Ce jeudi 24 janvier 2019, en contrebas du Parc Belleville du quartier Couronnes à Paris, un groupe de Mineurs Non Accompagnés (MNA) est rassemblé dans le parc. Un déjeuner est organisé tous les jours par les bénévoles du Collectif “Les Midis du MIE” pour ces adolescents qui se retrouvent à la rue suite à un refus d’accompagnement de l’Aide sociale à l’enfance. Distribution de nourriture, de vêtements, hébergement solidaire ou accompagnement dans les démarches administratives, les besoins de ces jeunes sont pourtant urgents.
Les mains dans les poches par ce grand froid, ils discutent en faisant la queue pour un repas chaud servi par des bénévoles du collectif “Les Midis du MIE”. Ce sont en majorité des jeunes garçons. Certains ont passé la nuit dehors. D’autres ont pu dormir au chaud comme dans un gymnase de la Croix-Rouge, dans une famille d’accueil ou un hôtel. Leur point commun : ils sont des adolescents arrivés seuls en France, appelés “Mineurs Non Accompagnés” et espèrent obtenir un accompagnement de l’Aide sociale à l’enfance. Cela dépend de l’évaluation de leur minorité par le DEMIE (Dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers) géré par la Croix-Rouge, situé non loin du Parc. Si évalués majeurs, ils se retrouvent immédiatement à la rue.
Selon le Ministère de la la Justice, 1717 Mineurs non Accompagnés ont été confiés par décisions judiciaires au niveau national sur le mois de janvier 2019. Un chiffre qui ne précise pas le nombre de demandes refusées par le DEMIE malgré la présentation de documents précisant leur âge selon Agathe. Pourtant, 123 signalements de jeunes refusés par le DEMIE qui se retrouvent à la rue ont été recensés par “Les midis du MIE” en janvier. Les associations et collectifs estiment qu’environ 400 jeunes sont à la rue en Ile de France.
“Je dors dans le parc en attendant de trouver une place pour dormir” raconte Mansso avec un français approximatif. Le jeune malien de 16 ans est arrivé en France depuis 2 mois. “Je suis arrivé seul en bateau depuis l’Espagne. Sur le chemin, je me suis fait des amis, mais je ne les vois plus depuis notre arrivée. Grâce au wifi, je peux parler avec ma famille”, poursuit-il. Depuis 2 mois, il prend des cours de français à la bibliothèque Couronnes. “Mon français, ça va mieux” s’exclame-t-il. Il laisse son numéro – au cas où – quelqu’un aurait un canapé ou un lit à lui prêter. Des habits chauds lui ont été donnés par Agathe, la fondatrice de ce collectif fondé il y a 2 ans et demi. Cette professeur vacataire a commencé par prêter main-forte sur les grands camps de migrants à Stalingrad et à Jaurès.
“Tous les jours, je me greffais sur des distributions de nourriture. Ma mission était de récupérer ces mineurs qui n’avaient rien à faire sur les campements pour les amener auprès du DEMIE. Imaginez, j’étais sur la ligne 2 avec une quinzaine de jeunes pour les emmener dans ce lieu. J’ai fait ça pendant des mois et des mois. Très rapidement, je me suis rendu compte qu’ils étaient tous refusés et je les retrouvais sur les campements”, déplore Agathe. Ils lui demandaient tout : une maison, un téléphone, du crédit, à manger. “À un moment donné, je me suis dit il fallait trouver un endroit pour faire quelque chose pour eux.” Ce collectif est né d’un appel lancé sur Facebook et ce groupe comporte aujourd’hui plus de 700 membres, dont 30 bénévoles très actifs.
Distribution de nourriture, de vêtements chauds et recherche de logements
Sur un banc, un peu plus à l’écart du groupe, deux jeunes filles, Mariam, originaire de Guinée et Abigael de la République Démocratique du Congo (RDC), discutent alors que deux bénévoles viennent leur proposer des vêtements chauds. Abigael essaye un long manteau, trop petit pour sa taille. Des petits savons et produits d’hygiène lui sont donnés qu’elle dépose soigneusement dans son sac à dos. “J’ai volé de l’argent pour venir. Je suis venue en France en passant par la Maroc en bateau pendant 5 jours de voyage. Avant mon arrivée, j’étais seule. Quand je viens ici à la distribution de repas, tout le monde me regarde sans doute parce que je suis une fille. Nous sommes peu nombreuses ici.” Reconnue non mineure par le DEMIE, cette jeune fille est logée au sein de nombreuses familles grâce à l’hébergement solidaire proposée par le collectif. “Tu restes dans une famille 2, 3 nuits, mais c’est toujours difficile de changer”, explique-t-elle. Mariam quant à elle, a fui son pays, car on voulait la marier de force à un homme qui avait déjà 6 femmes. Prise en charge par la Croix-Rouge, elle sera bientôt accueillie dans une famille d’accueil.
“Tu rencontres des jeunes qui te racontent leur histoire et tu es lié”
“Une amie de sa maman devait l’accompagner en France pour faire des études, mais cette dame l’a abandonnée au Maroc”, complète Morgane, une jeune bénévole depuis le mois d’octobre 2018 qui la connaît bien. Libraire, elle profite de ses matinées pour se rendre utile aux différentes actions du collectif ; organiser des maraudes afin de proposer de l’aide aux mineurs non accompagnés, les accompagner dans la recherche d’un logement et dans leurs démarches administratives et distribuer des repas et des vêtements. “Tu ne peux pas arriver chez toi et être détaché. Tu te retrouves dans une situation où tu rencontres des jeunes qui te racontent leur histoire et tu es lié. Et puis même ce sont de belles rencontres ! C’est dur, car il n’y a pas de solutions pour tout le monde”, raconte-t-elle.
Morgane s’est liée d’amitié avec Mariam, rencontrée devant le DEMIE il y a 2 semaines. Depuis, ils se retrouvent ensemble avec un autre jeune autour d’un verre pour discuter : “Ils t’apprennent aussi pleins de choses ! C’est terrible quand tu entends leur histoire et leur arrivée sur les zodiacs. Tu ne peux pas décider qu’ils ne sont pas mineurs et les remettre dehors. Tous ces jeunes que tu rencontres, soit ils n’avaient rien à bouffer, soit ils souhaitaient faire des études ou réaliser leur rêve. Nous aussi, quand on veut faire un voyage initiatique, on décide de partir dans une autre ville. On va même 6 mois en Australie pour certains.”
Depuis la création du collectif, des centaines d’enfants ont pu être hébergés et accompagnés. Quelques jours après ce déjeuner, on apprend qu’Abigael a rejoint un réseau. C’était son choix de la dernière chance, malgré une discussion avec une psychologue de l’association Médecins Sans Frontières (MSF) sollicitée par les bénévoles du collectif qui ont tout fait pour la retenir. Hélas, un homme est venu la chercher. Depuis son téléphone ne répond pas. Un signalement à la police a été fait. Un triste exemple qui atteste de l’urgence de la situation de ces jeunes vulnérables dans la capitale.
V.A.
Nos travaux sont gratuits et indépendants grâce à vous. Afin de perpétuer ce travail, soutenez-nous aujourd’hui par un simple thé ?☕