À l’heure où les inégalités se creusent, des initiatives voient le jour pour recréer du lien social et placer le partage et le respect de la planète au cœur des échanges sociaux. La communauté de l’application d’entraide Indigo, qui se veut être le premier réseau social solidaire, s’est rassemblée autour de ce projet. Elle s’agrandit aujourd’hui face à l’apparition du Covid-19 et ses conséquences importantes, qui remettent en question notre modèle économique global. En facilitant l’aide à la personne et l’échange de services gratuits, la communauté Indigo est une belle illustration de l’entraide qui se renforce durant cette période difficile.

La fortune des 1% les plus riches du monde correspond à plus du double des richesses cumulées des 6,9 milliards les moins riches, soit 92% de la population du globe, d’après le dernier rapport d’Oxfam sur les inégalités mondiales. Celles-ci se creusent chaque année davantage, conséquence d’un système économique global qui dégrade au passage considérablement l’environnement et menace l’ensemble des êtres vivants. Mais comme l’explique si bien Hervé Kempf dans Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, « la grande victoire du capitalisme dans les trois dernières décennies n’est pas d’avoir ouvert le marché mondial [et] fait exploser les inégalités (…) ; elle est d’avoir transformé la conscience publique, en la convainquant de donner à l’individu une position démesurée par rapport aux relations humaines. »

L’individualisme, le mal de notre époque ?

En effet, la maladie fondamentale de notre époque est sans doute l’idéologie individualiste qui gangrène les sociétés occidentales. L’individualisme est indissociable du capitalisme, il en a été une condition d’apparition, il en est aujourd’hui une conséquence et constitue même un levier de son pouvoir. Or la crise sanitaire que nous traversons suite à l’apparition du nouveau coronavirus est une vraie crise de notre modèle de civilisation, elle remet en question et illustre les limites de cet individualisme exacerbé.

Mais les remises en cause des déséquilibres engendrés par le système économique actuel n’ont pas attendu le coronavirus pour se multiplier, et certains se mobilisent depuis longtemps pour mettre en œuvre des solutions innovantes et concrètes en marge des structures, dans l’attente de pouvoir les changer. L’application Indigo aspire par exemple à créer le premier réseau social vraiment social grâce à un outil digital qui permet l’entraide par le partage de biens et services. « Il est plus que nécessaire dans le système actuel, de repenser la façon dont nous consommons et de repenser les modes d’accès aux biens et aux services », affirme Stéphane de Freitas, à l’origine du projet. La coopérative s’est donnée pour mission de créer du lien social, de réduire les inégalités, d’encourager le réemploi, d’instaurer une économie circulaire et éco responsable mais aussi de venir en aide aux associations et de promouvoir l’intégration des réfugiés, par exemple.

Favoriser la solidarité et le partage

Le projet d’Indigo est porté par l’artiste et entrepreneur social Stéphane de Freitas, qui prône le dialogue pour plus de compréhension entre les peuples et moins d’individualisme. Nommé Ashoka Fellow en 2017 pour sa démarche à impact positif, il est aussi le fondateur du concours d’éloquence Eloquentia et le co-réalisateur, avec Ladj Ly, du film-documentaire A voix haute – La force de la parole. En 2012, Stéphane de Freitas fonde la Coopérative Indigo, une association à but non-lucratif qui a pour mission d’améliorer le vivre-ensemble, soit la cohésion entre une diversité d’individus qui, par-delà leurs différences sociales et culturelles, cultivent une vision commune des valeurs citoyennes.

En 2018, Indigo s’est constitué en Entreprise Solidaire dont le premier actionnaire est la Coopérative Indigo. Issue d’un engagement sociétal fort, elle a pris le parti de ne pas mettre de publicité sur sa plateforme et de reverser une partie de ses bénéfices au monde associatif. L’application Indigo se veut constituer une réponse à l’accroissement des phénomènes d’exclusion, qui augmente le nombre de personnes démunies et en situation de précarité. En apportant un outil d’échange qui permet de mettre en avant la générosité des utilisateurs, la coopérative souhaite contribuer à un système collaboratif d’échange entre les individus.

Des services rendus entre citoyens…

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Aujourd’hui, Indigo compte plus de 60.000 utilisateurs. Concrètement, le réseau fonctionne sous la forme d’une application mobile gratuite et géolocalisée d’échange de services et de biens. Dans cet espace d’échange, les utilisateurs peuvent proposer ou demander gratuitement des objets ou des services. Dès que l’un d’entre eux crée une annonce, l’application cherche une personne dont les besoins correspondent à l’offre, ou à la demande. Si aucune correspondance n’est trouvée, l’annonce reste sur le réseau pour informer la communauté. La géolocalisation est ici au service de la mise en place de réseaux locaux d’entraide.

Les offres et demandes peuvent être gratuites, ou s’échanger contre la monnaie virtuelle de l’application, les Digos, gagnés en offrant des biens et services à la communauté. Les utilisateurs fixent librement la valeur des objets ou des services qu’ils proposent. Au départ, le souhait de la coopérative était de créer une plateforme sur laquelle tout serait gratuit. Cependant, pour garantir la réciprocité des échanges et éviter la revente des objets, un système par points a été créé. En constatant par la suite que la majorité des échanges demeuraient tout de même gratuits. Indigo a décidé de mettre en ligne en mai une nouvelle version de la plateforme qui ne comportera pas de monnaie virtuelle, mais une limitation du nombre de demandes par jours.

… et à des associations

La plateforme Indigo Associations permet à ces dernières de demander à la communauté de se mobiliser pour répondre à ses besoins. L’application permet donc d’offrir plus de visibilité aux associations. Elles peuvent demander des objets et des services, faire appel à des bénévoles et rendre leurs événements accessibles à la communauté. La plateforme encourage ainsi l’engagement de ses utilisateurs sur des missions ponctuelles ou à long terme auprès de la société civile locale. La coopérative projette par ailleurs de reverser 10% de ses bénéfices futurs à différentes associations agissant pour la lutte contre la précarité et le soutien aux réfugiés.

Indigo participe au projet MIVA, qui permet à ses utilisateurs d’entrer en contact avec des réfugiés – Photo Facebook MIVA

L’intégration des personnes réfugiées, exilées et migrantes en France et en Europe est une autre cause qu’Indigo soutient. La coopérative est soutenue et financée par le Fond Asile Migration Intégration (FAMI) de l’Union Européenne. Ce projet vise le déploiement d’Indigo en Grèce, Finlande, Pologne, Chypre, France et Italie pour faciliter l’insertion sociale des populations migrantes dans leur territoire d’accueil. Dans le cadre du projet MIVA (Migrant’s integration through volunteering activities), des activités telles que des cours de cuisine, des matchs de football ou des visites culturelles sont organisées depuis décembre 2018, permettant à des utilisateurs d’Indigo et des personnes réfugiées d’entrer en contact et de créer du lien social.

La communauté s’agrandit face au Covid-19

Partout en France, mais aussi en Belgique, en Espagne ou encore aux États-Unis, les utilisateurs se rendent disponibles pour venir en aide aux personnes qui en ont besoin en proposant leurs services. La communauté qui compte plus de 65 000 membres est surtout active dans les grandes villes, ou plus d’échanges sont forcément disponibles, et les circonstances actuelles ont encore stimulé cette entraide. Des milliers d’inscrits ont ainsi rejoint la communauté durant les premiers jours de confinement et des centaines de nouvelles annonces ont été créées.

Forte d’une large mobilisation des jeunes (notamment la tranche 25-35 ans), la communauté Indigo fait preuve de créativité pour participer à l’effort collectif et proposer de nombreux services malgré les contraintes liées au confinement : séances de yoga partagées en visio, aide aux devoirs, cours en ligne, aide aux courses, etc. Depuis le début de la crise sanitaire que nous traversons et pour toute sa durée, 50 digos sont en outre offerts à l’inscription, et 15 digos supplémentaires sont ajoutés chaque semaine au compte des utilisateurs. De quoi continuer à se mobiliser massivement pour plus de partage et d’entraide dans notre société, à l’heure où notre solidarité et notre sens de l’intérêt collectif sont brutalement mis à l’épreuve.

Raphael D.

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