À l’occasion de la sortie de leur dernier court-métrage intitulé Lanceur d’Alerte, nous avons eu l’occasion d’interroger Les parasites. Par le biais d’un scénario qui tient en haleine, le jeune collectif interroge le sort réservé aux lanceurs d’alerte et de manière plus générale « les limites de notre démocratie représentative ».

Les récentes vidéos des Parasites ont réussi à convaincre de nombreux internautes par la qualité de leur travail et le caractère engagé de leur message. Leur nouvel épisode réunit une nouvelle fois tous les éléments de fond et de forme pour réussir.

Dans Lanceur d’Alerte, Les Parasites s’inspirent librement d’une affaire qui avait été divulguée il y a peu sur le site Wikileaks et qui a pour origine un mail à destination d’Hillary Clinton concernant le pétrole Libyen. L’histoire porte donc sur des faits réels mais « le reste n’est que fiction » transposé à la réalité française, nous indiquent Les Parasites. Leur objectif est de dénoncer l’absence de toute protection réelle pour les lanceurs d’alerte mais aussi le fonctionnement de la démocratie : « Comment nous, “citoyens-électeurs”, pouvons-nous élire nos dirigeants sans même connaître les enjeux du monde dans lequel on vit ? » se demandent-ils. De bout en bout, Les parasites arrivent à maintenir un suspens élevé, grâce à un scénario bien ficelé, un très bon jeu d’acteur ainsi qu’une musique qui accompagne les rebondissements.

« Pour le moment », nous confient-ils « le format court nous plaît parce qu’il nous permet d’aborder pleins de sujets différents en peu de temps ». Le travail nécessaire au tournage et au montage du film « repose sur le travail bénévole de l’équipe ». En effet, rappelons qu’à ce stade les films qu’ils réalisent « ne sont pas financés mais auto-produits ». Grâces à l’aide des Tipeurs, les intervenants peuvent en revanche être défrayés. Un tour de force quand on observe la qualité du rendu final !

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Le lanceur d’alerte, un statut que les législations peinent à prendre en compte

Selon la définition du Conseil de l’Europe, on peut désigner par lanceur d’alerte « toute personne […] qui révèle des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général dans le contexte de sa relation de travail, dans le secteur public ou privé ». Une définition similaire est retenue par Transparency international. On remarquera donc que le collectif des Parasites a pris quelques libertés par rapport à ce que l’on désigne plus couramment par lanceur d’alerte, puisque le personnage principal n’a pas obtenu d’informations dans le cadre de ses activités professionnelles, mais en utilisant l’ordinateur d’une tierce personne : à proprement parler, il s’agit donc plutôt d’une situation de « fuite d’informations » et de volonté d’en faire part à la population.

À ce jour, les législations nationales et internationales ne protègent que faiblement les lanceurs d’alerte. Malgré le rôle fondamental qu’ils jouent, souligne Transparency international, « ils restent la cible d’intimidations, de menaces et de représailles : licenciement, procès en diffamation, harcèlement… ». Ainsi, de nombreux lanceurs d’alerte ont été poursuivis alors qu’ils avaient mis à jours des affaires de corruption, des risques sanitaires ou des mauvaises pratiques d’entreprises. Le procès impliquant Antoine Deltour et Raphaël Halet est parlant : bien que reconnus par le tribunal comme des lanceurs d’alerte dans le cadre d’une affaire d’évasion fiscale, ils ont été condamnés cette année pour « violation du secret d’affaire » (un recours a été déposé contre cette décision).

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Il y a quelques jours, le 8 novembre, le Sénat adoptait définitivement le projet de loi sur la « la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique » (Loi Sapin II), complétée par une loi organique. Sous la pression de la société civile et des médias, gouvernement et parlement ont introduit des dispositions pour mieux protéger les lanceurs d’alerte. Le texte doit couvrir les lacunes et imprécisions qui existent dans le droit français aujourd’hui : éparpillement des textes existants, absence de définition claire et générale.

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Autre problématique que la loi veut résoudre, la préservation de l’anonymat pour les lanceurs d’alerte et la mise en place de mesures contre les pressions individuelles et salariales ou tout autre « mesures de rétorsion ou de représailles » dont ils pourraient faire l’objet. Un rôle clé est assigné au Défenseur des droits, garant de la protection des lanceurs d’alerte selon le texte. Il faut cependant réagir avec prudence. En effet, la législation américaine protège en principe les lanceurs d’alerte : cela n’a pas empêché Edward Snowden d’être inculpé par le gouvernement américain, notamment d’espionnage, suite à ses révélations…

Le film complet


Sources : lemonde.fr / transparency-france.org

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