Et si la biodiversité était notre meilleure alliée pour ralentir le réchauffement climatique ? C’est en tout cas ce que conclut le Fonds mondial pour la nature qui publie un nouveau rapport fondé sur les dernières recherches scientifiques en la matière. C’est 54% des émissions de CO2 liées aux activités humaines ont été absorbées par les écosystèmes naturels au cours des 10 dernières années. L’organisation internationale rappelle aux ministres qui se rendront à Montréal pour la COP15 sur la diversité biologique, qu’ils ne parviendront pas à mettre en œuvre l’accord de Paris sans protéger ni restaurer la biodiversité.

Intitulé Notre alliée secrète, le dernier rapport du WWF met en avant le rôle fondamental joué par les écosystèmes naturels dans la lutte contre le réchauffement climatique. Inondations, vagues de chaleur, méga feux, tempêtes tropicales… Alors que les évènements climatiques extrêmes se succèdent, l’organisation internationale tire la sonnette d’alarme : sans la biodiversité, ce serait encore bien pire.

Certains animaux jouent un rôle fondamental dans la lutte contre le réchauffement climatique Crédits : naturepl.com – Danny Green – WWF

La sonnette d’alarme est tirée

Présentée en marge des pourparlers de la COP27 tenue du 6 au 18 novembre dernier à Charm el-Cheikh (Égypte), l’analyse s’adresse également aux négociateurs de la Conférence des Nations-Unies sur la biodiversité qui va se rencontrer 7 au 19 décembre au à Montréal, pour convenir d’une nouvelle série d’objectifs au cours de la prochaine décennie. 

Arnaud Gilles, chargé de plaidoyer diplomatie verte, insiste : « La COP26 de Glasgow a eu le mérite de reconnaître qu’on avait besoin de protéger la biodiversité pour respecter l’accord de Paris. Un an plus tard, et à quelques jours de la COP15 de Montréal sur la biodiversité, le WWF demande aux ministres (…) de passer la vitesse supérieure et d’encourager sans ambiguïté l’adoption d’un accord mondial capable de freiner et d’inverser la tendance d’effondrement de la biodiversité d’ici 2030 ».

Crédits : Rapport « Notre alliée secrète » – WWF

Double crise, double peine ? 

Et pour cause : il y a urgence ! Entre 1970 et 2018, les populations de vertébrés ont décliné d’en moyenne 69%. Aujourd’hui, plus d’un million d’espèces animales et végétales sont en danger d’extinction selon les estimations des spécialistes de l’IPBES.

« Les preuves sont sans équivoque : nous subissons la double crise de la perte de biodiversité et du changement climatique, principalement dues à l’utilisation non durable des ressources de notre planète. Et si nous continuons de traiter ces urgences comme deux questions distinctes, aucun problème ne sera abordé efficacement », alertent les experts.

Car au delà de représenter une perte biologique majeure pour l’ensemble des écosystèmes de la planète, l’effondrement de la biodiversité précipite également le réchauffement climatique. Actuellement, sur les 40 milliards de tonnes de CO2 libérées dans l’atmosphère chaque année à cause des activités humaines, les écosystèmes naturels en absorbent plus de la moitié (54 %). En détails, 31 % de ces émissions sont absorbées par les écosystèmes terrestres, alors que les 23 % l’ont été par les écosystèmes marins et côtiers.

Crédits : Rapport « Notre alliée secrète » – WWF

« Par sa capacité à absorber et séquestrer le CO2 atmosphérique et jouer le rôle de puits de carbone, la biodiversité a donc ralenti le réchauffement climatique », expliquent les auteurs du rapport. Au total, on estime que les forêts tropicales humides et le pergélisol arctique empêchent l’émission de 5 100 à 6 600 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, ce qui augmenterait autrement l’ampleur du changement climatique.

Une alliée inestimable 

En outre, la biodiversité facilite aussi l’adaptation au réchauffement climatique. Les écosystèmes fonctionnels et sains augmentent la résilience et protègent les communautés contre les impacts du réchauffement.

« Par exemple, les récifs coralliens, les zones humides et les mangroves offrent une certaine protection contre les tempêtes, les forêts peuvent absorber l’excès des eaux de pluie, empêchant ainsi les ruissellements, les glissements de terrain et les dommages causés par les inondations », détaille le rapport qui se base entre autres sur les dernières données du GIEC. 

Certains animaux sont aussi de véritables alliés dans la lutte contre le dérèglement climatique. La loutre de mer permet de limiter la prolifération d’oursins grâce à son appétit insatiable. Les algues ont alors toute la place nécessaire pour se développer et créer une véritable forêt sous-marine. C’est aussi le cas de la baleine qui, grâce à ses excréments, nourrit toute une population de phytoplanctons capables de changer le CO2 en O2 et d’ainsi nous fournir plus de 40% de l’oxygène que nous respirons !

La baleine est une alliée formidable pour capturer le CO2. Crédits : naturepl.com – Tony Wu – WWF

L’éléphant de forêt quant à lui piétine de son pas lourd les buissons à croissance rapide, permettant alors aux arbres à croissance plus lente mais à meilleure séquestration de CO2 de se développer. Alors que ces pachydermes ont été braconnés jusqu’à faire disparaitre 91% de leur population, on estime que le rétablissement de leur espèce permettrait théoriquement de capter plus de 6 000 tonnes de CO2 supplémentaires par km².

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Pour combien de temps encore ?

Nous ne pouvons pas miser sur la seule spontanéité des écosystèmes pour qu’ils supportent le fardeau de la crise climatique, d’autant plus lorsque les politiques de sauvegarde et de restauration des écosystèmes ne suffisent plus à assurer la résilience climatique. L’appui indispensable de la biodiversité ne survivra pas si les émissions carbone d’origine anthropiques continent de se multiplier au fil des années. Selon les estimations du sixième rapport d’évaluation du GIEC, le cadre est clair : plus nous émettrons de CO2 dans l’atmosphère, moins les écosystèmes naturels seront efficaces pour absorber et séquestrer ce dioxyde de carbone.

La préservation de l’environnement passe obligatoirement par une réduction rapide des émissions de CO2 selon WWF. – Pixabay

À l’heure où les petits pas ne suffisent plus

Les grands bouleversements environnementaux que nous connaissons aujourd’hui sont symptomatiques de la vulnérabilité même des écosystèmes naturels face aux pressions toujours plus nombreuses qui menacent leur intégrité et leurs fonctionnements. L’organisation internationale assure que la réduction rapide des émissions et la décarbonisation du système énergétique mondial est un passage obligatoire pour protéger les écosystèmes. 

« Les solutions basées sur la nature et les approches basées sur les écosystèmes ne fonctionneront efficacement qu’en combinaison à une réduction des émissions en supprimant progressivement notre dépendance aux combustibles fossiles ».

Le rapport Notre alliée secrète souligne ainsi le travail inestimable et pourtant trop souvent ignoré des écosystèmes naturels. Il conclut en appelant chaque citoyen mais aussi chaque décideur politique à prendre en compte ce rôle remarquable et à tout mettre en œuvre pour protéger les synergies vitales qui unissent les sociétés humaines au reste de la planète. « La nature peut continuer à nous aider dans la lutte contre le changement climatique, mais seulement si nous l’aidons d’abord » conclut ainsi Manuel Pulgar-Vidal, responsable mondial Climat et Énergie de l’organisation.

– Lou A.


Photo de couverture : Frans Snyders, Concert d’oiseaux, 1629-1630
© Museo Nacional del Prado, Madrid

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