Alors que la France consomme de plus en plus de pesticides d’année en année, une étude internationale à laquelle s’est associé l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) démontre que l’agriculture biologique diversifiée résiste mieux que l’agriculture conventionnelle aux attaques de pathogènes. Ces nouvelles données chamboulent quelques perceptions erronées concernant le « bio ». Explications.
L’agriculture biologique permet-elle un contrôle biologique naturel des nuisibles, qu’il s’agisse de « mauvaises herbes », d’insectes ou de champignons et bactéries pathogènes ? Pour tous les lobbies de l’industrie agro-chimique, la réponse est négative. Mais pour répondre à cette question de manière plus factuelle, plusieurs chercheurs auteurs d’une étude publiée dans la revue « Nature » en juillet dernier se sont appuyés sur 177 études comparatives à propos des performances des systèmes agricoles biologiques et conventionnels et leur capacité à se défendre contre des nuisibles.
L’agriculture bio généralement plus efficace contre les nuisibles
L’hypothèse de départ à valider était qu’un modèle agricole qui vise à intensifier les plantations sur une surface donnée en ayant recours à une plus grande diversité végétale se défend plus facilement contre les nuisibles qu’un modèle conventionnel avec pesticides artificiels. En optimisant les fonctions écologiques des plantes, peut-on accroître les services éco-systémiques rendus ? Dans ce contexte, c’est notamment le contrôle biologique des « nuisibles » qui permet non seulement d’augmenter les rendements mais aussi de réduire les quantités d’intrants chimiques utilisées qui intéressait tout particulièrement les chercheurs.
Une plus grande résistance en bio qu’en conventionnel face aux pathogènes
D’après la synthèse des différentes études recensées, en agriculture biologique, les plantes développent des systèmes de défense plus efficaces qu’en conventionnel face aux pathogènes. Par ailleurs, le bio se défend tout aussi bien contre les ravageurs. Reste la problématique des adventices.
En détail, les résultats montrent que :
– L’agriculture biologique se défend moins bien que l’agriculture conventionnelle contre les adventices (« mauvaises herbes ») ;
– La bio est tout aussi performante que l’agriculture conventionnelle contre les ravageurs (insectes) ;
– Face aux pathogènes comme les bactéries ou les champignons, la bio est plus performante.
Ces résultats confortent les arguments de ceux qui défendent une agriculture sans pesticides, alors que lors des débats récents à propos de l’interdiction des néonicotinoïdes certains mettaient en avant le caractère indispensable de ces produits. Selon les auteurs de l’étude, « l’agriculture biologique offre une voie pour réduire l’utilisation de pesticides de synthèse sans pour autant augmenter les niveaux d’infestation par les ravageurs et les pathogènes ». Cette donnée vient donc s’opposer directement aux croyances qui affirment que l’agrochimie conventionnelle serait forcément plus protectrice. On sait aujourd’hui que c’est faux. Dès aujourd’hui, il serait possible de réduire l’usage des pesticides sans que les rendements en soient affectés. Une conclusion qui invite à soutenir celles et ceux qui tentent de développer des modèles alternatifs d’agriculture afin de protéger l’environnement et la santé des êtres humains en réduisant les externalités négatives.Hausse de l’utilisation des pesticides en France
En dépit de deux plans Ecophyto depuis 2008, l’utilisation des pesticides progresse toujours en France. L’indicateur NODU (nombres de doses par unité) qui permet de mesurer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, « a augmenté de plus de 12 % en valeur entre 2014 et 2016″, selon une déclaration commune du Ministère de l’Agriculture, le Ministère de la santé, Ministère de la Recherche et le Ministère de la Transition écologique le 27 juillet dernier. Des résultats inquiétants alors que la réduction de l’usage des pesticides s’impose pour lutter contre la perte de biodiversité et la pollution des sols.
D’autant que c’est également la santé des agriculteurs eux-mêmes qui est en jeu. Ces dernières années, plusieurs études ont établi un lien entre l’usage de pesticides et le développement de certaines maladies. Il en est ainsi du lien en ce qui concerne la maladie de Parkinson et le traitement des vignes ou encore de celui entre cancer de la prostate et chlordécone, pesticide utilisé pour le traitement des bananes aux Antilles.
La nouvelle étude donnera donc du grain à moudre aux antipesticides.
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