Pour le tribunal administratif, l’État n’a pas pris les mesures appropriées pour mettre fin aux manquements. Retour sur la signification de cette condamnation. 

A l’instar de leur homologue montpelliérain, les tribunaux administratifs de Rennes et de Pau viennent de condamner l’État pour carence fautive en raison des dysfonctionnements des services vétérinaires de la DDPP dans leur activité de surveillance et de contrôle de trois abattoirs.

A cette occasion et pour la toute première fois, le tribunal administratif de Rennes reconnaît même expressément une « obligation de résultat » incombant à l’État quant à « la fermeté et la progressivité des mesures à prendre en cas de manquement aux règles applicables à la protection et au bien-être animal ».

Des manquements révélés par L214…

@L214/Enquête de Briec, mai 2021

La première enquête, diffusée en mai 2021, révélait l’enfer des 2 300 coches (truies de réforme) mises à mort chaque semaine (soit près de 120 000 par an) au sein de l’abattoir de Briec (Finistère).

Les images, particulièrement violentes, montraient :

  • des truies, paralysées de l’arrière-train, poussées dans les couloirs de l’abattoir à coups de pied,
  • une utilisation de l’aiguillon électrique excessive et à des endroits non-autorisés comme les yeux et l’anus,
  • une utilisation interdite de la pince à électronarcose pour tuer alors qu’en principe cet instrument ne peut servir que pour étourdir l’animal avant la saignée,
  • des installations et équipements défectueux et inadaptés à la taille des animaux (en particulier le box d’immobilisation et le couloir d’amenée)…

Dans ce contexte, suite à la plainte déposée par L214, par un jugement en date du 27 juin 2022, le tribunal correctionnel de Quimper a condamné l’abattoir de Briec à 21 500 euros d’amende.

 

La deuxième enquête, diffusée en juillet 2021, illustrait également les nombreux dysfonctionnements de l’abattoir industriel du Faouët (Morbihan) où 100 000 dindes sont tuées chaque semaine (soit plus de 5 millions par an) :

  • les caisses de transport sont trop basses pour permettre aux animaux de se tenir debout dans leur position naturelle,
  • l’absence de local ou emplacement couvert destiné à réceptionner les animaux avant qu’ils ne soient abattus les contraints à attendre plusieurs heures dans les camions stationnés dans la cour et ce, quelles que soient les conditions climatiques,
  • sur la chaîne d’abattage, les dindes vivantes et conscientes sont suspendues pendant plus de 2 minutes.

La troisième enquête, diffusée en mars 2016, soit juste après les affaires des abattoirs d’Alès et du Vigan, concernait l’abattoir du Pays de Soule (Pyrénées-Atlantiques).

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Malgré la certification bio, Label Rouge et IGP de cet établissement, les images montraient là encore de graves manquements à la réglementation, ainsi que des scènes de violence envers les agneaux, veaux et bovins.

Par un jugement du 29 octobre 2018, le tribunal correctionnel de Pau a condamné l’abattoir et son ancien directeur respectivement à une amende de 10 000 euros et 6 mois de prison avec sursis pour le délit de tromperie sur la qualité des produits.

…connus des services de l’État depuis 2016 et 2019

Concernant l’abattoir de coches du Finistère : En 2016, en l’espace de quelques mois, L214 a diffusé plusieurs vidéos révélant des faits de mauvais traitements dans les abattoirs d’Alès, du Vigan et du Pays de Soule.

Choqué par ces images insoutenables, le ministre de l’Agriculture de l’époque, Monsieur Stéphane Le Foll, a alors lancé une inspection générale des 260 abattoirs français.

A cette occasion, les services services vétérinaires de la DDPP ont identifié 19 non-conformités à l’abattoir de Briec.

Par la suite, une inspection complète, ainsi qu’une inspection spécifique à la « protection animale » ont été réalisées de façon annuelle. Des inspections inopinées ont également été effectuées de façon régulière.

Malgré les contrôles : les non-conformités relevées par les services vétérinaires ont persisté d’année en année, parfois même sans faire l’objet de la moindre correction.

Malgré ces contrôles : les non-conformités relevées par les services vétérinaires ont persisté d’année en année, parfois même sans faire l’objet de la moindre correction.

Concernant l’abattoir de dindes du Morbihan : comme le relève le jugement du tribunal administratif de Rennes, les manquements révélés par la vidéo de L214 de juillet 2021 « avaient été relevés dans de nombreux rapports d’inspection par la DDPP en 2019, 2020 et 2021 ».

Carence fautive de l’État retenue

Constatant que les non-conformités révélées par ses enquêtes persistaient depuis plusieurs années sans que l’État ne prenne de mesure coercitive pour y mettre un terme, L214 a saisi le tribunal administratif de Rennes.

Par deux décisions, suivant le raisonnement de L214, il a alors jugé que : l’insuffisance des mesures prises par les services de l’État en dépit des manquements constatés sur plusieurs années était de nature à engager la responsabilité de l’État.

Il a également condamné l’État à réparer le préjudice moral de L214 à hauteur de 3 000 euros.

→ Jugement relatif à l’abattoir de Briec

→ Jugement relatif à l’abattoir du Faouët

En parallèle, l’association a également introduit un recours auprès du tribunal administratif de Pau.

Par une décision en date du 20 juillet 2023, ce dernier a jugé que « les dysfonctionnements précités dans l’activité de contrôle exercée par les services de l’État sur les chaînes ovine et bovine des abattoirs du Pays de Soule à Mauléon-Licharre relativement au respect de la réglementation relative à la protection animale, constitue une faute susceptible d’engager sa responsabilité ».

Le tribunal administratif de Pau a, par ailleurs, condamné l’État à verser la somme de 3 000 euros à L214 au titre de son préjudice moral.

→ Jugement relatif à l’abattoir du Pays de Soule

L’État est tenu à une « obligation de résultat »

Ces trois décisions ne sont évidemment pas sans rappeler l’affaire de l’abattoir de Rodez précédemment portée devant le tribunal administratif de Montpellier et pour laquelle L214 avait également été victorieux.

Les jugements du tribunal administratif de Rennes vont toutefois plus loin. Ils reconnaissent expressément une « obligation de résultat » incombant à l’État quant à « la fermeté des mesures à prendre en cas de manquement aux règles applicables à la protection et au bien-être animal ».

Pour le tribunal administratif de Rennes : « L’objectif est de remédier aux non-conformités et d’empêcher leur renouvellement ou répétition. A cette fin, les autorités étatiques doivent adopter une approche progressive et proportionnée en tenant compte des antécédents de l’opérateur. Les mesures, prises par les agents de l’État chargés du contrôle, doivent être appropriées à l’impératif de protection et de bien-être animal et le texte réglementaire insiste sur le caractère dissuasif des sanctions avec un catalogue pouvant aller jusqu’à la fermeture de l’entreprise ».

Il déduit ainsi de la « lenteur des corrections » et de la « persistance des non-conformités à la réglementation » dans les deux abattoirs que les mesures prises par les services de l’État pour y mettre fin ont été insuffisantes.

Pour aller plus loin

Les jugements des Tribunaux administratifs de Rennes et Pau viennent à peine d’être rendus que L214 se voit contraint de saisir à nouveau le juge administratif pour des faits similaires.

→ Lien vers le communiqué de presse sur l’abattoir de Bazas

– L214

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