On n’y pense peu mais le sable marin est la ressource naturelle la plus utilisée dans notre monde contemporain après l’eau. Les médias se font régulièrement l’écho du manque d’eau potable dans un futur proche, un problème qui sera sans doute générateur de guerres mais le manque de sable constitue une problématique importante qui devrait également nous alerter, tant nos économies modernes sont fondées sur le secteur de la construction.
Le sable est présent dans de nombreux domaines de notre vie quotidienne, tout autour de nous, souvent sans que l’on s’en doute. Très probablement, il y a du sable dans le sol et les murs en ce moment même autour de vous. Il est l’un des constituants du béton, du ciment, des mortiers qui servent dans le bâtiment, mais aussi dans la production du verre, jusqu’aux puces électroniques présentes dans biens des objets qui nous sont indispensables (téléphone, télévision, ordinateur, objets connectés…). On trouve du sable jusque dans le vin et le dentifrice !
Cette ressource, on peut de prime abord penser qu’elle est si abondante qu’on ne risque pas d’en manquer un jour et c’est une grave erreur. D’une part elle est non-renouvelable et d’autre part on ne peut pas utiliser n’importe quel sable dans la construction, domaine qui avale à lui seul la moitié du sable extrait. En effet, le sable des déserts présente des grains trop ronds et trop fins pour s’agglomérer et constituer un ciment résistant. C’est un sable granuleux qui est nécessaire pour édifier bâtiments, routes, ponts, structures,… Un sable bien particulier, fruit d’une lente érosion naturelle, qui provient de la mer, des rivières et des plages. Comme le pétrole, le sable est une ressource qui nécessite des millions d’années pour être produit par l’environnement. Et l’appétit avec lequel il est consommé par l’industrie du bâtiment met plages et littoraux en danger aux quatre coins du monde ainsi que notre économie moderne.
Déjà en 2013, le réalisateur Denis Delestrac alertait sur les conséquences de son exploitation dans son documentaire « Le Sable : enquête sur une disparition ». D’après l’enquête qu’il avait menée, il estimait que 75 à 90% des plages mondiales sont menacées de disparition dans les décennies à venir. Pour récupérer du sable, les compagnies d’extraction grignotent sur les plages, ainsi le documentaire indiquait que 9 plages sur 10 étaient menacées en Floride. Et les remblayer avec du sable importé (qui manquera lui aussi ailleurs) ne sert à rien : au bout de quelques années, il est retourné au large et tout est à recommencer.
Mais surtout, les compagnies le draguent au large des côtes. Et la nature comme les habitants des côtes en paient le prix : l’exploitation du sable dévaste les fonds marins, détruisant l’écosystème qui s’y trouve. Aussi, ce sable servait de barrière entre les flots et le littoral. Une fois retiré, on observe une érosion des côtes menaçant directement la population qui y est installée. Le sol, que l’eau salée infiltre (tout comme les nappes phréatiques), devient impossible à cultiver. C’est ainsi qu’en Indonésie, 24 îles ont disparu, victimes de l’extraction de leur sable protecteur qui est allé alimenter le développement de l’urbanisme à Singapour. Enfin, dernier point, le sable garantit une protection contre les tsunamis, les ouragans comme une étude américaine de la Western Carolina University en 2009 le démontrait.
Le monde s’était extasié devant les projets démesurés d’îles artificielles à Dubai, « The Palm » et « The World » mais combien savent que leur réalisation a coûté 150 millions de tonnes de sable pour le premier et trois fois plus, soit 450 millions de tonnes, pour le second ? La ville a récupéré ce sable au large de ses propres côtes avant d’en manquer rapidement au point d’en faire venir d’Australie pour achever The World ! Comme mentionné plus haut, ce sable ne se renouvelle pas : il est issu d’une lente érosion de pierres de montagne qui mettront des siècles à rejoindre les cours d’eau et les océans. Du moins en théorie. Car dorénavant, 25% de ce sable est bloqué par les barrages, ce qui cause l’érosion des rives, des rivières et des fleuves…
Devant les dangers soulevés par l’extraction du sable, beaucoup de pays tentent de protéger leur littoral, mais en pratique, la surveillance est difficile. Et ayant perçu l’intérêt de cette ressource, des mafias ont déjà fait main basse sur le sable, en volant des milliards de tonnes chaque année et en corrompant les autorités locales. Elles n’ont pas de mal à écouler leur marchandise quand on sait que la Chine et l’Inde, en pleine croissance économique, utilisent les 2/3 tiers de la production de ciment au niveau mondial. Au total, l’humanité extrait 400 milliards de tonnes de sable par an dans le monde, un chiffre vertigineux qui n’a jamais été aussi élevé et qui ne pourra se maintenir indéfiniment. Et pourtant, notre croissance mondiale repose sur son abondance. Il est plus que temps que les autorités se saisissent enfin de cette problématique, pour préserver notre environnement alors que des alternatives existent (voir l’infographie ci-dessous). Le mot de la fin sera laissé à Datagueule qui résume en une phrase la situation dont nous sommes aujourd’hui responsables :
« Léger et malléable, le sable s’est plié aux rêves humains de grandeurs figées brisant un cycle nécessaire au vivant par nos désirs d’éternité froide et de croissance infinie ; nous avons creusé un gouffre auquel nous faisons face, celui d’une nature que nous vidons en croyant pouvoir nous extraire de ses rythmes nécessaires. »
S. Barret
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