Fabrice Nicolino, journaliste, constate amèrement que, depuis l’industrialisation alimentaire, nous nous sommes éloignés de la nourriture, nous l’avons appauvrie, nous avons perdu notre autonomie alimentaire et, tout ceci, au détriment de l’ensemble du vivant et pour le seul profit de transnationales. Peut-être est-il (encore) temps de réagir ?

Fabrice Nicolino est un journaliste spécialisé depuis plus de vingt ans dans les questions d’écologie et chroniqueur pour Charlie Hebdo. Toujours hospitalisé, il a été grièvement blessé dans l’attentat contre la rédaction. Lors de cette interview dans les locaux de l’Hebdo avant l’attentat, il exposait sa vision interpellante de l’alimentation actuelle. Pour lui, depuis l’industrialisation – véritable rupture dans notre société – nous avons laissé le soin aux industriels de nous nourrir. Les conséquences sont affligeantes : la nourriture, en s’éloignant de nous, nous apparaît comme une simple marchandise transportée sur des distances inouïes et complètement déconnectée du « vivant ».

Qu’est-ce qu’on mange demain ?

Alors que, dans l’histoire, les hommes auraient consommé 7000 espèces végétales différentes sur les 30.000 consommables, aujourd’hui elles ne sont plus que 30 à fournir 90 pour cent des calories végétales consommées dans le monde ! Par contraste, là où l’alimentation traditionnelle persiste, comme dans un petit village karen de Thaïlande, les villageois cultivent plusieurs centaines d’aliments différents. Selon François Couplan, ethnobotaniste spécialisé dans l’utilisation traditionnelle des plantes sauvages et cultivées, la nature foisonne de ressources alimentaires qui pourraient offrir une nourriture riche et variée à ceux qui savent les reconnaître.

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Fabrice Nicolino dénonçait un fait analogue par rapport à la viande dans son livre « Bidoche : l’industrie de la viande menace le monde ». En effet, les conséquences écologiques de la consommation mondialisée de viande sont comparables : disparition de races entières d’animaux, destruction d’immenses surfaces de forêts pour les nourrir… Pour lui, cette main mise de l’industrie sur l’alimentation s’apparente à un véritable hold-up planétaire. Le tout sur fond de « nourriture rapide ». Nous prenons de moins en moins le temps de savoir ce qu’il y a dans notre assiette et d’où cela vient.

La solution : ralentir

Le mouvement « slow food », fondé en 1986 en Italie par Carlo Petrini, prône par opposition de manger sainement et lentement pour redonner au fait de s’alimenter son importance fondamentale. Mais tout laisse à croire pourtant que ce phénomène d’industrialisation va continuer à s’accélérer car la puissance des transnationales ne cesse d’augmenter. Quand on sait que leurs chiffres d’affaires dépassent parfois certains budgets nationaux, il y a de quoi frémir…

Mais tout espoir ne serait pas perdu ! Dans une autre vidéo, il précise que l’émergence de l’alimentation bio est la marque d’un changement profond dans l’alimentation humaine. Aujourd’hui en France, plus de la moitié des consommateurs achète au moins une fois par mois des produits bio. Ce rejet d’une alimentation industrielle gorgée de pesticides et d’additifs représente déjà un changement notable et spectaculaire. Au plan mondial, ce changement de paradigme pourrait, à terme, contribuer à répondre à une question cruciale : comment nourrir 9 ou 10 milliards d’humains en 2050 ? Et si l’agro-écologie était la solution ? Restons positifs : tout reste possible, à condition de certains changements collectifs majeurs.

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Une pensée pour Fabrice Nicolino qui s’apprête à subir une troisième opération.


Lire l’article de Rue89 / ventscontraires.net

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