En Grèce, le troisième tour des élections présidentielles s’est soldé par un nouvel échec pour le candidat conservateur, soutenu par la coalition socialistes – conservateurs au pouvoir, par les marchés financiers, par Bruxelles, par la France et par l’Allemagne. Le Parlement vient d’être dissous et, pour la première fois en Europe, un parti anti-austérité (Syriza) pourrait arriver au pouvoir lors des prochaines législatives.
Le candidat parfait…pour les banques
Le couperet est tombé : malgré un soutien massif du gouvernement grec, des médias dominants, des marchés financiers, de la Commission européenne, de Paris et Berlin, le candidat conservateur Stavros Dimas (lui-même ancien commissaire européen) n’a pas réussit à réunir le nombre de voix nécessaire à son élection aux présidentielles grecques.
Le Parlement vient d’annoncer sa dissolution et la date des législatives est désormais connue : elles auront lieu le 25 janvier, avec comme favori des sondages le parti de gauche antilibéral Syriza, dont la popularité ne cesse de croire auprès de la population, en même temps que les inégalités, les privatisations et la misère ne cessent de s’accroitre dans le pays.
L’austérité tue
Depuis quatre ans, les Grecs subissent une cure d’austérité implacable imposée par la « troïka » (Fonds monétaire international, Commission européenne et Banque centrale européenne) et appliquée par une coalition gouvernementale composée des 2 principaux partis du pays (ND et PASOK).
But initial des réformes : réduire les déficits et la dette du pays. Conséquences réelles : explosion de la dette, de la pauvreté, du chômage, des suicides, des maladies, de la mortalité enfantine, privatisations en série (transport, énergie, littoral, patrimoine…), baisse des salaires, de la couverture maladie, des aides sociales…la liste est longue et fait froid dans le dos. La Grèce est devenue en quelques années le laboratoire de ce que le capitalisme néolibéral peut faire de pire.
La « bonne vieille » stratégie de la peur
Mais visiblement, pour les créanciers de la Grèce et les banques, ce n’est pas assez. Les Grecs doivent « continuer leurs efforts », « accentuer les réformes » et « accepter les sacrifices », encore et encore. Logique Shadoks, sauf qu’ici ce sont des vies humaines qui sont en jeu.
Les dirigeants grecs, français, allemands et leurs relais médiatiques et économiques n’ont donc d’autre choix que de recourir à la « stratégie de la peur ». Partout dans les médias « mainstream » proches des milieux financiers (la plupart, me direz-vous), vous pourrez entendre des messages de mise en garde tels quels « la Grèce au bord du chaos », « la confiance des marchés ébranlée », « l’Europe a peur d’une nouvelle crise de l’euro » et autres prophéties apocalyptiques. Les mêmes utilisées depuis des décennies…quid du peuple grec ? quid des habitants, des 99% touchés de plein fouet par l’austérité ? Cela ne semble pas les intéresser. Il faut rassurer les marchés. Point.
Syriza : vers une annulation de la dette ?
Il y a une affirmation qu’on peut leur accorder : la possible arrivée au pouvoir du parti d’Alexis Tsipras fait trembler le monde de la finance. La bourse d’Athènes a chuté de 20 % avant même l’annonce des résultats du vote. Va-t-on les plaindre ? En effet, M. Tsipras entend notamment lancer un moratoire sur les dettes privées aux banques et annuler de près des deux tiers de la dette publique car jugée illégitime.
Comme l’explique le journal l’Humanité : « Lorsque la Troïka a lancé la panique sur la dette souveraine grecque en 2008, celle-ci venait de dépasser le seuil des 200 milliards d’euros. La Commission Européenne et le FMI ont alors imposé au pays des cures d’austérité sur cure d’austérité, ce qui, plutôt que de réduire la dette, la fait exploser : baisse des recettes, hausse vertigineuses des dépenses sociales… Plutôt que de réduire les créances, l’austérité multiplie par 2 la dette en 3 ans.
Cette crise est doublement absurde du fait qu’au total, le FMI a accepté de prêter à la Grèce 240 milliards d’euros à titre d’aide, ce qui aurait été plus que suffisant pour solder l’intégralité de la dette de 2008… Le pays est aujourd’hui plus qu’exsangue, en crise humanitaire, et les grecs sont nombreux à estimer que cette dette, qui a explosée à cause de la Troïka, est illégitime. »
Au programme également : fin des privatisations des biens publics, re-nationalisations des secteurs stratégiques bradés au privé, modification des status de la BCE, re-négociation du pacte de stabilité budgétaire, augmentation du salaire minimum et des allocations chômage, mise en place de plans alimentaires d’urgence et d’un revenu minimum garanti pour les plus démunis, création de nouvelles tranches d’imposition sur les revenus pour les plus riches et d’une taxe sur les transactions financières…
Des mesures qui semblent logiques – pour une bonne partie, elles consistent à « réparer » les acquis sociaux détruits par l’austérité – en tout cas rien de très « extrême », au contraire même : Syriza est accusé par les plus radicaux de ses membres, anticapitalistes, d’avoir versé de l’eau dans son vin et réduit ses ambitions à l’approche des élections.
Résultats le 25 janvier
Au niveau européen, Syriza est notamment soutenu par Die Lincke (Allemagne), Podemos (Espagne), Izquierda Unida (Espagne) et le Front de Gauche (France), des formations de gauche antilibérales qui ont en commun de contester les mesures d’austérité.
S’il accède au pouvoir, Syriza sera-t-il en mesure de réparer les dégâts colossaux causés par quatre années d’austérité ? Obtiendra-t-il la majorité (35%) ou devra-t-il composer avec une ou plusieurs autres formations, au risque de réduire ses ambitions ? Ses nombreux ennemis (finance, patronat, gouvernement, néo-nazis…) le laisseront-il seulement accéder au pouvoir ou s’abandonneront-ils à la stratégie de la tension (violence, répression…), comme cela s’est si souvent produit dans l’histoire ?
Début de réponse le 25 janvier.
Lire l’article de L’Humanité