Face à la tragique pollution de la rivière Kali Bein, dans sa région du Pendjab indien, Sant Balbir Singh Seechewal a réussi à mobiliser des centaines de ses compatriotes pour un vaste chantier à la fois pédagogique et pratique. Alors que celle-ci était devenue un égout à ciel ouvert d’où la vie disparaissait, sa force de conviction et le soutien actif de nombreux volontaires ont rallié les citoyens à une prise de conscience de la nécessité d’une meilleure gestion des déchets. Sans aucun soutien des pouvoirs, la seule solidarité locale va permettre de rendre à la rivière sa force vitale et de faire de ses rives des espaces de convivialité.
Résident du Pendjab, région située à cheval sur l’Inde et le Pakistan, Sant Balbir Singh Seechewal, plus connu par son pseudo, Eco Baba en raison de son engagement écologiste, a décidé d’agir au bénéfice des fleuves pollués de sa terre. Il a donc initié divers projets, dont le plus ample a consisté à nettoyer la rivière Kali Bein. Celle-ci, d’une longueur de 160 km, est considérée comme sacrée par les Sikhs, dont fait partie Eco Baba.
Sous l’effet de l’industrialisation et de l’usage agricole d’intrants chimiques, Kali Bein était devenue (comme tant d’autres) le tout-à-l’égout de 6 villes et 40 villages. Ses eaux polluées, en pénétrant les sols, ont également provoqué diverses maladies létales chez les habitants tout en nuisant à la productivité agricole. À tel point que l’eau, élément sacré de la religion sikh et source de vie, n’était plus en capacité d’accueillir la vie et allait même jusqu’à disparaître du lit de ce ruisseau frappé d’assèchement.
Cette histoire pourrait avoir terminé tragiquement, à l’image de Poopó, le deuxième lac de Bolivie qui a perdu 98% de sa surface, mais Sant Balbir Singh Seechewal a agi à temps pour éviter une telle issue. En 2000, il réunit autour de lui 200 volontaires et tous ensemble, de leurs propres mains, ils vont retirer du ruisseau des tonnes et des tonnes de détritus qui s’y trouvaient.
Cette tâche d’envergure a été réalisée selon la tradition sikh du service volontaire (kar sewa). Lui et ses compagnons ont donc enseigné aux locaux comment nettoyer efficacement le Kali Bein. Ils ont ainsi listé des volontaires pour les travaux physique et levé les fonds nécessaires aux travaux. Des bénévoles d’une vingtaine de villages ont donc participé à ce travail herculéen et nettoyé le lit de ses saletés, de ses plantes invasives (en raison de la pollution) et de sa vase. Le collectif a également construit des berges et des chemins le long de la rivière.
Ce projet local est le fruit d’un échec des pouvoirs publics à limiter les productions industrielles. Quand les appels au gouvernement et aux municipalités ont échoué à faire interdire le déversement des eaux usées dans la rivière, Eco Baba a lancé une campagne d’information pour encourager les villageois à évacuer les eaux sales d’une autres manières. Certains villages ont alors ravivé d’anciennes méthodes d’enlèvement et de traitement des déchets et des paysans se sont mis en accord pour un partage de l’eau traitée.
Le lit de la rivière ayant été maintenant nettoyé, les sources naturelles ont pu à nouveau frayer leur chemin pour renaître. Bien que la rivière fut rapidement remplie, ceci était insuffisant sans une consolidation des berges. Depuis lors, des arbres ont été plantés le long des rives et la pêche a été interdite afin de sauvegarder la biodiversité. Le tout, sans aide de l’État ni d’une quelconque institution. À présent, le Kali Bein est florissant. Les familles s’y rendent pour pique-niquer et des bains rituels s’y déroulent lors des festivités religieuses (où l’eau est parfois bue directement dans la rivière).
Quant à Eco Baba, son combat continue. L’homme s’est tourné vers les tanneries et autres usines qui rejettent les eaux usées dans les rivières indiennes. Il cherche donc à rallier les citoyens et le gouvernement au nettoyage des cours d’eau à travers l’État. « Nous avons prouvé », dit-il, « qu’il est possible de rendre à nos rivières leur pureté si nous nous réunissons. Il est temps de le faire à une plus large échelle ». Une seulement question, y a-t-il un « Eco Baba » en occident ?
Sources : Time.com / LaBioguia.com / Discoveredindia.com / Toutes photographies : Facebook – Sant Balbir Singh Seechewal