La nouvelle n’a échappé à personne, le coût de la vie se fait de plus en plus pressant sur les ménages français. Or, les rémunérations sont loin de prendre la même direction. Certains, comme François Ruffin ou la CGT, proposent donc de les indexer à nouveau sur l’inflation, comme c’était le cas jusqu’en 1983.

Évidemment, une multitude de libéraux se sont immédiatement révoltés face à cette potentielle mesure qui pourrait déclencher, selon eux, une « spirale prix-salaire », c’est-à-dire une augmentation perpétuelle des prix suivant celle des salaires. Or, pour de nombreux observateurs, ce risque ne serait pas aussi élevé que l’on pourrait le penser et repose et demanderait des conditions particulières.

Même le FMI ne s’y oppose pas

Face aux libéraux les plus dogmatiques, 87 % des Français sont pourtant favorables à cette mesure. Les risques pointés par certains ne seraient d’ailleurs pas si prégnants. Et ce n’est pas un institut bolchevique qui l’affirme, mais bien le très capitaliste Front Monétaire International.

Plus précisément, c’est John Bluedorn, l’un des responsables du département de recherches de l’organisation internationale qui remet les choses en perspective. Selon lui, les risques d’un tel effet boule de neige sont « maîtrisés » et « une accélération durable des salaires et des prix est peu probable ».

Aucun risque pour l’économie

Cette solution est de plus préconisée par l’économiste Thomas Porcher. La crainte d’une hyperinflation n’est, selon lui, pas justifiée.

« d’après certaines études, une inflation en dessous de 10 % n’a aucun impact sur la croissance et sur le pouvoir d’achat si vous indexez les salaires sur l’inflation ». Thomas Porcher

Il note même que d’autres recherches « vont jusqu’à 20 ou 30 % ». Avec un taux avoisinant les 6 % actuellement, il n’y a donc pas péril en la demeure pour l’économie, mais bien pour les employés pour qui les rémunérations sont beaucoup trop basses.

En France, seul le SMIC est toujours indexé sur l’inflation, mais en Belgique, au Luxembourg ou à Malte c’est bien l’ensemble des salaires qui évoluent en corrélation avec la hausse des prix. Ces pays ne connaissent pourtant pas d’inflation supérieure à ce que peuvent subir d’autres États comparables qui n’ont pas recours à cette pratique.

Il est également aisé de tordre le cou à un deuxième argument invoqué par le gouvernement, celui de la perte de compétitivité due à l’augmentation du coût du travail. Dans les faits, les entreprises ont au contraire tout à gagner à voir les paies progresser puisque ce sont elles qui seront dépensées pour remplir leur carnet de commandes. À l’inverse, généraliser les salaires faibles diminuera la consommation globale et donc le chiffre d’affaires des firmes du pays.

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Protéger les plus riches

Malgré cette démonstration, il est légitime de se demander pourquoi le gouvernement et l’immense majorité des libéraux refusent cette mesure de bon sens. Derrière le faux argument de la peur d’une inflation supplémentaire se cache en effet une volonté de protéger les plus riches.

L’économiste et députée LFI, Aurélie Trouvé, note d’ailleurs que « des années 1950 jusqu’à la fin des années 1970, 64 % de la valeur ajoutée est distribuée sous forme de salaires. Au début des années 1980, donc, grosso modo, lorsque l’indexation est retirée, cette part chute à 58 %. »

On voit même bien que la conjoncture profite allègrement aux grandes entreprises. Thomas Porcher explique ainsi qu’elles « répercutent la hausse des coûts sur les prix, mais pas sur les salaires ». En d’autres termes, elles tirent parti de la situation pour augmenter leurs bénéfices.

Pour remédier à ce problème, Aurélie Trouvé estime qu’on « ne peut pas répondre à l’érosion du pouvoir d’achat par une mesure unique. » Selon elle, il faut « bloquer le prix des secteurs qui font des superprofits » pour rogner la marge que les grosses firmes se font sur le dos des travailleurs. Elle ajoute également qu’il serait possible de « mieux cibler les aides publiques aux entreprises » afin de se concentrer sur celles en difficulté plutôt que sur celles du CAC 40 qui ne cessent de s’enrichir.

Une inflation importée

Ces décisions sont d’autant plus injustes que cette explosion des prix n’a rien à voir avec la politique de l’État et encore moins avec l’augmentation des revenus des employés. Bien au contraire, elle est due, à 100 %, à des facteurs extérieurs et en particulier à notre dépendance envers la Chine, la Russie ou l’Ukraine, touchées par le Covid-19 et la guerre. Mais plus précisément, elles est due l’augmentation des profits des entreprises est la cause principale de l’inflation, selon le FMI

Indexer les salaires sur l’inflation serait donc une mesure tout à fait envisageable pour maintenir le niveau de vie des gens tel qu’il était avant une crise. Il s’agirait même du strict minimum puisqu’à moyen terme, c’est bien une augmentation réelle des revenus qui serait souhaitable. D’autant plus que les richesses produites par le pays ne font qu’enfler d’année en année et que le capital les grignote toujours un peu plus au détriment des travailleurs.

– Simon Verdière


Photo de couverture de Karolina Grabowska. Pexels

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