C’était le métier de ses rêves et il l’exerce depuis 8 ans déjà. À 34 ans, Karma Yonten illustre à merveille le bonheur et l’énergie positive du peuple bhoutanais. Comme il le dit lui-même, il est « trashman » et fier de l’être, car il estime jouer un rôle vital pour la communauté. Il a créé la toute première entreprise de tri et de recyclage des déchets dans le pays du bonheur brut national : Greener Way. Rencontre.
Au Pays Bhoutan, le fameux pays du bonheur national brut, la préservation de l’environnement est au cœur de la vie. C’est un des facteurs clés de cet indice unique au monde créé par le petit royaume himalayen. La conservation de l’environnement, dit la bible du GNH (Gross National Happiness) « est considérée comme une contribution essentielle au bonheur parce qu’en plus de fournir des services essentiels tels que l’eau et l’énergie, l’environnement contribue à stimuler l’esthétique et d’autres formes de guérison directement aux personnes qui apprécient les couleurs vives et la lumière, l’air pur et le silence de la nature ».
Il ne faut pas voyager bien longtemps en Asie pour malheureusement constater les dégâts visibles de la pollution. Peut-être à l’exception du Japon, la gestion des déchets et la conscience populaire sont bien loin de ce que l’on observer en Europe qui, paradoxalement, exporte largement ses propres déchets en Asie. Ceci étant, découvrir le Bhoutan, c’est s’émerveiller d’une toute autre réalité, le pays faisant figure d’oasis en la matière, d’une propreté à faire pâlir les régions himalayennes voisines et les deux géants chinois et indiens à quelques centaines de kilomètres.
Le Bhoutan, très peu peuplé, gérait jusqu’ici essentiellement des déchets organiques faciles à recycler. Mais Karma Yonten s’inquiétait d’un changement majeur et relativement récent : « Aujourd’hui, avec le développement et l’importation grandissante de produits, les déchets plastiques sont de plus en plus nombreux et leur trouver une 2e vie est essentiel ». Ceci réclamait une stratégie ambitieuse, bien plus durable et saine que les politiques classiques d’enfouissement des déchets effectuées par le gouvernement. Le recyclage était, il y a peu, inconnu au Bhoutan, Karma Yonten l’a popularisé.
Karma nous accueille fièrement dans le nouveau hangar qu’il est en train d’aménager avec ses hommes en gigantesque centre de tri et de recyclage. Une première au Bhoutan. Il est loin le temps où il débutait avec quelques équipements basiques et un mini-van. Avec l’aide des autorités et de la fondation Loden qui aide les jeunes à se lancer, Karma a investi et laisser libre cours à ses talents d’entrepreneur vert. Aujourd’hui, son projet est florissant, Greener Way travaille dans plusieurs régions du pays et a redonné vie à des milliers de tonnes de déchets au Bhoutan.
Karma Yonten est aujourd’hui heureux du chemin parcouru, des récompenses comme « le Global Entrepreneurial Award » reçu à Londres en 2015 et fier aussi d’activer plus de 70 personnes dans ce projet. « Je suis sans doute l’homme le plus heureux du Bhoutan » dit-il, non sans humour, en se félicitant du travail d’éducation accompli pour son pays : « Je suis tellement heureux d’inspirer d’autres jeunes dans d’autres régions, ils viennent ici, on leur donne des conseils et du soutien pour faire la même chose que moi ! ». Un pouvoir d’inspiration d’autant plus important que le chômage des jeunes (7,3% de chômage chez les jeunes) est un problème récent et grandissant au Bhoutan.
À sa manière, Karma Yonten est heureux de contribuer au bonheur national brut si cher aux Bhoutanais. Lui qui a beaucoup voyagé, notamment en Europe, il reste convaincu que le modèle de développement « slow » de son pays est la bonne voie à suivre : « Le GNH est notre philosophie de développement, on veut être sûr que le développement soit respectueux des gens et de la nature. On a beaucoup évolué en 20 ans et notre approche old fashion est la meilleure façon de faire. La révolution industrielle a fait tant de dégâts dans vos pays, nous sommes sur la bonne route et on est convaincu que notre futur est prometteur. » Pour lui, sans aucun doute, il faut éviter de reproduire les erreurs de l’occident.
Vivre de sa passion, donner un sens à sa vie en « enrichissant » son pays, développer un projet vert qui redistribue des « dividendes sociaux » au Bhoutan, c’est le rêve éveillé et inspirant de Karma Yonten !
– Pascale Sury & Mr Mondialisation
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