C’est une première dont les Grecs se seraient bien passés : pour la première fois de son histoire, la commission européenne a pris parti dans une élection nationale. Jean-Claude Juncker,  son président, a publiquement soutenu le candidat conservateur de Nouvelle Démocratie aux Présidentielles grecques, formation déjà à la tête du pays et exécutrice des mesures d’austérité  qui font tant souffrir les grecs depuis 4 ans.

Ingérence historique

Jeudi 11 décembre, Jean-Claude Juncker a déclaré sur une télévision autrichienne qu’il ne souhaitait pas que « des forces extrêmes arrivent au pouvoir » en Grèce. Par « forces extrêmes », M. Juncker vise directement Syriza, formation de gauche radicale et antilibérale opposée à l’austérité et premier parti d’opposition depuis les élections européennes en mai dernier. Ce chantage à la peur est constamment exercé depuis 4 ans par les deux principaux partis du pays – socialistes et conservateurs – afin de garder le pouvoir et continuer à appliquer l’austérité, qui  a fait sombrer le pays dans une misère qu’il n’avait pas connu depuis la dictature des colonels.

Comme l’indique le journal l’Humanité, « La Grèce détient le record européen du taux de pauvreté (23,1 %). Avec la destruction du système public de santé, la diminution de la couverture vaccinale, l’abandon des politiques de prévention et la dégradation de la situation sanitaire ont des effets tragiquement spectaculaires, comme le retour de la tuberculose et même du paludisme. Dans les écoles, les enseignants mesurent les ravages de la malnutrition au nombre d’enfants qui s’évanouissent en classe. Quant aux retraités, dont les pensions ont été maintes fois amputées, ils ne peuvent plus faire face aux besoins les plus élémentaires. » Des conséquences sanitaires dramatiques détaillées dans le livre Quand l’austerité tue.

Dessin : www.humeurs.be
Dessin : www.humeurs.be

Le premier ministre Antonis Samaras avait subitement avancé l’élection présidentielle au 17 Décembre, alors qu’elle était initialement prévue pour février ou mars 2015, afin d’essayer d’affaiblir Syriza dont la popularité ne cesse de grimper. Cette formation, dirigée par Alexis Tsipras, propose l’arrêt immédiat des politiques d’austérité et l’effacement d’une partie de la dette publique, ce qui a le don de faire trembler la bourse d’Athènes, qui a atteint son niveau le plus bas depuis 1987.

M. Juncker a cru bon d’ajouter : « Ma préférence serait de revoir des visages familiers en janvier »…

Dans cette déclaration, le terme « visage familier » est à prendre au mot : le candidat de la droite, Stavros Dimas, n’est autre…qu’un ancien commissaire européen. En somme, on soutient les amis, faisant fi de la démocratie et de toute déontologie.

Si ça ne suffisait pas, Pierre Moscovici, le commissaire européen à l’économie, est allé à Athènes soutenir  en personne le candidat « idéal », provoquant un tollé parmi les habitants et jusqu’à son propre camp politique, le parti socialiste français. M. Moscovici était en effet, jusqu’en mars dernier, Ministre de l’Économie et des Finances en France. Il est, en passant,  considéré comme très proche du lobby bancaire. Un jeu de chaises tournantes, donc, dont les Grecs sont les perdants permanents.

Syriza : une alternative à l’austérité  ?

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Alexis Tsipras, leader grec du parti de gauche Syriza lors d’un meeting à Madrid, le 15 novembre. Photo : REUTERS/Juan Medina.

Si le parlement grec ne parvient pas à se décider dans le choix d’un nouveau président, des élections législatives anticipées seraient convoquées et tout porte à croire que Syriza en sortirait grand vainqueur. Au grand dam des milieux d’affaires, des banques et de la commission européenne…mais pour le plus grand soulagement des habitants, ulcérés par la dégradation de leur niveau de vie, par l’explosion du chômage, par les privatisations massives et par les importantes baisses de salaires – ainsi que par l’ingérence de la Troika (Commission, Banque centrale européennes et Fonds monétaire international) dans leur politique intérieure depuis plusieurs années.

Quoi qu’il en soit, la manœuvre conjointe et le chantage de l’exécutif grec et de la commission européenne n’ont pas fonctionné : la Vouli (le parlement grec) n’a pas donné la majorité requise au candidat conservateur pour être élu. Un deuxième tour aura lieu le 23 Décembre et un troisième le 29 Décembre qui, en cas de nouvelles indécisions, déboucheront donc sur les législatives anticipées. Et peut-être, espérons-le pour le peuple grec, par la victoire d’une formation qui mettra fin à l’austérité et leur apportera un peu d’espoir.


Sources :  mediapart / l’humanité

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