À l’heure où de nombreuses villes du monde prennent la décision de fermer leurs établissements scolaires en raison de la pandémie du coronavirus, Katmandou se voit contraint à la fermeture des écoles et universités pour une toute autre raison. La capitale du Népal connaît en effet des taux de pollution de l’air extrêmes ces dernières semaines.
Depuis le début de l’année, l’atmosphère de Katmandou atteint des taux de pollution records. Le classement établi par IQ Air est clair : la capitale népalaise a occupé le haut du classement à de nombreuses reprises sur les trois derniers mois et se voit ainsi affublée du titre de « la ville la plus polluée du monde » en ce début d’année. Ce sont notamment la trop forte concentration en particules fines PM2.5 et le niveau d’ozone qui se révèlent particulièrement inquiétants, dépassant largement les doses maximales recommandées par l’OMS. En fin de semaine, des valeurs de plus de 300 à l’indice de qualité de l’air ont été observées, ce qui désigne le plus haut niveau d’alerte. Et le phénomène se généralise à l’ensemble du pays puisque d’autres villes du Népal, comme Butwāl, respirent un air encore plus pollué.
Une première pour le pays
Malgré ces relevés inquiétants depuis le début de l’année, ce n’est que ce lundi 29 mars que le gouvernement népalais a “donné l’ordre de fermer les écoles et les universités jusqu’au vendredi 2 avril inclus”, rapporte le Kathmandu Post. Il s’agit d’une première pour le pays, comme le souligne Deepak Sharma auprès de l’AFP, porte-parole du Ministère de l’éducation.
Le gouvernement a également appelé la population à rester chez elle et à s’abstenir de travaux de construction ou d’incinération d’ordures. En l’absence de filière efficace de gestion des déchets, une large partie de la population a en effet encore recours à ce type de procédé. Plusieurs vols ont par ailleurs été annulés à l’aéroport de Katmandou, la visibilité étant trop réduite par l’épais nuage de pollution pour assurer la sécurité des vols initialement prévus.
Des conditions météorologiques particulières en cause… mais pas seulement
Certains experts attribuent cette pollution à l’effet combiné de feux de forêt actifs dans plusieurs parties du pays et des conditions météorologiques particulières. Même si ces incendies interviennent régulièrement en cette saison sur plusieurs sommets himalayens, le feu semble plus difficile à maîtriser cette année. Les incendies sont en effet localisés à des altitudes plus élevées que d’habitude, rendant l’intervention des services de pompiers compliquée.
Le Ministère népalais de l’Environnement est d’ailleurs d’autant plus préoccupé par cette situation que les montagnes de l’Himalaya abritent un écosystème particulièrement diversifié. De nombreuses espèces, parmi lesquelles les léopards des neiges, les loups et les cerfs voient ainsi leur habitat naturel menacé par les flammes. Jusqu’à présent, ce sont 700 hectares de forêt qui ont été détruits dans le seul district de Manang, au nord-ouest de la capitale. Si le ministère ne peut pas encore estimer l’étendue des dégâts totaux, les ravages engendrés par le feu semblent d’ores et déjà importants.
Une pollution catastrophique pour la santé
Une association de facteurs météorologiques est en cause : les sécheresses longues et à répétition engendrent davantage de feux de forêts. Ceux-ci durent plus longtemps en raison de la faiblesse des précipitations. Le vent quasi-absent ces dernières semaines fait en outre stagner les nuages de fumée ainsi dégagés. Même si ces phénomènes naturels interviennent dans la pollution atmosphérique, il faut cependant rappeler que la qualité de l’air dépend essentiellement des activités humaines : les appareils utilisés pour la combustion au sein des foyers, les véhicules automobiles et les établissements industriels en sont les principaux facteurs responsables.
Dans son rapport en 2016, l’Organisation Mondiale de la Santé indique que 91% de la population mondiale, soit plus de 9 personnes sur 10, respirent un air trop pollué d’après les valeurs-seuils recommandées. On estime ainsi à 4,2 millions le nombre de décès prématurés provoqués dans le monde par la pollution ambiante dans les zones urbaines, périurbaines et rurales et à 8,7 millions ceux causés dans le monde imputables à la pollution provenant des combustibles fossiles… Et c’est sans surprise dans les parties les plus pauvres du monde que plus de 90% des décès prématurés sont survenus, en particulier dans les régions de l’Asie du Sud-Est et du Pacifique occidental.
Limiter les facteurs de pollution
Ce constat est certes affligeant, mais pas pour autant irréversible. De nombreuses mesures peuvent et doivent être prises aujourd’hui par l’ensemble des pouvoirs publics pour limiter, voire supprimer, certains des principaux facteurs de pollution de l’air, notamment dans les villes. Ainsi, des investissements et des mesures d’incitation en faveur des transports et des logement plus écologiques et d’une gestion des déchets optimisée sont attendus.
Dans les pays les plus pauvres, il est également primordial de rendre accessible à tous une source d’énergie moins polluante. En effet, outre la pollution de l’air extérieur, c’est la fumée domestique qui représente un grave risque sanitaire pour environ 3 milliards de personnes qui font encore cuire leurs aliments, chauffent et éclairent leur logement à l’aide de combustibles à base de biomasse, de fuel et de charbon. Le cas du Népal illustre donc une nouvelle fois l’importance de la lutte contre les inégalités sociales et économiques pour limiter la pollution et relever le défi climatique. L’écologie n’étant pas une vision en vase clos, mais un maillage entrelacé par toutes les problématiques sociales de notre monde.
L.A.