Vinci, la multinationale chargée de construire l’aéroport de Notre Dame des Landes, vient de sortir une vidéo à peine croyable où se mêlent peur, capitalisme, constats alarmants et propagande croissanciste. Le clip est à lui seul symptomatique de la croyance qui gangrène la société : on va sauver le monde en faisant toujours plus.

Un modèle de réussite

Vinci, c’est un peu la « World Company » de la construction. Créé en 1899 et installé dans 100 pays, le groupe compte aujourd’hui 63000 travailleurs et plus de 1500 entreprises. Comment ne pas trembler des doigts en écrivant ces lignes face à une multinationale championne du CAC40 ?

Vinci s’est fait connaître du grand public « grâce » au cas de la première ZAD d’importance nationale : l’aéroport de Notre Dame des Landes. En 2013, le journaliste Nicolas de la Casinière signait une enquête et un livre sur le fameux groupe : les prédateurs du béton. L’auteur dénonce notamment le coté Greenwashing de l’entreprise qui accumulerait tout ce qui caractérise un capitalisme agressif et de connivence. Trois ONG (Sherpa, Russie-Libertés et Bankwatch network) ont même déposé une plainte en France pour « corruption d’agents publics étrangers » contre Vinci, soupçonnant le géant du BTC d’un appel d’offres truqué sur fond avec la complicité des politiques.

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Au delà de la polémique, Vinci, en tant que multinationale tentaculaire cotée en bourse, c’est surtout un objectif clair, faire de la Croissance à tout prix, toujours et encore plus de Croissance. Son business : les stationnements à péage, des autoroutes, des ponts payants et surtout des aéroports. Il faut faire plus, voyager plus, construire plus, si possible, avec une touche de Vert. Et c’est là qu’on entre dans le monde magique des paradoxes d’un discours aux allures de confusionnisme.

Confusion, angoisse, promotion

La vidéo suit les codes habituels du neuromarketing. Sur fond de musique angoissante digne d’un JT sur TF1, les chiffres se succèdent à vive allure. On se prend en plein visage des vérités alarmantes hurlées depuis longtemps par les scientifiques dans l’indifférence des multinationales : les stocks de métaux s’épuisent dangereusement, la température augmente dangereusement sur terre, il y a de plus en plus d’humains, les villes envahiront le monde demain, la consommation d’énergie augmente ! Au secours ! Aux abois, le spectateur n’a aucune envie, une solution, un sauveur… Et c’est là que Vinci arrive, triomphant. La solution, c’est l’investissement, la croissance.

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Ce clip, principalement destiné à des investisseurs, affirme, non sans subtilité, que c’est par plus de croissance (notamment du nombre d’aéroports) que les multinationales vont sauver le monde. De quoi mener quelqu’un à penser que pour tout changer, il ne faut rien changer, il faut conserver le même modèle, en pire. Les futures générations se souviendront probablement de l’hypocrisie de nos grosses sociétés alors qu’il est aujourd’hui possible d’observer dans un même clip, le constat d’une profonde perturbation du climat et une publicité pour l’expansion urbanistique, le tout signé par un constructeur d’autoroutes et d’aéroports.

La fuite en avant

On ne doute évidemment pas que les multinationales comme Vinci ont également des programmes de type écologique. Même Mcdonald veut se mettre au vert. On ne doute pas plus que l’avenir doit également se construire à l’aide d’innovations. Ce que de plus en plus de chercheurs, d’observateurs, de sociologues et de citoyens dénoncent, c’est cette volonté d’aller plus loin dans le « toujours plus » alors que c’est ce modèle d’expansion économique basé sur une croissance infinie qui est obsolète. Construire des milliers d’aéroports, d’autoroutes et de parkings ne sauvera pas le monde. Au contraire, il le précipite vers le fond. Les multinationales comme Vinci comprennent probablement qu’elles n’ont pas leur place dans un avenir serein tant que leur objectif est de croître à tout prix, au détriment du vivant, comme une gangrène qui ronge lentement un organisme.

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* Attention, le mot « schizophrène » est employé ici à titre symbolique. Cette maladie est complexe et n’est pas synonyme de folie. Voir notre article sur le sujet.


Source : Reporterre.net

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