Le monde célèbre Nikola Tesla comme étant un génie à la capacité incroyable d’anticiper l’avenir scientifique. C’était en effet un grand visionnaire. Personne n’en doute. Son travail en blouse blanche a probablement marqué l’histoire de l’Humanité. Malheureusement, les grands génies ont parfois une face cachée méconnue du grand public… Aujourd’hui, Tesla est également adoré pour cette curieuse raison par une minorité de réactionnaires misogynes. Voici pourquoi.
En dépit de ses facultés hors normes dans les matières technologiques, et loin de l’image idéalisée qu’on s’en fait, Tesla partageait une vision ambiguë et conservatrice des structures sociales. Ainsi, il va être amené à plaider en faveur de théories eugénistes. Il préconisera notamment la stérilisation des humains qui n’entreraient pas dans certaines caractéristiques de perfection. Votre QI n’est pas assez élevé ? Vous n’êtes pas assez bon en science ? Dans le monde de Tesla, n’espérez pas avoir le droit de vous reproduire. Un positionnement élitiste totalement opposé aux idées des Lumières, du moins si on en croit certains documents d’époque.
Par ailleurs, Tesla craignait que les hommes ne soient un jour obligés de se soumettre aux Femmes. Il imagina une société en structure de Ruche (comme pour les abeilles) où le mâle serait à la merci de leur reine. Plus pragmatiquement, Tesla était inquiet de la montée en puissance des Droits des Femmes dans une société en plein changement. Le contexte de l’époque explique en partie cette position. En partie seulement. En 1920, alors qu’il avait 64 ans, le droit de vote des femmes entre dans la Constitution des États-Unis suite à de nombreuses années de luttes et d’évolutions vers plus d’égalité.
image : Kate Beaton
En démontrent les journaux de l’époque, il expliquera à plusieurs reprises aux médias de l’époque qu’il n’aimait plus les femmes « modernes » qu’il jugeait trop masculines. L’égalité graduelle gagnée par la Femme et sa prise de liberté était difficilement acceptable à ses yeux. Il affirmera même que l’arrivée de la femme dans le monde actif, donc perçue comme concurrente de l’homme, était la pire tragédie au monde.
Plus tard, les femmes gagneront le droit de vote. Un véritable apocalypse pour Tesla qui affirmait alors : « Notre civilisation va sombrer dans un état semblable à celui des abeilles, fourmis et autres insectes ! Un état où le mâle est impitoyablement tué. » Un discours qui est toujours entretenu, 100 ans plus tard, par des branches politiques radicales et conservatrices. En adulant ce discours de Tesla, généralement figure appréciée de tous, ces néo-réactionnaires alimentent une pensée misogyne contre la liberté de la Femme, surfant sur la bonne réputation du chercheur dans le domaine scientifique.
« Le mécontentement de la Femme rend la vie de nos jours encore plus surchargée. » disait-il. Il déclare la femme inapte naturellement à parvenir à réaliser de grandes choses dans le monde. Heureusement l’histoire lui donnera tort plus d’une fois.
Pourquoi un tel radicalisme ?
En réalité, il semblerait que Tesla ait eu une relation compliquée avec ses partenaires et ce tout au long de sa vie. Il était pourtant lié d’amitié à une femme et adorait sa mère. Mais sa vision de la féminité s’est enracinée dans des notions traditionalistes de manière exacerbée. Les Femmes merveilleuses sont « les mères des grands hommes » a-t-il déclaré à un journal en 1924. La Femme serait donc « bonne » au foyer, mais certainement pas à l’école ou dans la recherche scientifique…
Tesla demeure un grand inventeur et ses idéologies privées n’entament pas son génie. Néanmoins, sa vision du monde demeure critiquable. Tristement, ce trait de caractère est aujourd’hui vénéré par quelques tristes esprits réactionnaires qui voient dans la femme libre, non-consignée à son foyer, un danger pour le monde. Rassurons-nous, il est toujours permis d’aimer Nikola Tesla, le scientifique. Cette histoire nous donne une leçon d’humilité : distinguer l’Homme de ses idées. Tesla était humain, donc fondamentalement imparfait, comme nous tous. Et la sagesse réside probablement dans une vision la plus objective possible des célébrités historiques.
image : vinartvin
Lire l’article de Matt Novak