Des chercheurs ont comparé des images satellites des Alpes prises entre 1984 et 2021 et ont constaté que la neige fond de plus en plus rapidement à cause du réchauffement climatique. En conséquence, la végétation se propage, les plantes deviennent de plus en plus grandes et de nouvelles espèces apparaissent. Un phénomène qui n’est pas sans danger pour la biodiversité.
Le réchauffement climatique continue de bouleverser les écosystèmes et les conséquences de la hausse des températures sont nombreuses : sécheresses, canicules, montée des eaux et fonte des glaces. Jusqu’à présent, les études sur la fonte des neiges et l’impact du changement climatique dans les milieux froids s’étaient concentrées sur l’Arctique.
Des chercheurs des universités de Lausanne et de Bâle, en Suisse, ont publié une nouvelle étude le jeudi 2 juillet, dans la revue Science. Ils ont étudié la fonte de la neige dans les Alpes, et ont constaté que la végétation prenait de plus en plus de place au sommet des montagnes autrefois enneigées.
La fonte de la neige dans les Alpes
Pour mener cette étude, les chercheurs ont comparé des images satellites des Alpes prises entre 1984 et 2021. Les scientifiques ont constaté une grande évolution durant ces 38 dernières années : la neige fond de plus en plus et la végétation se propage.
« Nous avons été honnêtement très surpris de trouver une tendance tellement énorme au verdissement », a déclaré Sabine Rumpf, professeure assistante à l’Université de Bâle et auteure principale de l’étude.
Pour mener cette étude, les chercheurs ont isolé les régions au-dessus de 1 700 mètres d’altitude, pour exclure les zones utilisées pour l’agriculture. Ils ont également isolé les forêts, car les arbres ne permettent pas de voir le niveau de la neige ni la prolifération de la végétation.
Sur près de 10% de la surface observée, la neige n’était plus présente en été ces dernières années, alors qu’on en voyait encore en 1984.
Le premier effet du réchauffement climatique est de diminuer la profondeur du manteau neigeux. Or, les images satellites permettent uniquement de vérifier la présence ou l’absence de neige dans les régions montagneuses. Pour confirmer l’impact du réchauffement climatique dans les Alpes, des mesures ont été prises sur place. Les chercheurs ont confirmé que l’épaisseur de la neige avait également diminué.
La propagation de la végétation dans les Alpes
Dans 77% de la zone observée, la végétation a augmenté. Ces résultats ont été confirmés par des scientifiques qui se sont rendus sur les lieux pour détecter la quantité de chlorophylle présente sur place. Des plantes poussent à des endroits où il n’y en avait pas auparavant, et certaines grandissent et se densifient car elles profitent de conditions plus favorables pour vivre en raison de la hausse des températures. De nouvelles espèces végétales, que l’on trouve généralement dans des zones à basse altitude, font leur apparition, poussent plus vite et plus facilement.
« C’est le changement climatique qui conduit à ces changements. Le réchauffement signifie des périodes de végétation plus longues et plus il fait chaud, plus les précipitations tombent sous forme de pluie et non de neige », a affirmé Sabine Rumpf.
Tout comme l’Arctique, les zones montagneuses sont des endroits de la planète qui se réchauffent plus rapidement que les autres : on estime qu’elles se réchauffent deux fois plus vite que la moyenne mondiale.
Selon une étude publiée dans la revue Nature en septembre 2018, la végétation prolifère également en Arctique à cause du réchauffement climatique.
Depuis 30 ans, la végétation se modifie en Arctique. Les plantes sont de plus en plus grandes et de nouvelles espèces apparaissent. Les chercheurs ont étudié plusieurs zones autour du cercle polaire comme l’Alaska, le Canada, la Scandinavie, l’Islande et la Sibérie. Ils ont constaté que le réchauffement climatique et l’humidité ont permis d’augmenter la taille de la végétation. De nouvelles plantes plus grandes poussent en Arctique, comme de petits arbustes. Selon les chercheurs, les plantes pourraient encore grandir de 20% à 60% d’ici la fin du siècle.
Les conséquences de ce bouleversement
La fonte des neiges et la prolifération de la végétation dans les Alpes ne sont toutefois pas sans conséquences. Pour commencer, l’eau potable dont les êtres vivants ont besoin provient en grande partie de la fonte des neiges. Or, si la neige se fait de plus en plus rare dans les Alpes et qu’elle est remplacée par la pluie, cela pourrait poser un problème pour les espèces animales qui vivent dans la région. L’eau de pluie s’écoule plus vite et disparaît plus facilement dans les rivières, contrairement à la neige qui stocke l’eau plus longtemps.
La diminution de la neige et la hausse des températures dans les montagnes est également un bouleversement pour les espèces animales qui vivent dans ces régions. Habituées au froid, elles pourraient ne pas supporter la chaleur et se sentiraient obligées de quitter la région pour trouver un nouvel endroit pour vivre.
La situation aurait également tendance à précipiter la fin d’un tourisme lié au ski, dont la transformation était de toute façon inévitable au regard de la pollution générée par cette industrie.
« Les résultats montrent à quel point les paysages sont en train de changer à cause du changement climatique, a affirmé Antoine Guisan, auteur de l’étude et professeur d’histoire-géographie. Le tourisme va être affecté de plusieurs manières. Si la végétation verdit, les pâturages ou les régions alpines se font progressivement envahir par les buissons, les arbres, peut-être la forêt à long terme. Jusqu’en haut des montagnes, cela va changer l’esthétique du paysage et peut-être rendre ces paysages moins attractifs pour les touristes qui viendraient de l’étranger et qui souhaiteraient voir de la neige éternelle, des glaciers, et qui verront de la forêt. »
Pour le moment, les scientifiques ne savent pas comment la situation va évoluer dans les Alpes à l’avenir. Ils craignent les effets de long-terme sur la chaîne montagneuse.
« Ce que nous avons tendance à oublier est l’aspect émotionnel de ces processus. Les Alpes sont un symbole, et quand les gens pensent à la Suisse, c’est souvent aux Alpes qu’ils pensent. En termes de neige, c’est assez clair. Le manteau neigeux va disparaître de plus en plus, surtout aux plus basses altitudes. Nous ne savons pas pour l’avenir si le passage au marron va être de plus en plus fréquent et renverser la tendance », a affirmé Sabine Rumpf.
En effet, le passage a la couleur marron a été observé sur moins de 1% de l’espace étudié. À cet endroit, on ne trouve ni neige, ni végétation. Cette absence d’élément est due à l’augmentation d’épisodes de pluie dans les Alpes suivis par des vagues de sécheresse. Ainsi, la neige fond et les plantes n’ont pas assez d’eau pour survivre. Une tendance qu’il est urgent de suivre de près afin de mieux comprendre l’urgence de protéger la biodiversité locale.
Lisa Guinot
Sources :
Lien vers l’étude principale.
Lien vers l’étude sur la végétation en Arctique.