Depuis leur démocratisation dans les années 1920, les antibiotiques ont sauvé des dizaines de  millions de vies humaines. Mais près d’un siècle plus tard, les bactéries développent une  résistance de plus en plus accrue à ces médicaments. En cause, une surconsommation de ces  produits, notamment dans l’élevage intensif. 

Confrontées aux antibiotiques, les bactéries évoluent d’année en année pour devenir plus  fortes et plus résistantes. Ainsi, des maladies que nous parvenons à soigner relativement facilement aujourd’hui pourraient devenir mortelles dans quelques décennies. Selon un rapport des Nations unies, on craint de cette manière plus de 10 millions de décès annuels dus à cette problématique d’ici 2050. 

Dans les faits, le danger est déjà là puisque l’antibiorésistance fait actuellement près de 6000 victimes par an en France. D’après une étude de The Lancet, publiée en 2019, le phénomène emporterait même pas moins de 1,3 million de vies dans le monde tous les ans.  

 

La dangerosité de l’automédication 

Si cette nouvelle résistance se développe de plus en plus, l’être humain n’y est bien  évidemment pas étranger. Prescrits en masse, les antibiotiques ont longtemps fait figure de remède miracle, y compris pour les médecins.

Aujourd’hui encore, la France en reste le 5eme plus grand consommateur d’Europe par rapport à son nombre d’habitants (source

Depuis le début du millénaire et une certaine prise de conscience, des campagnes de  sensibilisation ont été mises en place, notamment avec le fameux slogan « les antibiotiques  c’est pas automatique ». Malgré tout, en 2017, 759 tonnes d’antibiotiques à destination humaine ont été vendues en France.  

Si les gens se contentaient de suivre les prescriptions de leurs médecins, les conséquences ne seraient sans doute pas aussi importantes. Mais, selon un sondage de Harris pour l’Afipa, 8 Français sur 10 ont recours à l’automédication. Et dans le cas des antibiotiques, cet usage peut faire beaucoup de dégâts.  

Les bactéries peuvent, en effet, développer une plus grande résistance si elles sont exposées de manière inappropriée aux antibiotiques, par exemple s’il s’agit d’un virus qui est par essence insensible à ce remède. De la même manière, il existe également un risque si le traitement n’est pas suivi pendant toute la durée indiquée par un praticien. 

Les effets dévastateurs de l’élevage intensif 

Mais c’est aussi par le biais de l’élevage intensif que l’antibiorésistance a pu se frayer un  chemin. Et pour cause, ces fermes-usines ont consommé près de 500 tonnes d’antibiotiques dans l’hexagone en 2017. Il faut dire que les conditions désastreuses de l’élevage industriel sont propices au développement de maladies, y compris de pandémies.

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Début 2022, l’Union européenne a bien tenté d’établir une réglementation sur le sujet en limant l’usage des antibiotiques pour ces animaux. Ainsi, ces traitements ne peuvent plus être utilisés pour : « compenser de mauvaises conditions d’hygiène, des conditions d’élevage inappropriées, un manque de soins, ou une mauvaise gestion de l’exploitation ».  

Pourtant, beaucoup d’États auraient bien du mal à s’y conformer, et notamment la France. Rien de surprenant puisque l’emploi massif d’antibiotiques est un maillon essentiel de ce type  d’agriculture. Si l’on veut lutter contre les abus, c’est donc le système intensif lui-même qu’il faut remettre en question. Les pays scandinaves, qui sont parmi les moins consommateurs de médicaments pour leurs fermes, sont d’ailleurs également ceux où le bien-être animal est le mieux considéré.  

Une importante pollution médicamenteuse 

Un autre facteur peu connu favorisant l’antibiorésistance est celui de la pollution. À l’heure actuelle, un quart des rivières du monde contient des substances médicamenteuses à un niveau élevé, relate le média Reporterre.

Parmi elles, on retrouve bien sûr des antibiotiques. Relâchés dans la nature, ceux-ci facilitent alors le développement de bactéries plus résilientes potentiellement dangereuses pour l’être humain. De surcroît, des scientifiques ont récemment découvert que les microplastiques rejetés dans l’environnement absorbaient les antibiotiques et participaient donc au processus. 

Bien évidemment, face à ce fléau en puissance, les chercheurs s’efforcent de trouver des solutions innovantes, comme des super antibiotiques ou encore des thérapies alternatives. Pour autant, il serait sans doute plus judicieux de remettre sérieusement en cause nos réflexes et leurs origines.  D’autant plus lorsque l’on sait que nos agissements auront des conséquences sur l’ensemble de la population. Que ce soit en respectant scrupuleusement les prescriptions ou en éradiquant l’élevage intensif et la pollution, l’être humain garde une bonne marge de progression…

– Simon Verdière


Photo de couverture @Etactics Inc/Unsplash

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