Une étude publiée dans la revue scientifique Global Biogeochemical Cycles[1] révèle l’étendue de deux zones mortes situées au large des côtes pacifiques nord et sud-américaines. Alors que la détérioration des écosystèmes marins et la perte de la biodiversité ne cessent de s’accélérer, cette nouvelle étude démontre une nouvelle fois l’urgence d’agir pour limiter les effets du changement climatique et ralentir l’augmentation des températures. Auquel cas, la vie pourrait très prochainement déserter les océans de la planète…

Alors que les eaux côtières du Pacifique florissaient autrefois d’une biodiversité marine luxuriante, deux scientifiques du Massachussetts Institute of Technology (MIT) ont découvert deux régions de l’océan Pacifique où toute forme de vie semble avoir totalement disparu.

À l’aide de plus de 15 millions de mesures collectées par des capteurs électriques à bord de navires et de robots autonomes, les deux chercheurs ont récemment développé une carte 3D révélant le niveau d’oxygène dans l’océan Pacifique, et y ont identifié deux vastes zones océaniques présentant d’importantes carences en oxygène[1].

La plus petite zone, qui se situe au large des côtes de l’Équateur, du Pérou et du nord du Chili, a un volume d’environ 600 000 km3. La deuxième quant à elle, qui s’étend du golfe de Californie jusqu’au Panama, est presque trois fois plus grande que la première.

Corail blanc. Source : Wiki Public Domain

Privées d’oxygène, ces deux régions s’apparentent désormais à de gigantesques cimetières marins. « Être capable de visualiser en haute résolution les zones à faible teneur en oxygène est vraiment une première étape nécessaire pour comprendre pleinement les processus et les phénomènes qui conduisent à leur émergence »[2], a notamment déclaré Andrew Babbin, l’un des deux développeurs de l’atlas.

Multiplication des zones mortes dans les océans

Ces trente dernières années, les océanographes et biologistes marins ont observé une multiplication des zones océaniques dites « hypoxiques », régions dans lesquelles l’oxygène devient trop rare pour que les organismes vivants puissent s’y développer.

Il existe deux types de zones mortes : des zones mortes naturelles, telles qu’identifiées par l’atlas 3D publié par les chercheurs du MIT, et des zones mortes anthropiques. Qu’elles soient d’origine naturelle ou une conséquence du développement des activités humaines, ces zones hypoxiques résultent toutes deux d’un apport excessif de nutriments.

« Ces nutriments stimulent une croissance massive du phytoplancton, un peu comme la façon dont nous fertilisons les terres cultivées ou nos plantes à pot à la maison. Lorsque le phytoplanctons coulent ensuite dans les profondeurs des océans, les bactéries hétérotrophes agissent pour décomposer la matière organique, consommant d’importantes quantités d’oxygène »[3], explique Babbin. Ce phénomène peut également être accéléré par la perte de transparence de l’eau, provoquée par la pollution et la prolifération de végétaux aquatiques, qui empêche la pénétration du rayonnement solaire, limitant ainsi la photosynthèse planctonique et la production d’oxygène.

Enfin, l’apparition de zones mortes anthropiques est principalement attribuée aux ruissellements des fertilisants agricoles, notamment azotés ou phosphorés, ainsi qu’à l’écoulement des nutriments et matières organiques issus de la dégradation des sols agricoles ou des différents procédés industriels.

À titre d’exemple, la pollution chimique est responsable du développement de la deuxième plus grande zone morte du monde dans le golfe du Mexique[4].

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Plus alarmant, ce phénomène ne semble pas se limiter à ces deux régions de l’océan Pacifique mais concerne l’ensemble des océans du globe. En 2004, les spécialistes estimaient déjà le nombre de zones mortes à 150 dans le monde, et alertaient d’une probable augmentation de leur superficie d’environ 5% par an. Ainsi, on peut observer des zones hypoxiques dans les fjords scandinaves ou dans les mers situées au large du Ghana, de la Chine, du Japon, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Portugal ou encore de la Grande Bretagne.

Avec la surpêche, la multiplication des zones mortes accélèrent l’effondrement de la biodiversité marine – Pixabay

De nouvelles zones, à mesure que le réchauffement climatique s’accélère

L’oxygène dans les océans est en grave déclin.

Depuis 1970, le niveau global d’oxygène a diminué de 2% et le nombre de zone morte a quadruplé. Bien qu’il existe des zones dans les océans où le niveau d’oxygène diminue naturellement, ce qui est notamment le cas dans les grandes profondeurs où la photosynthèse génératrice d’oxygène est amoindrie en raison de l’absence de lumière, les activités humaines responsables du réchauffement climatique entrainent l’apparition d’un plus grand nombre de zones pauvres en oxygène.

« On s’attend généralement à ce que les océans perdent de l’oxygène à mesure que le climat se réchauffe. Il est donc important de mettre au point des cartes détaillées de ces zones afin d’avoir un point de comparaison pour les évolutions futures et révéler comment ces zones réagissent face à un climat changeant »[5], a déclaré Jarek Kwiecinski, co-développeur du récent atlas 3D.

En effet, à mesure que le climat se réchauffe, ces zones en faible teneur d’oxygène sont appelées à se multiplier. L’oxygène se développant moins bien dans des eaux plus chaudes, une élévation de la température des mers et océans pourrait donc accélérer l’apparition de nouvelles zones hypoxiques.

Alors que la surpêche et le développement des activités maritimes anthropiques participent déjà quotidiennement à l’effondrement de la biodiversité marine, l’accélération du développement des zones mortes à travers les océans du monde pourrait bientôt annoncer la disparition de la biodiversité et des écosystèmes marins, avec le risque d’exacerber davantage les effets du changement climatique et la naissance de futures crises humanitaires.

W.D.

[1] Babbin, A., et al., An atlas of depth-gridded and density-gridded interpolated and un-interpolated oxygen deficient zones (ODZs) in the Eastern tropical and subtropical Pacific Ocean, Woods Hole Open Access Server, 30 novembre 2021, disponible sur: https://darchive.mblwhoilibrary.org/handle/1912/27787

[2] Rosane, O., “Ocean’s largest dead zones mapped by MIT Scientists” in EcoWatch, 26 janvier 2022, disponible sur: https://www.ecowatch.com/ocean-dead-zones-map.html?fbclid=IwAR1NroairmIAzNogiOIUt9m4t7S3nlHUhqld4uih-01X_pON0yzvkiBsn1c

[3Ibid., https://www.deepl.com/fr/translator

[4] Etienne, J., « Dans l’océan mondial, les zones mortes s’étendent étonnamment rapidement » in Futura Planète, 4 octobre 2008, disponible sur : https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/oceanographie-ocean-mondial-zones-mortes-etendent-etonnamment-rapidement-16903/

[5] Shukla, P., “Scientist have created an atlas of ocean suffocation” in Forbes, 29 décembre 2021, disponible sur: https://www.forbes.com/sites/priyashukla/2021/12/29/scientists-have-created-an-atlas-of-ocean-suffocation/?sh=5433fbd478f7

[1] Babbin, A., et al., A high-resolution atlas of Eastern Tropical Pacific oxygen deficient zones, Global biogeochemical cycles, 27 décembre 2021, disponible sur: https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1029/2021GB007001

Crédits photo de couverture : @shifaaz-shamoo/Unsplash

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