudiants regrettent qu’on ne leur offre que trop rarement de nouvelles perspectives. « Ceux qui font des interventions à l’école sont principalement des grosses entreprises parce qu’elles ont les moyens d’organiser des évènements et des conférences au sein du campus. Les alternatives à ces grandes entreprises sont très peu abordées parce qu’elles n’apparaissent pas comme des sources d’activité telles que les multinationales ».

Ingénieurs pour demain met en lumière ces inquiétudes, tout en prenant en exemple ceux qui ont décidé de travailler autrement. En effet, le documentaire expose certaines des alternatives crédibles et existantes pour s’engager sans renier ses qualités d’ingénieur et compétences infiniment utiles à l’émergence d’un avenir serein. Ces alternatives sont nombreuses : bureaux d’étude, coopératives et SCOP, ONG, associations, auto-entreprenariat, le secteur public… De fait, rappellent nos interlocuteurs les ingénieurs jouent un rôle essentiel au sein de la société : « ils sont quasiment les seuls à disposer du savoir technique et des capacités de gestion qui permettent d’organiser la transition énergétique ».

Initiative bien nécessaire dans un monde qui semble avoir perdu le sens des priorités, le documentaire est aujourd’hui entièrement libre de droits et les auteurs espèrent qu’il connaîtra une large diffusion, éventuellement par l’intermédiaire de projections-débats dans des écoles d’ingénieur ou dans les facultés. Nous en retiendrons une question simple : si le savoir technique représente un grand pouvoir, que voulons-nous en faire durant le temps qui nous a été imparti ? Pour toute demande, il est possible de prendre contact auprès de medialamouette@gmail.com.

Le reportage « Ingénieur pour Demain »

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Propos recueillis par l’équipe de Mr Mondialisation, chaque jour un peu plus sur le terrain grâce à vos dons.

*Merci à Théo, Lydie, Camille, Martin, Marine, Claude, Kenza et Romain de bien avoir voulu répondre à nos questions.

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