Une jeune vient de se donner la mort d’une manière tragique aux États-Unis suite à l’intolérance de son entourage. Son histoire touchante fait le tour du monde. Elle avait un message important à livrer.
On pourrait croire à un fait divers, mais c’est loin d’en être un. La jeune Leelah Alcorn, 17 ans, a perdu la vie en se jetant vraisemblablement (enquête en cours) de désespoir sous les roues d’un semi-remorque rapporte le journal WCPO. Un geste d’autant plus symbolique car prémédité par un message programmé sur son Tumblr. Elle y raconte pourquoi elle a choisi de se donner la mort. Afin, notamment, que des millions de gens puissent lire ses derniers mots et comprendre que l’intolérance peut détruire une vie, que beaucoup de gens subissent la violence morale de proches ou collègues, que l’humain est un être complexe et qu’il a toujours existé des individus qui n’entrent pas dans les cases étiquetées par certains bienpensants.
La différence de Leelah, c’est d’être une fille dans un corps de garçon. Depuis l’âge de 4 ans, elle partage ce sentiment profond et rien ni personne ne pouvait s’y opposer. Une situation relativement rare mais qui existe pour un nombre d’individus. Pour ceux qui vivent avec cette réalité, accepter son corps est une première difficulté, mais la plus importante reste de subir le rejet, voir la haine, de la société. Certains diront qu’il s’agit là d’un fait divers, mais Leelah va laisser une lettre qui bouleverse des millions de personnes et met la lumière sur un véritable phénomène de société.
Comment convaincre quelqu’un dans cette situation qu’il existe des gens tolérants sur cette terre ? Que la haine, la démagogie, les réactionnaires, l’intolérance, finiront par disparaitre ? Accablée par le rejet de ses parents, isolée et déprimée, Leelah va choisir d’abandonner la vie en laissant un message fort. Voici sa lettre programmée juste avant son suicide :
«Si vous lisez ceci, cela signifie que je me suis suicidée et que je n’ai donc pas pu supprimer cette publication avant sa diffusion. S’il vous plaît, ne soyez pas tristes, tout est pour le mieux. La vie que j’aurais vécue ne valait pas la peine d’être vécue… car je suis transgenre. Je pourrais raconter en détail pourquoi je vois les choses ainsi, mais cette note est probablement déjà assez longue comme ça. En quelques mots, j’ai le sentiment d’être une fille prise au piège dans un corps de garçon et je ressens cela depuis mes 4 ans. Je n’ai jamais su qu’il y avait un mot pour exprimer ce sentiment, ni qu’il était possible pour un garçon de devenir une fille, alors je ne l’ai jamais dit à qui que ce soit et j’ai simplement continué à faire ce que font traditionnellement tous les garçons pour essayer de rentrer dans le moule.
J’avais 14 ans quand j’ai appris ce que signifie le mot transgenre et j’ai crié de joie. Après 10 années de confusion, j’ai enfin compris qui j’étais. Je l’ai immédiatement dit à ma mère et elle a très mal réagi, me disant que ce n’était qu’une phase, que je ne serais jamais vraiment une fille, que Dieu ne fait pas d’erreur et que j’avais tort. Si vous êtes parent et que vous lisez cela, ne dites jamais rien de tel à vos enfants. Même si vous êtes chrétiens ou que vous êtes contre les personnes transgenres, ne dites jamais ça à personne, particulièrement à votre enfant. Cela ne fera que les pousser à se détester. C’est exactement ce qui s’est passé pour moi.
Ma mère m’a emmenée en thérapie, mais elle ne m’emmenait que chez des thérapeutes chrétiens (qui étaient biaisés) donc je n’ai jamais pu bénéficier de la thérapie qui m’aurait permis de guérir de ma dépression. Il y a juste eu de plus en plus de chrétiens me disant que j’étais égoïste et que j’avais tort et que je devais demander de l’aide à Dieu.
L’année de mes 16 ans, je me suis rendu compte que mes parents ne me comprendraient jamais et que je devrais attendre jusqu’à mes 18 ans pour commencer le moindre processus de transition, ce qui m’a brisé le cœur. Plus on attend, plus la transition est difficile. Je me suis sentie désespérée, j’ai eu l’impression que je ressemblerais à un homme travesti jusqu’à la fin de ma vie. Pour mon 16e anniversaire, quand mes parents ont refusé de donner leur consentement pour que je commence ma transition, j’ai pleuré jusqu’à ce que je finisse par m’endormir.
J’ai commencé à me comporter en mode “je vous emmerde” avec mes parents et je suis sortie du placard en tant que gay à l’école, en pensant que cela faciliterait peut-être mon coming-out trans’ qui représenterait un choc moindre. Même si la réaction de mes amis a été positive, mes parents étaient énervés. Ils ont eu l’impression que je m’attaquais à leur image et que je cherchais à les embarrasser. Ils voulaient que je sois leur parfait petit garçon chrétien hétérosexuel, et c’est clairement quelque chose que je ne voulais pas.
Alors ils ne m’ont pas permis de retourner à l’école, ils ont pris mon ordinateur portable et mon téléphone et m’ont interdit d’utiliser le moindre réseau social, ce qui m’a complètement isolé.e de mes ami.e.s. C’est probablement la partie de ma vie pendant laquelle j’ai été la plus déprimée et je suis surprise de ne pas m’être suicidée. J’ai été complètement seule pendant cinq mois. Pas d’ami.e.s, pas de soutien, pas d’amour. Juste la déception de mes parents et la cruauté de ma solitude.
À la fin de l’année scolaire, mes parents ont finalement changé d’avis et m’ont rendu mon téléphone et m’ont permis de retourner sur les réseaux sociaux. J’étais excitée, j’allais enfin pouvoir retrouver mes amis. Tous s’extasiaient de me revoir et de me parler, mais seulement au début. Mes amis ont finalement réalisé que je ne représentais rien à leurs yeux, et je me suis sentie encore plus seule qu’avant. Les seuls amis que je pensais avoir ne m’aimaient que parce qu’ils/elles me voyaient cinq fois par semaine.
Après un été passé à n’avoir presque aucun(e) ami(e) et le fardeau de devoir réfléchir à l’université, d’économiser de l’argent pour partir, d’avoir toujours de bonnes notes, d’aller à l’église chaque semaine et de me sentir comme une merde parce que tout le monde là-bas était contre tout ce pour quoi je vis, j’ai décidé que j’en ai eu assez. Je ne réussirais jamais à faire une transition, même après avoir quitté la maison. Je ne serais jamais heureuse de mon apparence. Je n’aurai jamais assez d’ami(e)s pour me combler. Soit je vis le reste de ma vie comme un pauvre homme qui rêve d’être une femme, soit je vis ma vie comme une femme seule qui se hait. Pas possible de gagner. Pas d’échappatoire. Je suis déjà assez triste, je n’ai pas besoin que ma vie le soit plus encore. Les gens disent “ça ira mieux”, mais dans mon cas ce n’est pas vrai. Ça empire. Chaque jour, je vais de pire en pire.
Voilà l’essentiel, voilà pourquoi j’ai envie de me suicider. Désolée si cela ne vous paraît pas être une raison valable, ça l’est pour moi. Concernant mon testament, je veux que l’intégralité de ce que je possède légalement soit vendu et que cet argent (en plus de mon argent à la banque) soit donné à des associations de défense des trans’ et à des groupes de soutien, peu m’importe lesquels. Je ne reposerai en paix que si un jour les personnes transgenres ne sont plus traitées comme je l’ai été, que si elles sont traitées comme des êtres humains, avec des sentiments reconnus et des droits humains. On doit enseigner le genre à l’école, et le plus tôt est le mieux. Il faut que ma mort ait un sens. Ma mort doit être comptée parmi les personnes transgenres qui se suicident chaque année. Je veux que quelqu’un regarde ce chiffre, se dise “bordel” et change les choses. Changez la société. S’il vous plaît.»
Sans commentaire.
Source : Jezebel