Depuis près de deux mois, le revenu de base fait l’objet d’une expérimentation inédite en France auprès de trois personnes tirées au hasard par l’association Mon Revenu de base, qui a récolté les fonds nécessaires grâce à un financement participatif. En mobilisant les citoyens et les citoyennes autour d’un essai concret, les auteurs de l’initiative espèrent décloisonner les imaginaires à propos d’une idée qui souffre encore de très nombreux a priori et, peut-être même, encourager certains élus locaux à s’emparer de ce nouvel outil. Un nouveau crowdfunding est en cours pour qu’une quatrième personne puisse bénéficier du projet.
C’est en regardant du côté de l’Allemagne que, en août dernier, Julien Bayou, décide de se lancer dans une aventure que certains auraient pu décrire comme irréaliste : reverser un revenu de base à plusieurs citoyen.ne.s. S’inspirant d’un projet similaire organisé outre-Rhin, il commence par fonder l’association Mon Revenu de base avec d’autres personnes intéressées par le projet puis lance un financement participatif pour pouvoir verser un premier revenu de base à un échantillon test. Quelques mois plus tard, grâce au succès que l’idée a remporté et le soutien de 1200 personnes, ce ne sont pas une, mais trois personnes qui ont été tirées au sort. Pendant un an, chacune d’entre elles se verra allouer 1000 euros par mois.
« La meilleure manière, pour tirer des conclusions, est encore de l’expérimenter »
Un revenu de base, pourquoi ?, demanderez-vous peut-être. « On pense que c’est un moyen de lutter contre la pauvreté, mais aussi un moyen de réparer notre protection sociale et de réinterroger notre rapport à la consommation et au travail », répond Julien Bayou. Ce dernier insiste : « ce n’est pas qu’un outil de lutte contre la pauvreté, mais aussi un idée pour faire évoluer la société dans son ensemble » estime-t-il. Un revenu de base pourrait permettre d’offrir plus de libertés à l’échelle individuelle pour que chacun puisse se lancer dans de nouveaux projets, étudier, s’investir dans une cause particulière… Il permettrait également de « revaloriser les métiers les plus utiles », mais qui sont de moins en moins attractifs, comme ceux dans le domaine de l’enseignement, des soins médicaux ou du secteur agricole. Enfin, le revenu de base répond à certaines problématiques modernes liées à l’emploi, notamment la robotisation qui implique, d’une manière ou d’une autre, de repenser la redistribution collective des richesses.
Interrogé par Le Monde, l’un des allocataires de ce revenu depuis décembre indiquait qu’il avait « l’impression qu’on lui permet[ait] de redevenir acteur de [s]a vie, de redevenir quelqu’un”. Une seconde personne, également bénéficiaire depuis deux mois, expliquait que « le revenu de base sera peut-être le tremplin qui va [lui] permettre de trouver ce qu’il y a de mieux pour [elle]”. Et pour cause, cette sécurité financière permet également aux individus de se projeter sereinement dans l’avenir, voire même de pouvoir songer à un projet social ou économique quelconque. Mais alors, le revenu de base n’inciterait pas à l’oisiveté ?
Un « levier » pour aller plus loin
Selon Julien, ces premiers témoignages, deux mois après le lancement de l’initiative, montrent que « les gens qui ont été tirés au sort prennent le revenu de base au sérieux. Ils souhaitent régler des problèmes de précarité, envisagent de nouveaux projets de vie. Il ne s’agit pas de s’acheter un écran plat », contrairement à certaines opinions répandues selon lesquelles le revenu de base engendrerait la paresse et que l’argent public serait gaspillé inutilement.
L’expérimentation à petite échelle entamée par Mon Revenu de Base a ainsi pour objectif de susciter l’intérêt et de provoquer un débat public de grande ampleur. Julien Bayou conçoit l’initiative comme un « levier » pour aller plus loin et dépasser les nombreuses idées préconçues. Ce faisant, cet exemple pourrait non pas servir pour tirer des conclusions définitives, le nombre de personnes engagées étant beaucoup trop réduit, mais être utilisé comme outil de plaidoyer pour encourager des collectivités à s’investir à leur tour dans cette voie. À l’image de Damien Carême, maire de la Ville de Grande-Synthe dans le Nord de la France, les élus locaux sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à se pencher sur la question. Signe, que le revenu de base, est bien une idée qui fait son bout de chemin.
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