Le lien entre café et exploitation animale n’est pas évident. Et pourtant, le café le plus cher au monde est la source d’un important trafic animalier. La spécificité du kopi luwak, c’est d’être préparé à partir de cerises de caféier préalablement digérées par un animal spécifique, la civette asiatique (ou Luwak). Jusqu’il y a peu de temps, les excréments de l’animal étaient directement récoltés en forêt. Cependant, profit oblige, des producteurs ont décidé d’enfermer les animaux pour accroître les rendements et les gains. Une dérive aujourd’hui dénoncée par les associations.
Les débats concernant les conséquences morales de nos consommations sont fréquents. Lorsqu’ils touchent à la nourriture, ils sont d’autant plus difficiles à appréhender qu’ils renvoient à des questions sensibles : entre tradition, religion et morale, entre liberté individuelle et choix sociétal, les arguments fusent souvent les uns à côté des autres car ils ne se situent pas sur le même niveau d’argumentation. Cependant le manque de transparence et l’opacité des procédés employés à l’occasion de la production d’aliments est évident et conduit à tous les abus. Les industriels se servent généralement d’une population désinformée pour perpétuer des pratiques qui mettent en danger la santé du consommateur et concourent à la destruction de l’environnement ainsi qu’à la maltraitance animale.
Photo : World Animal Protection
Photo : World Animal Protection
Le kopi Luwak, un café à l’arrière-gout amer
Ce café particulier pour lequel certains sont prêts à payer jusqu’à 50 euros pour une seule tasse intrigue forcément. Son prix de vente au kilo varie entre 200 et 400 dollars. Selon les amateurs, ce café serait moins amer que les autres variétés et comporterait des notes caramélisées et chocolatées. Sa particularité gustative vient du fait que les cerises de caféier utilisées dans sa confection sont digérées par les Luwak, ce qui provoque un début de fermentation. Il faut donc récolter les excréments de l’animal, une espèce de civette qui vit en Asie du Sud ainsi qu’en Afrique Subsaharienne. Il y a là tous les éléments pour créer d’importantes souffrances animales.
Avant que la demande ne devienne trop importante avec la mondialisation, les excréments de luwak étaient récoltés dans la nature, sans atteinte aucune à l’espèce. Mais la hausse de la consommation du kopi luwak a poussé les producteurs a changer leurs méthodes de production. Avec peu de réglementations environnementales dans les pays concernés, l’appât du gain à entrainé une situation dramatique pour les civettes. Sans surprise, le prix toujours plus élevé de ce café d’exception a entrainé l’industrialisation du secteur. À l’image de nos poules en batteries, les civettes se voient confinées dans des cages surpeuplées et exiguës, contraintes à se gaver des fruits du caféier.
Photo : Chayhoon via Ubin Volunteer Blog
Une revue spécialisée dans la défense des droits des animaux (Animal Welfare) s’est intéressée de plus près à cette nouvelle forme d’exploitation. Les conditions de vie du luwak enfermé s’apparentent à une des pires « industrie esclavagiste » s’indigne la revue. Le régime alimentaire qui leur est imposé, exclusivement composé de cerises de caféier, ne correspond pas à leur alimentation habituelle, bien plus variée. Par ailleurs, les civettes souffrent de leur enfermement, de l’absence de congénères ainsi que du dérèglement de leur rythme de vie – habituellement nocturne. Le stress ainsi généré peut pousser l’animal à s’infliger des mutilations et à mourir prématurément. Une vidéo publiée par l’association Peta corrobore ces informations : l’enfermement des animaux les entraîne dans la folie.
Savoir, c’est choisir. Choisir, c’est renoncer.
Comme toujours, en plus du boycott, des alternatives existent. D’ailleurs, les experts soulignent que la qualité du café produit à partir d’excréments ramassés dans la nature est supérieure. Libres, les animaux ne choisissent que les meilleurs grains et restent en bonne santé. Face à la polémique, de nombreux magasins à travers le monde ont retiré le produit de leurs rayons. De plus, des producteurs locaux tiennent à conserver une bonne image du secteur en défendant les techniques originelles, respectueuses de l’animal.
Malgré l’engagement de certains producteurs souhaitant faire barrage à ces dérives, il faut malheureusement faire attention aux charlatans, met en garde National Geographic. La revue renvoie à des certifications qui excluent en principe toutes formes d’exploitation animale. Elle évoque notamment la certification proposée par le Sustainable Agriculture Network. Un responsable au sein de l’ONG américaine Rainforest Alliance invite cependant à beaucoup de prudence : « Mon conseil personnel, c’est d’éviter ce type de café. Il est produit en majorité par l’enfermement des luwaks ». Nous voilà informés.
Photo : surtr – Flickr: luwak (civet cat) CC BY-SA 2.0
Sources : nationalgeographic.com / slate.fr / vivredemain.fr