Claude Turmes, député européen Les Verts au Luxembourg, était interviewé dernièrement par Alternatives économiques à l’issu de la publication de son ouvrage Transition énergétique: Une chance pour l’Europe dans lequel il relate le combat politique mené dans l’ombre pour la transition énergétique mais surtout contre les lobbies des énergies fossiles qui tentent par tous les moyens de la ralentir.

Au cœur des lobbies des énergies fossiles

Dans son ouvrage, Claude Turmes fait le récit de la lutte acharnée qui a lieu depuis une quinzaine d’années au sein de l’Union Européenne entre les défenseurs de la transition énergétique et les lobbies des énergies fossiles. Claude Turmes, vice-président du groupe Les Verts au Parlement européen jusqu’en 2014, est spécialiste des enjeux de la transition énergétique, des politiques climatiques et des énergies renouvelables. Il était le rapporteur de la directive sur les énergies renouvelables en 2008 et membre de la commission sur le  »diesel gate ». Depuis les années 2000 l’Union Européenne a œuvré un tournant dans la transition énergétique, notamment dans l’investissement dans les énergies renouvelables. Cependant, Claude Turmes dénonce le combat mené par les groupes énergétiques conventionnels qui se sont alliés pour contrer les directives européennes.

Avec la transition énergétique « le modèle économique des RWE, E.ON, Engie, EDF, Electrabel, Endesa et autres oligopoles traditionnels de l’électricité, s’est trouvé directement menacé. Ces groupes ont donc organisé la riposte« . Claude Turmes explique que les lobbies se sont mis en place à partir du 21 mai 2013 lorsque Gérard Mestrallet, alors patron d’Engie, a reçu à Bruxelles la veille du Conseil européen consacré à l’avenir de la politique énergétique, une dizaine d’autres leaders énergétiques. Le groupe lobbyiste, qui se fait appeler  »Groupe Magritte », s’est attaqué au niveau national aux gouvernements qui mettaient en œuvre la directive de 2009 sur l’obligation du rachat à tarif garanti, et au niveau européen, il a obtenu progressivement depuis 2016 l’abandon du tarif d’achat garanti pour les énergies renouvelables, remplacé par un système dans lequel les producteurs doivent vendre eux-mêmes leur électricité sur le marché. Ce nouveau système plus complexe, est difficile à gérer pour les PME et autres acteurs de moins grosse envergure, le tout au bénéfice des géants du secteur. Ironie ou cynisme, durant la même période, ces mêmes industriels faisaient patte blanche face aux décideurs lors de la COP21…

« La révolution douce de l’énergie » en Europe

Pourtant la transition énergétique avait bien commencé en Europe avec la directive 2009 et le fort investissement dans les énergies renouvelables. Cependant beaucoup des gros groupes énergétiques n’ont pas suivi la tendance. La transition est devenu problématique pour eux, car ceux-ci ont perpétué leurs investissements selon les estimations traditionnelles alors que la demande d’électricité ne progressait plus. Ceci aurait entraîné une « révolution douce » de l’énergie en Europe. Le marché se diversifiait, les citoyens avaient accès à des technologies décentralisées, et les coûts des énergies renouvelables devenaient de plus en plus compétitifs. Les citoyens et les collectivités locales se sont progressivement intéressés à ce mouvement.

Cette révolution est entraînée par une « véritable démocratisation du système énergétique » selon Claude Turmes. Le petit producteur local ou même des particuliers peuvent développer leur propre énergie chez eux dans leur jardin, maintenant, et cela effraie les oligopoles de l’énergie. « À peine 15% de l’activité d’EDF Energies Renouvelables est réalisée en France : tout est fait pour conserver le vieux nucléaire malgré les risques sanitaires et environnementaux. » La baisse des coûts des énergies solaires par cinq depuis dix ans, et la baisse des coûts de l’énergie éolienne et sous-marine ont permis cette transition.

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La transition énergétique : démocratisation, diversification et énergies renouvelables

Claude Trumes revendique « le droit, pour chaque citoyen européen, de produire sa propre énergie, de la consommer, de la stocker, de la revendre et de la partager ». C’est à dire, permettre aux citoyens de se libérer des monopoles énergétiques en démocratisant encore plus les solutions de productions énergétiques décentralisées. Les citoyens et les collectivités locales sont déjà des acteurs importants de cette transition énergétique. En Allemagne, 95% de la production d’énergies renouvelables provient d’investisseurs non traditionnels, dont des collectivités, des coopératives, des agriculteurs, des PME ou de simples citoyens.  »C’est l’une de mes principales batailles : construire une alliance entre les villes, le niveau local et les parlementaires européens. »

Pour rendre cette transition effective, il faudrait idéalement tenir compte des dispositions particulières et ressources de chaque région et agir en fonction pour restreindre l’impact environnemental (et énergies grises) des solutions à notre portée. Si on en croit le groupe d’experts négaWatt et son important rapport, l’Hexagone pourrait concrètement s’affranchir des énergies fossiles et même du nucléaire pour passer au 100% renouvelable vers 2050. Rappelons qu’en matière d’approvisionnement énergétique, l’Europe est toujours très dépendante de la Russie et du Moyen-Orient en ce qui concerne le gaz et le pétrole. Mais cette prise de liberté ne se fera pas sans grand courage politique, ce qui ne semble malheureusement pas être une priorité des récents gouvernements en France ou en Belgique. Pendant ce temps, la Suisse vient d’acter dans les urnes la « stratégie énergétique 2050«  articulée autour de 3 grands axes : une sortie progressive du nucléaire, la promotion des énergies renouvelables et le renforcement des économies d’énergie et de l’efficacité énergétique.

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Sources : Alternatives-économiques.fr / Réseau pour la transition énergétique / Paperjam / Transition énergétique: une change pour l’Europe, Claude Turmes, Editions Les Petits matins, 2017.

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