Il fallait que ça arrive un jour, et ce sont sans surprise les États-Unis qui ouvrent le bal. C’est la première fois à l’échelle mondiale qu’un pays autorise la consommation directe d’un organisme animal génétiquement modifié. Lui, c’est le Frankenfish, une espèce de saumon transgénique qui vient d’être autorisée à la consommation par l’Homme.

Il était en développement depuis des années, le voici donc sur le marché américain. Ce jeudi 19 novembre 2015, l’agence étasunienne en charge de l’alimentation (FDA, Food and Drug Administration) a annoncé l’autorisation de commercialiser le saumon génétiquement modifié AquAdvantage. Il s’agit du premier animal transgénique autorisé au niveau mondial pour la consommation humaine. Un « super poisson » confectionné par l’entreprise AquaBounty dans l’objectif d’être consommé directement, sans intermédiaire de production, par l’Homme. Un choix très attendu par certaines filières industrielles, l’animal offrant des promesses de croissance exceptionnelles et ouvrant de nouvelles perspectives pour de futures modifications animales.

La modification génétique se porte sur le métabolisme de l’animal qui devrait atteindre sa taille adulte quatre fois plus vite, augmentant de manière non négligeable les rendements. Cette hyper-croissance, conséquence d’une modification du gène de l’hormone de croissance, ne se ferait cependant pas sans conséquence. Des membres du ministère canadien des Pêches et des Océans indiquent notamment que les poissons concernés souffriraient de dégâts collatéraux. Dans un communiqué, l’association Inf’OGM rapporte des problèmes immunitaires (comme une plus grande susceptibilité à souffrir de la bactérie Aeromonas salmonicida) et respiratoires pouvant écourter la durée de vie de l’animal et très probablement sa capacité à vivre normalement. Des éléments qui n’ont pas été pris en compte par la FDA qui a autorisé sa consommation.

Le risque de la dissémination génétique

Un risque plus grave réside dans l’hybridation entre les espèces génétiquement modifiées et celles présentes dans la nature. Une étude de l’Université Mémorial de Terre Neuve publiée en juin 2013 dans le Proceeedings of Royal Society, journal de recherche Londonien, a démontré que les croisements entre les saumons transgéniques d’AquaBounty et les truites brunes sauvages générait une nouvelle espèce hybride héritant du code génétique responsable de leur hyper-croissance. Résultat inattendu, les hybrides bénéficient d’une croissance encore plus rapide que son parent transgénique. On observe une augmentation de 2,1% de leur poids quotidiennement, induisant un comportement d’agressivité accru vis à vis de la nourriture disponible. De ce fait, ceux-ci empiètent sur les stocks de nourriture disponible, déséquilibrant la biodiversité. Si, en laboratoire, l’expérience démontre clairement le risque d’une dissémination sur les autres espèces, en ignore l’impact à long terme d’une telle hybridation dans la nature. 

De son côté, AquaBounty minimise les risques en rappelant que le taux normal d’hybridation en milieu naturel, entre ces deux espèces, dépasse rarement les 1% et que les saumons OGM produits sont toutes des femelles stérilisées. La société admet cependant (et les fans de Jurassic Park apprécieront) que la stérilisation ne fonctionne qu’à 99,8%. La vie trouve toujours un chemin, dit-on. Quel est donc le risque de dissémination dans la nature sur des millions de têtes potentiellement produites ? Rappelons qu’en 2014, AquaBounty écopait d’une amende provenant des autorités de Panama pour ses violations répétées des règles de sécurité environnementale et de régulation. Plusieurs poissons génétiquement modifiés auraient été « libérés » dans la nature suite à un accident de sécurité lié à une tempête.

G-M-Salmon-FDA-Genetically-Modified-FishImage : independent.co.uk

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Les associations américaines de protection du consommateur réfléchissent à toutes les options disponibles pour bloquer cette autorisation. Ils implorent le président Obama à s’opposer à la décision de la FDA afin que les saumons transgéniques n’investissent pas les assiettes et les california rolls. Plusieurs grandes chaines de supermarchés avaient annoncé leur refus de commercialiser le saumon OGM s’il était autorisé, ce qui est chose faite. Dès 2014, avant l’autorisation, la Californie faisait interdire la production de ces « transformés » dans tout l’État. Des dispositions fortes mais locales et limitées. Une nouvelle qui risque d’alimenter la liste des arguments en défaveur du traité transatlantique (TAFTA) qui vise à lisser les réglementations internationales du commerce en faveur de plus de libéralités.


Source : infogm.org / bastamag.net / ecowatch.com

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