« La comparaison est trop facile pour que j’y résiste: la consommation est devenue la nouvelle religion. Les temples sont nombreux et divers: concessionnaires autos, boutiques, grands magasins… Mais une seule et même foi: si j’achète, ma vie sera pleine. Mieux vêtu, je serai plus respectable. Au volant d’une voiture haut de gamme, je serai plus important. Entouré d’un tas de machins, j’aurai une existence plus simple.

En entrant dans la nouvelle cathédrale, le Wal-Mart, au lieu du bénitier où l’on trempait la main, on s’accroche à un panier. De nouveaux abbés nous accueillent, en toges bleues, leur prénom accroché au sein. On n’erre plus dans nos pensées: on erre dans les allées, communiant ensemble, tous au même niveau, devant les lois du marché comme devant Dieu. Face à un étalage de cossins, on est tous enveloppés de la même humilité. Partout autour, comme des icônes, les sigles de Saint-Sony, Saint-Nike… La muzak remplace les grandes orgues. La croix est un $ et notre chemin de $ se termine à la caisse où l’on ne présente plus les mains: on braque notre carte de crédit. Un signe de croix: tchik-a-tchik. La caissière ouvre la tabernacle de caisse, arrache une hostie de facture du calice de tiroir-caisse et on repart avec un arrière-goût accroché au palais.

Les cloîtrés de la consommation, concepteurs et publicitaires, préparent les textes des évangiles de 30 secondes et les psaumes que sont maintenant les jingles. On sonne les cloches toutes les huit minutes à la télé. On donne à croire qu’il existe mieux que notre petite vie de misère, qu’en se rendant communier chez Zellers, on goûtera un peu de cette béatitude qu’affichent tous ces dévots que nous montre la télé.

La consommation, on y a tous droit. Comme à la vie éternelle. J’ai, j’existe. Si par malheur on se retrouve au purgatoire, au bout de notre limite de crédit, c’est à genoux que l’on se quête une marge supplémentaire, que l’on confesse nos malheurs à la banque, ces évêchés lustrés qui ont droit de crédit ou de faillite. Reconnaissant, on en sort le plus souvent avec un pardon: une marge un peu plus grande. Car la religion ne souhaite perdre aucun fidèle. Et des fidèles, il en faut pour que ces temples brillent! Alors on part même en croisades, évangéliser des marchés, initier les contrées reculées aux joies d’avoir, civiliser des religions primitives qui vénèrent le temps qui passe sans se croire obligées de le lire sur une Rolex.

On est sorti des églises pour entrer dans les centres commerciaux. Heureusement, le stationnement ne manque pas. Le leurre a changé: la prière a cédé sa place au désir, au besoin d’avoir. Le but est resté le même: oublier, taire un mal inconnu. Allez dans la paix du Christ? Non: «Merci d’avoir magasiné chez nous!» Pour des siècles et des siècles? «Ça dépend de la garantie.» Amen.

* * *

Autour de moi, on s’étonne: «Pourquoi ce vieux linge?» «Pourquoi cette vieille camionnette?» Je dérange. Comme dérangeait peut-être celui qui ne s’agenouillait pas. Alors je suis un nouvel athée. Bizarrement, le dictionnaire définit l’athée comme étant un matérialiste… »

Signé François Avard, auteur.

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