A quelques jours du premier tour des législatives, il est bon de rappeler le rôle de ces élections sur nos vies locales, nos institutions et surtout notre avenir, que ce soit par des prises de position politiques ambitieuses sur l’écologie ou par des efforts réalisés dans l’éducation. En effet, les conditions d’enseignement se détériorent à vue d’œil, alors que l’éducation des futures générations est d’autant plus complexe que nous leur léguons un monde en cours d’effondrement… Sans promettre une révolution immédiate ni totale de l’écologie sociale, changer de cap politique reste une étape clef pour stopper l’hémorragie des stratégies néolibérales, un outil supplémentaire contre la casse des services publics, les inégalités sociales et le déni climatique. Trois candidat.es LFI et REV de la Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et sociale) ont souhaité exprimer leurs points de vue. Eclairages sur leurs intentions.

Alors que l’élection présidentielle a laissé une nouvelle fois le déni des enjeux écologiques et sociaux l’emporter sur tout sens commun, trois personnalités politiques reviennent sur l’urgence de s’y consacrer : Leslie Mortreux (candidate Révolution Ecologique pour le Vivant – REV – de la 10ème circonscription du Nord), Sulyvan Ransquin (candidat LFI de la 2ème circonscription de l’Aisne) et Victoria Scampa (candidate LFI -suppléante de François Piquemal- de la 4ème circonscription de la Haute-Garonne) expliquent leur position.

S’opposer à la destruction de l’Education Nationale : un enjeu social décisif.

Si nous avons tous constaté la dégradation des services publics ces dernières décennies et son accélération sous le premier quinquennat Macron, V. Scampa et S. Ransquin la vivent concrètement au quotidien, respectivement en tant que professeure de philosophie au lycée et professeur remplaçant des écoles. Catégorie professionnelle déjà surreprésentée à l’Assemblée Nationale, elle vit la même transformation que tous les pans de la société selon les codes du projet néolibéral en cours : compétitif, inégalitaire, protecteur d’une élite au détriment de l’intérêt général.

Sulyvan Ransquin et Sarah Lempereur Source : https://www.facebook.com/legislatives0202/photos/?ref=page_internal 

Avec une majorité Nupes au palais Bourbon, ou du moins avec l’appui des deux candidat.es cité.es précédemment, les mesures suivantes seront -entre autres- défendues et possiblement votées par leur rassemblement : 

  • La reconstruction d’une école garantissant un socle commun à toutes et tous (quand on voit par exemple les heures de français et d’histoire diminuer pour les Bac pro). – V. Scampa.
  • Recrutement de professeur.e.s et baisse des effectifs à 19 par classe.
  • Gratuité réelle de l’école en fournissant du matériel (sans marque) aux élèves et “accès à une cantine gratuite et bio” – S. Ransquin.
  • Rattraper et dégeler le point d’indice des fonctionnaires – S. Ransquin, afin de revaloriser les salaires de l’enseignement, anormalement bas par rapport à ses voisins européens et au coût de la vie en France.

 

Dégradation des conditions de travail des enseignant.e.s

Plus qu’une question simplement financière, ce sont aussi les moyens et les conditions de travail du corps enseignant qui sont problématiques, notamment pour S. Ransquin qui se voit balader chaque jour d’une école à une autre en tant que remplaçant :

“concernant l’éducation du premier degré, des classes et des écoles ferment, des postes sont supprimés… Les remplaçants se font rares, tous déjà postés, positionnés pour remplacer des professeurs en arrêt ; bien souvent pour dépression/burn-out, des démissions, et même des suicides dans le pire des cas…”.

Le candidat de l’Aisne est par ailleurs choqué par la mise en place du speed-dating pour pallier le manque de personnel enseignant : “Enseigner est un métier, ça se prépare et non pas en 30 minutes ! Le nombre de candidats aux concours est même inférieur au nombre de places, pour dire l’attractivité du métier !”

Enfin, S. Ransquin désapprouve les effectifs en surnombre dans les classes, ce qui dessert énormément l’attention portée aux élèves en difficulté ou encore aux élèves en situation de handicap, dont les accompagnants manquent cruellement et sont payés en dessous du seuil de pauvreté… Alors que le programme de la Nupes prévoit de recruter, former et titulariser un accompagnant par élève en situation de handicap, mettant alors fin aux contrats précaires.

 

L’école, lieu de formation des esprits

L.Mortreux et V. Scampa s’accordent sur un point essentiel : le système installe les individus dans des logiques de compétition, apprises et normalisées dès le plus jeune âge à l’école.

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Pour Victoria Scampa, l’Education Nationale n’est qu’une “machine à faire des bachelier.es qui pourront ensuite pointer à Pôle Emploi”. La candidate suppléante ne souhaite pas appliquer un programme mécaniquement, mais d’abord repenser la philosophie de l’école et son rôle dans la démocratie de notre pays : « comment éduque-t-on les citoyen.nes de demain ?” interroge-t-elle. 

Victoria Scampa et François Piquemal – Rencontre avec des acteur.ices de la culture à Toulouse @VictoriaScampa

La première étape vers cet idéal d’un système éducatif encourageant la coopération, la solidarité et la responsabilité citoyenne, c’est d’abord la déconstruction des logiques modernes d’individualisme dans l’adversité. Les discours actuels ont en effet imposé le sacre de l’autoréalisation et de la responsabilité de sa propre réussite ou échec, donc de la culpabilisation de soi et de l’impunité du système et de l’Etat dans la multiplication des individus entraînés dans la misère sociale, psychologique et économique.

En qualifiant l’école de « Machine », V. Scampa ne choisit pas ses mots au hasard : la vision néolibérale est celle d’une société mécanique, dont les membres ne sont pas des êtres sensibles mais d’abord des sujets, censés nourrir le fonctionnement de la machine capitaliste, prioritaire sur le sort réservé aux individus. En somme, nous accordons moins d’importance à l’intérêt collectif qu’au maintien d’un système de plus en plus oppressif à mesure qu’il se rouille.

Scampa souhaite également “garantir la mixité sociale dans chaque classe et sur le court terme”. Elle justifie cette projection temporaire par le constat d’une anomalie : “la mixité sociale n’est une solution que pour une société où il existe encore des gens précarisés, exploités, exclus.”

Victoria Scampa : Rencontre le 11 mars avec des femmes qui font du sport à Bagatelle Faourette, en non mixité, avec des horaires adaptés aux mamans, auprès de la championne de boxe Anissa Benyoub (groupe « Les lionnes »). »

La vision portée par la haut-garonnaise se veut claire : les candidat.es de gauche, souligne-t-elle, s’inscrivent dans une volonté profonde de construire un autre monde, et non pour occuper un poste confortable à l’Assemblée. La suppléante ajoute qu’elle exprime par ailleurs déjà son engagement au quotidien, notamment à travers son association de soutien scolaire à domicile ou son opposition de terrain à la réforme destructrice du lycée en 2019.  

Enfin, le féminisme fait aussi partie des principales préoccupations de Victoria Scampa, pour qui il faut “créer urgemment des maisons d’accueil pour les femmes victimes de violences”, mais aussi réformer une justice encore largement défavorable aux paroles des victimes, ou encore déconstruire les préjugés de genre en passant une nouvelle fois par l’Education Nationale.

 

Plus que 1028 jours

Belles promesses, inaction,  greenwashing, mépris de classe, déshumanisation des foyers précaires, à la fois privés d’accès au pouvoir d’achat et aux modes de vies plus écologiques… : la réélection de Macron était l’un des scénarios catastrophes pour le climat et la dignité sociale.

Le président reconduit par une minorité de français est en effet réservé à la bourgeoisie dont l’illusion consiste à surconsommer des produits eco-friendly en dévouement à un capitalisme vert profondément mortifère. Si l’on se projette en 2050, quand il fera 50 degrés à Paris, on pourra très sereinement juger le double quinquennat de Macron comme un des responsables historiques de l’inaction fatale face à la crise climatique.

1028 jours – un peu moins maintenant – pour agir selon le dernier rapport du GIEC, comme le rappelle Alizée, l’activiste ayant interrompu un match de Roland-Garros pendant quelques minutes. L’action d’une seule personne a eu plus de répercussions médiatiques qu’une quelconque manifestation pour le climat, ce qui donne à réfléchir sur nos moyens d’agir. 

 

Ces législatives résonnent ainsi comme une occasion supplémentaire de sinon contrer, au moins ralentir, la concrétisation du scénario du pire dont les adeptes sont déterminés à mener de bout en bout. Une chance supplémentaire pour l’écologie sociale de bâtir en faveur d’un avenir serein pour les jeunes générations.

Et si l’urgence climatique impose des prises de décisions immédiates et radicales, la Nupes anticipe déjà les conséquences de la crise climatique pour les générations futures, en proposant notamment de “faire de l’école le levier de la bifurcation écologique (dès la maternelle)” comme le rappelle S. Ransquin.

Après avoir dévasté la nature selon des intérêts court-termistes, penser d’ores et déjà à la société dans laquelle vivront les nouveaux nés se veut contraster avec les habitudes du néolibéralisme et confirme la politique de rupture dans laquelle se sont engagés les partis de gauche dans cette union.

 

Les antispécistes à l’Assemblée ?

La Nupes est parfois associée aux principaux partis de gauche, mais un parti de l’écologie radicale est parvenu à s’immiscer parmi les potentiels futur.es député.es de l’union populaire : Révolution Écologique pour le Vivant (REV), le parti d’Aymeric Caron. Des député.es antispécistes à l’Assemblée Nationale, même minoritaires, ont ainsi été considérés comme une des pièces indispensables aux débats pour le respect de la nature et du Vivant. L. Mortreux fait partie des candidat.es REV investis par la Nupes, et son constat sur l’urgence écologique va en ce sens :

Nombre de projets écologistes soutenus ici et là ne s’attaquent qu’aux symptômes d’une activité humaine déraisonnée. Les enjeux sont nombreux _ pénurie de pétrole, de sable, répartition de l’eau, ravage des sols, effondrement de la biodiversité et tant d’autres _ qui ne sauraient se résoudre qu’à une lutte contre le changement climatique, conséquence grave, mais conséquence tout de même d’une activité humaine dont le fondement est la conversion de capital naturel en déchets. Ainsi, nous souhaitons porter et défendre la règle verte, règle qui soutient que nous, en tant qu’humains, ne pouvons prélever plus à la nature que ce qu’elle est en mesure de renouveler.”

L’antispécisme est une des clefs de compréhension de cette règle verte, rappelant que le Vivant n’est pas une marchandise à disposition de l’être humain tout-puissant, mais un égal cohabitant. « Les écolos/végans préfèrent donc les animaux aux humains ? »… La philosophie antispéciste est bien plus nuancée que ne le laissent paraître ses détracteurs : l’antispécisme revendique en réalité et concrètement « le choix de ne pas faire primer des intérêts secondaires humains – notamment par le refus d’une alimentation carnée – sur l’intérêt primaire d’un animal à ne pas être mutilé et égorgé » explique quant à lui le Parti Animaliste.

Etre doué d’empathie envers les animaux est au contraire, et à la fois, une reconnaissance d’humanité qu’il s’agit de revaloriser, loin de l’insensibilisation promue par notre modèle envers la biodiversité comme notre propre semblable. 

En tant qu’humains, nous avons la capacité de reconnaître l’animal tout en s’en différenciant effectivement. Mais cette conscience nous rend d’autant plus responsables de nos actes oppressifs que nous avons de fait la possibilité de choisir ce qui est éthique ou non, ainsi que la posture que nous voulons adopter dans le monde. Si c’était encore à prouver, L. Mortreux note la solidarité humaine qui anime les écologistes et antispécistes :

La solidarité se doit d’être un moteur qui, sans renverser l’individualisme, doit tenir une place centrale dans les relations humaines. Il est insoutenable que certains de nos concitoyens aient à lutter sans relâche sans la garantie d’une vie digne. Je pense aux personnes sans domicile, aux personnes sans papiers, aux parents seuls de familles nombreuses, aux professionnels de métiers pénibles et mal payés et à tant d’autres. Pour répondre à cette précarité, nous portons l’instauration d’une garantie d’autonomie pour que plus personne ne vive en dessous du seuil de pauvreté.”

La Nupes espère un renouvellement d’intérêt pour ces causes

Malgré les défauts de l’union de la gauche -surtout quand l’accord doit s’obtenir dans l’urgence-, la stratégie adoptée se veut davantage porteuse d’espoir que d’anomalies. Dans certaines circonscriptions, les électeurs.rices de la gauche radicale peuvent se retrouver face à un choix cornélien : voter pour un.e candidat.e de la social-démocratie investi.e par la Nupes ou un.e candidat.e dissident.e de divers gauches, potentiellement plus compatible avec le programme de la Nouvelle Union Populaire. Mais les candidats que nous avons interrogés semblent globalement enthousiastes vis-à-vis de cette union et de l’opportunité pour la gauche de (re)prendre le pouvoir aux forces capitalistes et nationalistes.

Pour V. Scampa, il existe bel et bien des désaccords importants au sein de la Nupes, mais la priorité -l’urgence même-, est celle de gouverner : On nous reproche toujours de ne pas s’allier… et quand on s’allie, on nous reproche ensuite les arrangements.”

Les désaccord peuvent être réglés à postériori : ces désaccords, rappelons-le, nous pouvons aussi les retrouver au sein même d’un parti ou mouvement. Et ces points demanderont à être débattus à l’Assemblée ou votés en référendum.” Surtout, la victoire de la gauche permettrait de “dégager” les représentants de la technocratie : Leslie Mortreux espère bien, par exemple, priver Gérald Darmanin de son siège de député. Se situe également au cœur des attentes la mise en place la VIème République, afin que les élus deviennent des représentants -du peuple et non d’une élite- plutôt que des dirigeants.

Leslie Mortreux au centre

Derrière les enjeux sociaux et écologiques, c’est un véritable tournant démocratique auquel nous pourrions assister -et participer- insistent les candidat.es.

Victoria Scampa, Sulyvan Ransquin et Leslie Mortreux, sont respectivement deux candidat.e.s et une suppléante de la Nupes souhaitant incarner cette gauche capable de réconcilier le peuple avec la politique, que ce soit par la mise en place d’une démocratie participative, ou par la défense active de l’intérêt général, de la justice sociale et de l’action écologique.

– Benjamin Remtoula

 

Photo de couverture NUPES Convention @Antoine Stouls/Flickr

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