Le photojournaliste Lu Guang, arrêté selon les affirmations de son épouse dans la province du Xinjiang, en Chine, n’a pas donné de nouvelles depuis le 3 novembre dernier. Ses images critiques des industries chinoises avaient fait le tour du monde. Une information qui illustre une nouvelle fois la pression exercée sur les journalistes dans cette région du monde.


Le photojournaliste Lu Guang a disparu le mois dernier dans la province du Xinjiang, région de Chine à majorité musulmane dans laquelle les tensions sont vives entre les autorités communistes et la population Ouïghour. Mercredi 28 novembre, Xu Xiaoli, son épouse, a indiqué à l’Agence France-Pesse (AFP) être sans nouvelle de son mari depuis le 3 novembre dernier, faisant planer des inquiétudes quant à son sort. Selon elle, aucun motif pouvant expliquer son arrestation ne lui a été communiqué à ce jourD’après l’AFP, l’ambassade des États-Unis à Pékin a indiqué dans un communiqué être « vivement préoccupée par les informations faisant état de la détention du photojournaliste Lu Guang par les services de sécurité chinois ».

Portrait de Lu Guang en reportage

Selon le classement de Reporters Sans Frontières, en dépit de son entrée fracassante dans la consommation de masse, la Chine reste l’un des pays les plus en retard en ce qui concerne la liberté de presse, puisqu’elle n’est classée qu’au 176e rang. Dans ce pays, « Les médias publics et privés chinois sont placés sous un contrôle étroit du Parti communiste, alors que l’administration multiplie les obstacles au travail de terrain des correspondants étrangers. Plus de 50 journalistes et blogueurs sont toujours derrière les barreaux, dans des conditions qui laissent craindre pour leur vie », nous apprend l’ONG.

Lu Guang avait été récompensé à plusieurs reprises pour ses travaux portant sur les évolutions de la société chinoise d’un point de vue social, environnemental et économique. Ses reportages qui exposent les pollutions et les destructions du pays en raison de son développement économique mettent en lumière des aspects de la croissance de la Chine généralement sous-médiatisés dans le pays. Le photojournaliste a notamment reçu trois prix World Press Photo ainsi que le prix de photojournalisme Henri Nannen. Peut-être sans le savoir, avez-vous probablement déjà vu au moins une de ses photographies.

Photographie : Lu Guang
Photographie : Lu Guang. Travailleur dans une usine de Xintang Town, Guangdong.
Photographie : Lu Guang.
Photographie : Lu Guang. Une femme porte un enfant malade, priant l’aide du ciel.

Le Xinjiang, une région sous tension

Dans un reportage publié sur notre site en septembre 2017, Natacha de Mahieu, qui s’est rendue au Xinjiang, nous décrivait la politique d’assimilation mise en place par la Chine dans cette région qui se trouve à l’extrême ouest du pays : « Rattaché à la Chine depuis un demi-siècle à peine, le Xinjiang est quasiment indispensable pour le développement économique et industriel du pays. Un programme de développement accéléré y a été instauré, à coup de techniques dignes de la colonisation pour renforcer l’influence chinoise et endiguer pour de bon les velléités d’indépendance des Ouïghours. Une grande partie de ce programme de colonisation consiste à pousser les Hans, l’ethnie majoritaire en Chine, à émigrer vers le Xinjiang. »

Dans le même temps, plusieurs témoignages et enquêtes suggèrent que la Chine mène une politique violente et répressive à l’égard des Ouïghours afin d’assimiler la population. La politique menée dans la région peut être comparée à un véritable génocide culturel. Cet été, les autorités ont notamment été accusées d’avoir mis en place d’importants camps d’internement pour les musulmans. Le pouvoir en place, qui a d’abord rejeté ces accusations, a ensuite reconnu officiellement l’existence de ces camps, indiquant qu’il s’agissait de simples « centres de formation professionnelle » dans l’objectif de « combattre l’extrémisme religieux ». Selon le prisme du pouvoir en place, ces camps s’inscrivent dans la lutte contre les attentats qui frappent régulièrement la région. L’arrestation de Lu Guang rallume les projecteurs sur le sort réservé à la population qui vit dans cette partie de la Chine.

Photographie : Lu Guang. Des enfants malades lèchent du lait en poudre servi sur leur lit.
Photographie : Lu Guang.
Photographie : Lu Guang. Une jeune sans abri tente de réchauffer ses mains.

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