Symbole de la société capitaliste de classes, la location immobilière permet à une minorité d’individus de s’enrichir en exploitant le travail de millions de citoyens. À l’heure où le logement représente une part de plus en plus conséquente du portefeuille des foyers, la question du droit à la propriété et la limitation des locations se pose très sérieusement.

En France, près de 40 % des gens sont soumis à un loyer. Celui-ci constitue en moyenne 34,8 % du budget total des ménages. Pour les personnes seules, ce chiffre frise même les 39 %. À l’autre bout de la chaîne, un nombre grandissant d’habitations à louer sont détenus par une tranche très restreinte de la population. Ainsi, 50 % des biens sur le marché appartiennent à peine 3,5 % des Français.

Une exploitation du travail d’autrui

On peut en premier lieu s’interroger sur l’immoralité de l’enrichissement par le biais de la location. En y pensant quelques instants, un individu va offrir une partie du fruit de son labeur à un autre en échange d’une ressource à laquelle chacun devrait pouvoir avoir accès. Le propriétaire s’empare de plus d’une part des bénéfices du travail en ayant fourni que peu d’effort.

Les adeptes de la théorie de la méritocratie opposeront sans doute à ce constat que les bailleurs ont dû d’abord se mettre à la tâche pour réunir le capital suffisant pour pouvoir acheter le bien immobilier et que tout le monde pourrait en faire autant. C’est évidemment faux. 

Avantage aux riches

Cet argument peine à tenir la route face à la réalité puisque le capital des individus dépend en réalité énormément d’une série de hasard sur lesquels nous n’avons aucune portée. Une personne dont les parents sont millionnaires n’aura par exemple aucun mal à se lancer dans l’acquisition de logements. Et même si d’autres partent de plus loin, ce sont toujours les circonstances favorables de leurs existences (milieu social, genre, race sociale, rencontres, etc.) qui leur auront permis d’en arriver là.

Un exemple plus criant serait celui d’une personne qui se paierait un appartement avec un crédit puis le louerait aussitôt à quelqu’un qui remboursera la dette de l’acheteur grâce à son salaire. C’est bien en raison de ses revenus supérieurs que la banque a accordé un prêt au propriétaire. Pourtant, celui-ci ne travaille pas nécessairement plus qu’un locataire, d’autant plus si son argent provient d’autres locations.

Des empires immobiliers

En outre, la multipropriété représente une manne financière colossale pour la petite minorité qui a pu s’y engouffrer. 7.3 millions de Français (24 % des ménages) détiennent ainsi les deux tiers du parc immobilier de l’hexagone. Et si on s’intéresse à ceux qui en vivent vraiment, c’est-à-dire qui possèdent au moins cinq logements en location, on arrive à seulement un million de personnes (3,5 % des foyers).

Dans le haut du panier, ces multipropriétés relèvent même du véritable empire de l’immobilier. Les dix Français les plus fortunés dans ce secteur ont tous dépassé le milliard d’euros de patrimoine. Norbert Dentressangle, 42e fortune de France et à la tête du plus gros holding immobilier du pays, est ainsi assis sur un pactole estimé à trois milliards d’euros.

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L’accès au logement en danger

L’accaparement de plus en plus important des logements par une minorité d’individus risque évidemment de fragiliser l’accès à l’habitat des plus précaires, d’autant plus si les loyers ne sont pas encadrés correctement.

Même si les médias essaient souvent de mettre en avant le « petit propriétaire » qui arrondit ses fins de mois pour masquer les abus des grosses fortunes, il existe pourtant beaucoup des méthodes peu scrupuleuses pour s’enrichir.

Des logements insalubres. Photo de Sunrise sur Unsplash

C’est notamment le cas des marchands de sommeil qui n’ont aucune honte à proposer des logements complètement insalubres à prix d’or pour pouvoir remplir leur compte en banque. Pour faire fonctionner ce business illégal, ils n’hésitent pas à s’en prendre à des personnes vulnérables financièrement ou à des sans-papiers qui n’auront pas d’autres choix que d’accepter ces conditions exécrables. On a récemment pu en voir l’exemple à Marseille, où un ancien policier louait 122 appartements indignes à des individus en difficulté.

Interdire la location ?

Pour éviter ce genre de situation et pour garantir l’accès au logement à tous, on ne peut donc que souhaiter un changement de paradigme dans ce domaine. Dans un système où le capitalisme serait aboli, on pourrait par exemple venir à la propriété d’usage.

De fait, il serait ainsi proscrit de posséder une habitation autrement que pour soi-même. Une mesure qui nécessiterait cependant une reprise en main des pouvoirs publics du secteur du logement ; interdire la location endiguerait sans doute la volonté de la sphère privée de construire les bâtiments dont nous avons besoin. Il faudrait alors donner les moyens à chacun de le faire soi-même (par exemple de manière collective pour les immeubles), ou bien de créer un service public du logement chargé de s’occuper de cette tâche.

Ou la limiter ?

De façon plus intermédiaire et plus réaliste par rapport à la situation actuelle, on pourrait également encadrer le droit à la propriété par individu. En verrouillant le nombre de logements par personne, il serait possible de restreindre les abus tout en conservant des biens immobiliers à louer.

Ces derniers pourraient, en effet, être tout de même utiles pour des habitations provisoires. Ils permettraient par exemple à des personnes ne souhaitant pas rester définitivement dans une commune de déménager facilement sans les lourdes charges de la vente, que ce soit pour le tourisme, des études, ou bien une activité professionnelle de courte durée. Des pistes de réflexion qui méritent en tout cas d’être examinées.

– Simon Verdière


Photo de couverture de Ketut Subiyanto. Pexels

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