Alors que Total indique vouloir « intégrer le climat à [sa] stratégie », 350.org et l’Observatoire des multinationales publient cette semaine un rapport dans lequel ils analysent ce discours en « trompe l’œil ». Pour dénoncer la supercherie, la campagne a été lancée de manière symbolique ce vendredi 13 janvier devant le Musée du Louvre, une institution culturelle bénéficiant d’aides financières du géant de l’énergie Total…
Dans un dossier de plus de 30 pages, 350.org et L’observatoire des multinationales analysent les propositions de Total, qui, sous pression, a annoncé vouloir mieux prendre en compte la protection de l’environnement en dépit du développement continu de ses activités fossiles. Les auteurs du rapport estiment que Total emploie un discours trompeur. De surcroît, la multinationale tente de polir son image dans la sphère publique en tissant des partenariats et en soutenant financièrement divers organismes – notamment culturels – comme le Musée du Louvre. Pour Nicolas Haeringer, porte parole de 350.org « il n’est plus acceptable, d’un point de vue éthique, d’entretenir des liens avec l’industrie fossile ».
Le double jeu de Total
Le rapport critique de la stratégie climat de Total intitulé Total : une stratégie Climat en Trompe l’œil montre que les bonnes intentions affichées de Total ne sont pas suivie d’une politique cohérente et volontaire. Le discours arrondi cache d’autres intentions basiquement pécuniaires. 350.org et l’Observatoire des multinationales considèrent que la politique que Total compte mettre en place n’est « pas à la hauteur face aux exigences de la crise climatique », qu’elle ne laisse pas entrevoir une « inflexion de la politique » menée jusque ici. Par ailleurs, la multinationale de l’énergie « se caractérise par un grand nombre d’omissions ou de présentations trompeuses des enjeux qui font douter de la sincérité de tout l’exercice« . En outre, le rapport pointe la poursuite d’investissements massifs pour le développement des énergies fossiles, notamment dans des régions sensibles comme l’Arctique.
D’autre part, le rapport dénonce les partenariats que Total tisse avec les institutions culturelles et demande à ce que les Conseils d’administration des musées concernés mettent un terme aux relations qu’ils entretiennent avec l’ensemble du secteur des énergies fossiles. Le Louvre, pris pour cible dans le cas présent, n’est pas le seul musée à avoir bénéficié de l’argent de Total et sa fondation. À la liste des institutions culturelles concernées, on peut également ajouter le Centre Pompidou, le Palais de Tokyo, le Château de Fontainebleau, le Musée du Quai Branly, l’Opéra de Paris, et le festival d’Avignon. Total s’immisce dans bien d’autres domaines : celui de la recherche scientifique, des associations humanitaires ou des fondations pour la santé. La multinationales est même présente au sein des collectivités territoriales. Pour Total, cette omni-présence dans des projets sociaux, économiques et environnementaux est une stratégie pour se construire une image positive et poursuivre ses activités industrielles polluantes avec l’aval de la population et institutions.
Mettre un terme à la coopération avec les industries fossiles
Comme le rappelle Clémence Jeanne Dubois, chargée de campagne Zéro fossile chez 350.org, l’emprise systématique d’entreprises comme Total dans les institutions représente un danger pour la société : les partenariats de Total lui « permettent […] de construire une image positive, verte et responsable tant socialement que climatiquement. Total a besoin de construire une telle image pour rendre ses activités polluantes et destructrices du climat socialement acceptables ». Contre l’influence que peuvent avoir les multinationales des énergies fossiles au sein même de la société, une résistance citoyenne est plus que nécessaire. De cette manière, une pression devrait être exercée sur ces institutions comme le Musée du Louvre qui continuent à coopérer avec les entreprises du secteur en fermant les yeux sur leurs activités. Précédemment, une campagne de sensibilisation similaire menée au Royaume-Uni sous le slogan « Art not Oil » avait permis de mettre un terme à six partenariats liant l’industrie pétrolière à des institutions culturelles. Qu’attend-on en France pour suivre le mouvement ?
Pour rappel, 350.org et le mouvement zéro fossile « cherchent à mettre fin aux structures ainsi qu’aux politiques financières et culturelles qui sont à l’origine du changement climatique. » L’année passée, l’organisation soutenait la mise à l’arrêt pendant quelques heures de sites d’extraction d’énergies fossiles, comme en Allemagne. Plus récemment, l’ONG s’est investie dans l’opposition active contre le projet de pipeline dans le Dakota. Une mobilisation qui fut à l’origine d’une victoire provisoire; le projet ayant été suspendu. Clémence Dubois souligne : « si les actions individuelles sont indispensables, au regard de l’urgence, il faut organiser un contre-pouvoir politique pour interpeller les institutions politiques ». En effet, comme le montre le rapport ci-dessus, Total use d’un discours trompeur tout en créant des rapports privilégiés avec les institutions publiques, faisant ainsi naître l’idée que la société ne peut se passer d’une telle entreprise qui participe pourtant à la destruction de notre environnement commun. Combien de temps encore la multinationale pourra se dorer le blason de cette manière ?
Source : gofossilfree.org