C’est lors d’une année passée en Bolivie que Candice Menant-Fernandez, à travers son engagement pour une ONG de protection de l’environnement, qu’elle s’est familiarisée avec le monde de la savonnerie. Marquée par cette expérience, elle fondera quelques années plus tard La Fleur des Châteaux, une entreprise de savons artisanaux pour promouvoir des valeurs éco-féministes. Présentation.
Changer le monde avec des savons ? C’est le défi dans lequel s’est lancée Candice Menant-Fernandez pour apporter sa contribution à l’édifice d’un monde plus juste. Elle nous livre les coulisses de son artisanat et prouve que se réapproprier la fabrique d’un produit essentiel du quotidien est un sacré pied-de-nez aux industriels et leurs perturbateurs endocriniens.
Un engagement de longue date
Pour Candice, l’envie de construire sa vie autour de la cause environnementale remonte à l’adolescence. Déjà très écolo au collège et au lycée, elle aurait voulu s’orienter dans l’écologie après son baccalauréat. Mais cette démarche ne rassurait pas sa famille qui n’imaginait pas qu’elle puisse trouver du travail dans ce domaine. Elle était aussi peu inspirée par les cursus très scientifiques existants alors sur l’écologie.
De 2013 à 2016, sur la recommandations de ses proches, elle suivi alors une école de commerce. Elle se souvient avoir été, selon ses termes, « un ovni ». Ses camarades l’avaient même surnommée « Nature et Découvertes » – du nom de l’enseigne bien connue dédiée à la nature et au bien-être – en raison de son végétarisme.
Elle témoigne : « À ce moment là, on parlait peu d’écologie et de féminisme, c’était même des sujets de moqueries. Évidemment j’y ai subi beaucoup de sexisme et de violences qui étaient alors beaucoup plus normalisés qu’aujourd’hui. »
Au cours de ses études, elle rédigea un mémoire sur l’éco-conception, s’impliqua autant que possible dans des associations environnementales. À sa sortie d’école en 2016, elle effectua un stage dans une multinationale où son travail consistait à importer des produits de Chine pour le marché français. Elle devait « mettre la pression à tout le monde ». Son tuteur de stage ayant démissionné, elle eu l’opportunité de décrocher « un superbe CDI très bien payé ».
Seulement, ce travail à grosses responsabilités était loin de correspondre à ses valeurs. Elle se rappelle avoir visité une usine en Italie où les conditions de travail étaient catastrophiques pour les employés : travail à la chaîne, contrat de travail à la journée/semaine, bas salaires… N’adhérant pas à ce milieu et n’arrivant pas à se projeter sur la mirifique progression de postes qu’on lui faisait miroiter, elle prit, après une année, le risque de quitter cette entreprise où elle s’était retrouvée un peu par hasard.
Un virage environnemental
Sa démission déposée, Candice se lança dans un service civique qui la mena en Bolivie entre 2017 et 2019, engagée auprès de l’ONG française Cœur de Forêt qui œuvre en faveur de la protection des forêts et de leur coexistence harmonieuse avec l’humain. Là, dans la région des Yungas au nord du pays, elle fut chargée d’aider les agriculteurs à ne plus dépendre de la culture unique du café en se diversifiant : la plantation en agroforesterie d’arbres fruitiers, comme des orangers par exemple, leur permettaient de produire des huiles essentielles et de la citronnelle.
Candice se rendait à La Paz pour créer des canaux de vente dans le pays. Ainsi les revenus des agriculteurs se sécurisaient et limitaient l’apport d’engrais chimique pour privilégier le bio. La biodiversité se développait sur leurs parcelles : un oranger faisant de l’ombre au plan de café tout en profitant, lui, de ses racines. Lors de ces deux années, Candice a crée des liens forts avec ses collègues boliviens et retourne régulièrement sur place.
De retour en France, Candice a fait un master en politique environnementale à Science Po Toulouse grâce au parcours d’égalité des chances de l’Institut de l’Engagement aidant les jeunes qui ont effectué un service civique à rentrer dans les grandes écoles sans passer le concours écrit, à la suite d’un oral. Durant ces années d’études, elle eut en 2020 l’opportunité de faire un stage au ministère de la Transition écologique et solidaire, d’où elle ressortit assez inquiète devant le manque de considération pour l’écologie qu’elle y remarqua.
« On va droit dans le mur, c’est un cabinet politique. Les gens qui sont là et prennent des décisions n’en ont rien à faire de l’écologie, ils ne font même pas le tri sélectif ! Ce qui les intéressait, c’est de savoir si la personne pour qui ilS travaillaiENt allait gagner un « meilleur » ministère, comme Berçy » se souvient-elle.
Pour une passionnée d’écologie, le décalage avec des personnes qui n’y connaissaient rien au sujet fut rude. Mais pas de quoi la détourner de la politique pour autant : l’année suivante, Candice postula pour un nouveau stage auprès du conseiller régional en charge de l’écologie, Charles Fournier. Or, ce dernier se lançant dans la campagne des élections régionales de 2021, elle intégra son équipe comme chargée de mobilisation. Là, enfin, elle trouva des militants très bien informés et engagés, avec une forte dynamique citoyenne. Une excellente expérience qui la poussa à rejoindre le parti d’Europe Écologie Les Verts et intégrer l’équipe du député européen Claude Gruffat.
Devenue assistante au Parlement européen, elle intervint sur les questions de commerce équitable, sur l’agriculture biologique, l’entreprenariat engagé, le MERCOSUR. Un travail qui la passionna mais où malgré tout elle ne se sentait pas à sa place :
« On travaille durant de mois sur des textes qui ne sont finalement pas votés ou qui aboutissent au bout de dix ans. J’avais vraiment un sentiment d’inutilité sur des sujets qui me tenaient pourtant très à cœur. Il faut évidemment se battre sur dans le champ politique, c’est très important, mais je sentais que ce n’était pas là que j’étais le plus utile. Je suis une personne qui a besoin de concret. »
Pour « continuer à lutter contre les dérèglements climatiques, mais à un échelon plus concret », elle choisit alors de porter ses convictions sur le terrain de l’entreprenariat.
La Fleur des Châteaux, savonnerie éco-féministe, bio & zéro déchet
C’est ainsi qu’à 28 ans, la savonnerie artisanale, locale et éco-féministe de Candice vit le jour à Tours, en Indre-et-Loir, sa région d’origine et de cœur. Elle lui donna le nom La Fleur des Châteaux en référence aux fleurs qui sont infusées dans les huiles des savons et pour rassembler autour du patrimoine de la région.
Il lui a fallu faire des investissements non négligeables, outre le matériel et les matières premières : « Chaque recette fait l’objet d’un « dossier d’information produit » (DIP) qui doit être validée par un chimiste, ce qui coûte 500€. On envoie la recette à un cabinet qui fait ses recommandations et donne son aval pour la mise sur le marché. C’est un coût qui freine le développement de la gamme de produits. » Heureusement, son projet de savonnerie a reçu le soutien de l’incubateur Alter’incub Centre-Val de Loire (qui accompagne les projets sociaux et environnementaux du territoire) et a été lauréat du concours Déclics jeunes 2023 de la Fondation de France lui octroyant une bourse de 8 000€ pour l’aider à se lancer.
« Grâce au crowdfunding, j’ai investi dans un laboratoire dans le Loir-et-Cher. C’est une région qui me tient à cœur car le Loir-et-Cher a été très désindustrialisé. Des grosses entreprises, comme le chocolat Poulain, ont délocalisé dans les années 2000 entrainant un taux de chômage important. »
Solidarité et entraide entre femmes
« J’avais fabriqué des savons pour le Parlement européen lors d’une campagne pour la justice fiscale. J’y avais écrit ‘Dirty money’. » » Candice Menant-Fernandez
Photo de couverture : ©La Fleur des Châteaux