Près de la moitié des espèces d’oiseau sont en déclin dans le monde et une sur huit est déjà menacée d’extinction. C’est le constat « profondément inquiétant » dressé par le dernier rapport de l’ONG BirdLife International qui publie, tous les quatre ans, l’état des populations d’oiseaux à travers le monde. Selon l’organisation, les populations de 49% des espèces sont en déclin, 38% d’entre elles sont stables alors que seulement 6 % sont à la hausse. Des chiffres alarmants qui illustrent une accélération des menaces qui pèsent sur les espèces aviaires et la biodiversité toute entière.

Il y a cent ans de cela, quelques conservationnistes – et non conservateurs au sens politique – visionnaires et déterminés ont fondé l’une des premières organisations mondiales de conservation des espèces aviaires : le Comité International pour la Protection des Oiseaux (CIPO – ICBP en anglais). 

 

Un partenariat de près de 120 organisations

Près d’un siècle plus tard, leur initiative s’est propagée à travers le monde pour donner naissance à BirdLife International, un réseau regroupant pas moins de 119 organisations nationales de conservation à travers le globe.

« Notre science de la conservation, reconnue dans le monde, a permis d’identifier les espèces d’oiseaux les plus menacées d’extinction, les sites les plus importants pour leur conservation, les menaces les plus urgentes à traiter et les actions nécessaires pour y faire face », explique la directrice générale de BirdLife International, Patricia Zurita.

C’est dans cette optique que l’organisation a publié, le mercredi 28 septembre dernier, la cinquième édition de son rapport État des Populations d’Oiseaux dans le Monde. Dès les premières pages, le ton est donné : « les pressions auxquelles les oiseaux, et plus largement la biodiversité, sont confrontés aujourd’hui sont plus importantes et plus diverses que jamais », alerte Patricia Zurita. Et pour cause, « une espèce d’oiseau sur huit est menacée d’extinction, et l’état des populations d’oiseaux dans le monde continue de se détériorer : les espèces se rapprochent toujours plus rapidement de l’extinction », rapporte l’ONG. 

Crédits : BirdLife International

Un déclin qui s’accélère

Les espèces qui ne sont pas (encore) considérées comme menacées sont pour la plupart en déclin (49%). 4 234 d’entres elles (soit 38%) restent stables, alors que seulement 6% (649) sont à la hausse. Pour les 6% restant, les scientifiques estiment que les données ne sont simplement pas suffisantes pour établir une tendance. « Les déclins ne se limitent pas aux espèces rares et menacées. Les populations de certaines espèces communes et largement répandues connaissent aussi un déclin rapide », pointe BirdLife. 

L’ONG estime ainsi qu’environ 2,9 milliards d’oiseaux ont disparu en Amérique du Nord depuis les années 70. Au sein de l’Union européenne (une zone cinq fois plus petite), 600 millions d’individus auraient été perdus depuis 1980. En outre, de nombreux sites clés pour les populations d’oiseaux – les Zones Importantes pour la Conservation des Oiseaux et de la biodiversité (ZICO, IBA en anglais) – sont dans un « état défavorable », déplore l’ONG.

La Ligue de Protection des Oiseaux française (LPO), également membre du réseau BirdLife International,a ainsi estimé que « le dernier rapport sur l’état mondial des populations d’oiseaux brosse le tableau le plus préoccupant à ce jour de l’avenir des espèces aviaires et, par extension, de toute vie terrestre ».

Le Monarque de Fatu Hiva est l’espèce la plus menacée de France © B. Ignace – LPO

Des pressions d’origine anthropiques

Si le rapport alerte sur l’effondrement affolant des populations d’oiseaux dans le monde, l’étude détaille également les facteurs à l’origine de ce phénomène. Principalement d’origine anthropique, plusieurs menaces pèsent aujourd’hui sur les volatiles, dégradant parfois leur habitat, réduisant aussi leur chance de reproduction ou leurs moyens de subsistances, quand elles ne provoquent pas directement la disparition de centaines d’individus. 

Crédits : BirdLife Internatinal

En première place, l’agriculture intensive affecte 73% de toutes les espèces en danger. « La mécanisation accrue, l’utilisation de produits agrochimiques et la conversion des prairies en terres cultivées ont ainsi entraîné une diminution de 57 % des oiseaux des terres agricoles en Europe depuis 1980 », précise la LPO.

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Derrière elle se hissent l’exploitation et la gestion forestière non durable, qui engendrent une perte de plus de 7 millions d’hectares de forêt chaque année dans le monde, la chasse et le braconnage, ou encore l’expansion urbaine et l’artificialisation engendrée par le développement résidentiel et commercial.

Assombrissant encore un peu plus le tableau, le changement climatique joue évidement un rôle crucial dans la disparition des oiseaux à travers le monde, exacerbant l’impact de la plupart des menaces. Selon les données du programme Planète Vivante, les populations d’oiseaux terrestres diminuent ainsi plus fortement dans les zones ayant connu un réchauffement rapide.

Les oiseaux, indicateurs de la santé de la planète

Le rapport précédent de l’organisation, publié il y a quatre ans, faisait déjà état d’environ 40% d’espèces en déclin. Des chiffres qui démontrent donc une accélération des menaces pour les populations aviaires (+ 9%), mais pas seulement. 

L’organisation se concentre en effet sur l’étude des populations d’oiseaux parce qu’ils constituent d’excellents baromètres de la santé générale de notre planète. « Largement répandus, relativement faciles à étudier et sensibles aux changements environnementaux, ils servent d’indicateurs de biodiversité, révélant les tendances générales des écosystèmes naturels », explique-t-elle dans son rapport. Ainsi, « en rassemblant et en analysant les données sur ce groupe, nous comprenons non seulement leur état, mais nous obtenons également un aperçu inégalé de la santé de la nature dans son ensemble ».

Crédits : BirdLife International

BirdLife International s’emploie alors à délivrer de nombreuses recommandations à destination des espaces de discussion politique nationaux ou internationaux, espérant ainsi améliorer directement la santé des populations aviaires à travers le monde, mais aussi du reste des êtres vivants qui peuplent la planète.

« Les principales menaces pesant sur les populations d’oiseaux doivent être atténuées, notamment par la prévention de la surexploitation et du massacre illégal des oiseaux, la gestion des espèces exotiques envahissantes, la lutte contre les prises accessoires de la pêche et la réduction des impacts négatifs des infrastructures énergétiques », détaille la directrice générale. 

Une action urgente

L’organisation appelle également à la sauvegarde des habitats naturels restants et à la restauration des lieux déjà endommagés. Un renforcement des législations de protection des spécimens est également plébiscité. La quinzième réunion de la Conférence des Parties (COP15) à la Convention sur la diversité biologique, qui aura lieu à Montréal (Canada) en fin d’année, sera sans aucun doute un moment crucial pour les espèces d’oiseaux à travers le monde.

« Les gouvernements se doivent d’adopter un Cadre Mondial pour la Biodiversité, assorti d’engagements ambitieux pour assurer un changement transformateur et une mise en œuvre urgente des actions. L’avenir des populations d’oiseaux dans le monde et, en fin de compte, de notre propre espèce en dépend », conclut le rapport.

– L.A.


Couverture : Colibri, Colombie @Mateo Rojas Echeverri/Unsplash

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