De plus en plus en France comme ailleurs, des personnes cherchent à construire leur habitat de façon plus éco-responsable, dans le but de préserver l’environnement, renouer avec la Nature et pouvoir découvrir d’autres façons d’interagir au quotidien avec le monde qui les entoure. Parfois, ceci donne lieu à des créations vraiment originales bien que pas forcément bon marché… Eric Wasser fait partie de ces personnes qui ont fait le choix d’une éco-construction à leur image, pleine d’originalité. Rendez-vous en Alsace à la découverte de l’ “Héliodome”.
“Héliodome”, c’est le nom qu’a donné Eric Wasser, ébéniste-designer de métier, à sa maison cent pour cent éco-responsable. Installé dans son atelier à Cosswiller, en Alsace, l’homme s’est toujours senti concerné par les questions environnementales et sur les liens que nouent les hommes et la nature. C’est en 1998 qu’est née la première version de son projet de maison originale, unique et bioclimatique, un “étrange ovni entre une toupie et un cadran solaire géant”.
L’Héliodome, c’est donc le projet d’une vie pour Eric. Si le concept est apparu dans les années ‘90, il aura fallu plus de 20 ans de préparation et 3 ans de plus pour la construction de cette maison singulière. Face aux journalistes, Eric se décrit comme une sorte de “visionnaire”, dont le projet fou était de réussir à inventer, conceptualiser et construire une habitation entièrement autonome, bioclimatique et accessible.
Il décrit ainsi son héliodome comme un habitat durable et “passif” car sa maison vie, littéralement, au rythme de la nature, suivant le soleil au fil des saisons. C’est donc avant tout la concrétisation d’une approche scientifique et utilitariste de la construction. Le soleil, son plus grand allié, couvre plus de 70% de ses dépenses énergétiques. L’ébéniste témoigne :
“L’idée que j’avais c’était de me dire : on est à l’époque de la 3D, et pourquoi est-ce qu’on arriverait pas à sculpter un volume avec la trajectoire du soleil ? Qu’est-ce que je vis au quotidien ? Je vis bien un soleil qui se couche, qui se lève (tous les jours ailleurs !) et toutes ces choses ensemble, ça va sculpter un volume. En fait, on va mettre une image sur le rythme du temps. On va développer pour la première fois ce volume, qui en fait exister depuis la nuit des temps, mais n’a jamais été exprimé.” Sa maison, c’est donc un peu l’impression naturelle des rayons du soleil sur le sol, tel un laser sculptant un diamant brut.
Dans les faits, il aura fallu des dizaines d’années de calculs et de tests pour façonner le concept. Eric, pour réaliser son projet, s’est entouré d’une équipe de spécialistes comptant des maçons, architectes, charpentiers, ingénieurs thermiques, et même une amie professeure de mathématiques. Ensemble, l’objectif était de lier “un maximum d’intelligence, avec un minimum de moyens, pour une maxi performance”.
Toujours dans une démarche écologique, Eric a confié le projet à des entreprises (scierie, constructeurs…) locales, et n’a utilisé que très peu de matériaux : principalement du bois et du verre. Une voisine a témoigné “c’était rigolo de voir le projet se construire petit à petit juste à côté de chez nous. On reconnaissait les ouvriers partirent couper du bois dans la forêt juste derrière”. Le tout sans prélèvement excessif sur la nature.
Ainsi, dans la conception de l’héliodome, l’objectif était d’affirmer la nécessité du durable. Orientée plein sud, la structure haute de trois étages et offrant près de 200 mètres carrés habitables est construite en forme de cône avec plus des deux tiers des murs en verre. “On a presque autant de surface de vitrage que de surface habitable.” Après de nombreux calculs, il apparaît que son inclinaison vers l’avant permet d’exploiter les rayons du soleil toujours à son avantage selon les saisons : l’hiver, les rayons réchauffent directement la surface habitable, et l’été, les rayons du soleil étant plus hauts, ils sont réfléchis par le toit et cela permet d’éviter l’effet de serre, conservant une fraîcheur à l’intérieur agréable lorsqu’il fait chaud dehors sans recouvrir à des systèmes énergivores de climatisation.
“Je voulais voir aussi si la nature dans ce projet pouvait nous apporter des réponses thermiques”, explique Eric Wasser. Et la réponse est assez positive : “L’habitat est censé accueillir l’Homme, mais si l’Homme peut accueillir la nature dans son habitat, alors on a tout gagné.”
Sans climatisation ni chauffage, la grande maison d’Eric ne comporte qu’un poêle à bois en cas d’absence totale d’ensoleillement. Autonome et biothermique, sa forme originale et spécialement pensée permet de tirer tous les avantages du soleil avec un minimum d’isolation. Samuel Nogha, un architecte engagé dans le développement des logis éco-responsables et ami du propriétaire, explique : “En ce qui concerne le logement en particulier, il est essentiel de revenir à des choses beaucoup plus simples. Pour moi, la maison doit se détacher du préfabriqué, et redevenir un élément du quotidien, avec un travail au jour le jour. Il faut réintroduire la proximité et l’échange, tout en s’efforçant d’avoir un minimum d’impact sur l’environnement.”
Cependant, la mise en place d’un tel projet, aussi original soit-il, se heurte souvent aux réglementations architecturales des communes tant qu’à un coût important. Durant des années, Eric s’est confronté à des refus des mairies, car son ovni éco-responsable géant n’était pas accepté dans l’image de tel ou tel village. Retour alors sur l’avis du maire de Cosswiller, qui lui a finalement donné son feu vert au concept : “Oui, cet héliodome bouleverse les règles de l’architecture conventionnelle, et l’idée paraît complètement farfelue, mais… vous savez, il n’y aurait pas d’avancé sans des idées un peu farfelues.” Il semble donc important que les administrations changent leur fusil d’épaule. Car les soucis esthétiques font franchement peu de poids face à la crise écologique globale que nous vivons.
Un message éclairé que nous laisse cet ébéniste, nous invitant à poursuivre nos projets et nos rêves, aussi improbables soient-ils. Aujourd’hui, Eric accueille presque tous les jours des randonneurs et des visiteurs, curieux de découvrir son étrange maison, avec lesquels il échange et partage son expérience. Le concept s’est de cette façon peu à peu démocratisé, et on compte déjà une petite poignée d’héliodomes similaires en Europe, dont un en Suisse et un en Allemagne. En soit, adapter l’habitat à l’environnement (et non l’inverse !) est quelque chose d’ancré dans le réel, qui se détache de plus en plus de la simple théorie et qui se voit davantage au quotidien. Certes, la complexité architecturale, donc la rareté des entreprises pouvant réaliser une telle œuvre, implique un prix plus important qu’un simple bloc de béton armé. Mais il n’est pas trop tard pour qu’un souffle collectif vienne en soutien à ce type de projet, car tôt ou tard nous nous demanderons tous à quel prix nous estimons la préservation de notre planète et de ceux qui y vivent.
Moro
Sources : Reportage de France TV
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