Difficile d’être en paix avec son smartphone quand on a des valeurs éco-humanistes. Toutes les grandes marques jouent un rôle dans l’esclavagisme moderne ou la pollution. Une petite coopérative veut changer ça. Il en sont déjà à la seconde version de leur téléphone équitable. Enquête.

« Fairphone » (téléphone juste) est une idée développée par une coopérative néerlandaise à la démarche équitable. Elle lance l’idée d’un téléphone conçu de A à Z pour être en accord avec des valeurs sociales et écologiques. Le groupe va rencontrer un franc succès qui va rapidement lui permettre de poursuivre le processus entamé. Avec l’annonce du Fairphone 2, la jeune équipe veut répondre à des exigences de transparence toujours plus élevées et mettre en place de nouveaux dispositifs pour mesurer son impact social et environnemental. Objectif : devenir un concurrent réel des multinationales afin de pousser celles-ci à s’engager sur un pareil chemin. En effet, c’est le manque de concurrence et de volonté des consommateurs qui permettent à ce jour à Apple, Sony, Samsung et consorts d’exploiter l’Homme et la Nature sans considération éthique.

FairPhone soccer team with Bas and Anneke

Le pari réussi de la démarche éthique

Ayant écoulé l’intégralité de sa production (60 000 appareils), la firme dispose aujourd’hui du crédit et des appuis nécessaires pour franchir une nouvelle étape. Pour promouvoir ses ambitions « fair », elle peut s’appuyer sur davantage de « capacité, de crédibilité et de partage des savoirs » et accroître son influence, souligne Bas van Abel, fondateur de Fairphone en janvier 2013. Le Fairphone 2 sera disponible en précommande dès mi-2015 en Europe. La stratégie de l’entreprise mise sur l’innovation dans la durée, la « réparabilité » et la recyclabilité du téléphone, dans un environnement commercial où de plus en plus d’utilisateurs s’interrogent sur la durée de vie raccourcie de leurs appareils. Une ambition à nouveau martelée par le créateur de la marque le 12 février dernier : « Plus un téléphone dure, moins il crée de déchets, moins il requiert de ressources ».

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L’obsolescence des batteries des smartphones traditionnels et l’incapacité de les réparer incitent de trop nombreux clients à acquérir un nouveau modèle plus rapidement qu’ils ne l’avaient prévu. La machine à consommer est ainsi bien rodée. Le Fairphone répond avec ses multiples composants disponibles en pièces détachées et des tutoriels accessibles gratuitement sur la plateforme partenaire « ifixit » pour procéder à un remplacement soi-même : batterie, capteur photo, écran tactile, boutons… Leur téléphone s’oppose de cette manière à l’obsolescence matérielle et au gaspillage.

Rupture avec le modèle industriel classique

Leur approche totalement différente de la production classique de l’industrie du téléphone portable se vérifie jusque dans le financement du projet. En effet, celui-ci est basé sur le « Crowdfunding » (financement participatif) dans lequel les consommateurs vont acheter leur produit à l’avance. « Nous nous sommes dit : si nous parvenons à faire 5 000 réservations, nous démarrons la production. Nous en avons vendus 10 000 en trois semaines et c’était très effrayant car c’était 10 000 personnes qui avaient acheté des smartphones qui n’existaient pas, à une entreprise qu’elles ne connaissaient pas, et qui elle-même n’en avait jamais encore produit », détaille Bas van Abel lors d’une conférence au TEDxAmsterdam le 6 novembre 2013. La coopérative de 42 employés, à la parité exemplaire (21 hommes, 21 femmes), a ainsi tout misé sur sa démarche qu’elle considère comme un outil destiné à faire évoluer les pratiques. Au-delà de l’aspect écologique, les conditions sanglantes de l’extraction de minerais essentiels aux smartphones attestent de la nécessité de changer de perspective. Approuvée par une forte hausse de la demande éthique, cette initiative constitue un passage à l’acte salutaire.

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Le Fairphone, dynamique d’une consommation responsable

Car il faut bien le rappeler, les caractéristiques techniques du premier Fairphone commercialisé ne peuvent constituer une façade suffisamment attrayante face aux concurrents de la gamme qui évoluent à chaque instant. Le téléphone est en moyenne plus épais, plus lourd et plus lent malgré un quadricœur de 1,2 Ghz. Son appareil photo de 8 méga pixels donne un rendu très correct, mais bien inférieur aux nouvelles prouesses technologiques adverses. Sa connectivité se limite au Wi-Fi standard, au Bluetooth et à la 3G, le logiciel système utilise l’ancienne version Jelly Bean d’Androïd. Mais, n’est-ce pas précisément concordant à une logique de ralentissement ? Les mises à jour toujours plus rapides ne font-elles pas également partie d’une logique d’obsolescence ? L’appareil est dans l’ensemble très agréable à utiliser avec une batterie qui permet une longévité d’utilisation peu explorée par la concurrence. A moins d’être un puriste technologique, la grande majorité des utilisateurs trouveront leur bonheur dans le premier Fairphone.

Pour la sortie de son deuxième appareil, la firme prévoit d’intégrer la 4G pour son aspect durable mais également de mieux informer le consommateur : « Nous souhaitons aller plus loin dans la chaîne d’approvisionnement et donner plus de visibilité sur qui produisent nos composants clés, dans quelles conditions et avec quels matériaux », insiste Bas van Abel. « Concrètement, il nous provient de l’étain et du tantale des mines sans conflit en RDC. Nous avons créé un fond d’aide aux travailleurs sur notre site de production en Chine et contribué à un système de collecte des déchets électroniques au Ghana qui nous a permis de recueillir près de 75 000 téléphones en fin de vie », ajoute t-il. Le blog officiel du smartphone détaillera l’intégralité du processus de production, encore plus pertinemment qu’il ne l’a fait lors de sa première production.

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Ce mouvement favorable au Fairphone trouve un écho plus général en Europe avec le développement de la consom’action (oui, vous !), logique visant à responsabiliser et penser ses achats en fonction de leur caractère juste et durable. Cette vision fait peu à peu évoluer la relation entre les personnes et leurs achats. De nombreuses enquêtes d’opinion témoignent de l’essor de ces nouvelles pratiques et rappellent une croissance très nette du chiffre d’affaire du commerce équitable, multiplié par 35 lors de la dernière décennie. Ce lien éthique est fortement entretenu par les réseaux sociaux et le dialogue rassure de plus en plus de consommateurs. « Nous sommes encore une entreprise sociale indépendante, et nous savons que nous devons beaucoup à notre communauté pour cela » observe Tessa Wernink, directrice de la communication.

Pionnier dans le domaine de la téléphonie mobile durable et responsable, le Fairphone 2 bénéficie déjà d’un terreau pour le moins propice avant même sa première commande. Vous pouvez guetter sa sortie sur leur site officiel. Et si ça devenait « cool » de mieux consommer et surtout de moins consommer ?


Article partenaire signé Les Hiboux adapté par Mr Mondialisation

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