Symboles des zones de montagne, les glaciers n’ont cessé d’émerveiller les hommes à travers les siècles, comme la célèbre mer de glace à Chamonix. Source d’économie avec le tourisme, ils jouent un rôle clé dans la distribution de l’eau douce et la régulation des températures (en réfléchissant la lumière). Cependant, force est de constater que la santé des glaciers se détériore d’années en années, frappée par un virus qui s’appelle le dérèglement climatique… Le point.
« Ce monde en apparence lointain, extrême, est intimement lié à nos vies partout sur la planète. Si nous perdons ces boucliers blancs, une partie de la terre deviendra inhabitable » Hugo Clément, réalisateur du film Sur le front des glaciers.
Le recul inexorable des glaciers
Véritables phénomènes vivants, les glaciers bougent constamment et sont très sensibles aux changements du climat. C’est un fait avéré, la plupart des glaciers reculent à travers le monde. Son origine, elle aussi, ne fait plus de doute : le réchauffement climatique induit par les activités humaines (via la libération de gaz à effet de serre dans l’atmosphère). Les périodes estivales démarrent de plus en plus tôt, elles sont plus chaudes et plus longues qu’avant.
A l’échelle mondiale, 99% des glaciers sont impactés négativement, ils voient leur surface, leur épaisseur et leur masse diminuer. Leur taux de fonte a été largement sous-estimé par les prévisions scientifiques. En France et en Europe, la situation s’est accélérée depuis plusieurs décennies. Les mythiques glaciers de la vallée du Mont Blanc ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes, comme la Mer de glace qui perd en moyenne 30 m de long par an.
Les scientifiques estiment que les 4000 glaciers alpins auront perdu 90% de leur masse actuelle d’ici la fin du siècle.
Au pôle sud, des températures records allant jusqu’à 20 degrés Celsius ont été enregistrées en 2019. Des rivières atmosphériques transportant chaleur et humidité depuis les régions tempérées jusqu’aux pôles occasionnent la fonte des glaces de l’Antarctique et leur dislocation. L’eau s’accumule dans des lacs et crevasses et s’infiltre en profondeur. La fonte annuelle des glaces y est 4 fois plus rapide qu’il y a 40 ans, et la fonte hypothétique totale de l’Antarctique provoquerait une élévation globale de 57 mètres du niveau des mers.
Au Svalbard (archipel norvégien), des glaciers accélèrent vers l’océan, avançant à des vitesses extrêmes de plusieurs mètres voire dizaines de mètres par jour. La masse du glacier subissant cette avancée va ensuite fondre rapidement, le glacier pouvant ainsi perdre 80% de sa masse. C’est le phénomène de surge glaciaire, directement lié à l’augmentation des températures de l’océan et de l’air.
Le phénomène de réchauffement touche l’ensemble de la cryosphère (banquise, permafrost,…). Au nord l’Arctique se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde, des températures dépassant les 30°C ont été mesurées dans certaines régions en 2019. La banquise Arctique voit sa surface diminuer, elle devient plus fine et plus jeune. Les études scientifiques estiment qu’elle a perdu la moitié de son volume en une trentaine d’années. L’explorateur-aventurier suisse Mike Horn a récemment subi les changements extrêmes à l’œuvre en Arctique, lors d’une expédition périlleuse : températures positives en décembre, pluie, très faible épaisseur de glace, variations extrêmes de température, déclin des ours polaires,…
Le permafrost, quant à lui, est un sol dont la température reste en dessous de 0°C de façon durable ; il est présent notamment en Sibérie et dans la partie Arctique du Canada. Le début de la fonte du permafrost sur les îles Arctique du Canada a lieu 70 ans plus tôt par rapport aux prévisions du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).
Comme si cela ne suffisait pas, les activités humaines impactent également directement les glaciers. En Autriche, des travaux sont réalisés chaque année sur certains glaciers afin de préparer la saison de ski (voir photo ci-dessous). Un projet de nivellement du glacier du Pitztal est en cours afin de former de nouvelles pistes de ski.
Le transport maritime tire profit de la fonte des glaces et passe désormais par la route du Nord (Arctique), devenue un atout stratégique, commercial et géopolitique. De plus, rien ne semble arrêter l’augmentation du tourisme dans beaucoup de régions telles que la vallée de Chamonix en France, les montagnes de l’Himalaya, la chaîne d’Alaska, accentuant d’autant plus la dégradation des glaciers.
Des conséquences sociales, sanitaires et écologiques, pouvant être irréversibles
Les conséquences du recul des glaciers sont multiples, et affectent sur le court et moyen terme la sécurité des populations, l’accès à l’eau douce, la vie des animaux et des plantes qui en dépendent, et leur fonte contribue à l’augmentation du niveau des océans à l’échelle mondiale. Le réchauffement climatique fragilise la glace et le manteau neigeux, accentuant ainsi les risques d’avalanches : elles sont plus fréquentes, plus puissantes et se déclenchent plus tôt dans l’année. Au Pérou comme au Népal, les populations locales sont directement menacées. La fonte des glaciers dans ces pays entraîne la formation de lacs glaciaires importants, et leur rupture peut provoquer des inondations dévastatrices pour les villages en aval.
Le permafrost renferme des quantités très importantes de gaz à effet de serre (environ 1700 milliards de tonnes de CO2, soit le double de la quantité déjà présente dans l’atmosphère), ainsi que de nombreux micro-organismes (bactéries, virus). Le dégel de l’ensemble du permafrost ferait l’effet d’une bombe, à la fois sur le climat en libérant des quantités colossales de CO2 et CH4, ainsi que de possibles risques sanitaires en réactivant des bactéries et virus anciens (en 2016, la fonte a libéré la bactérie Anthrax, décimant 2300 rennes et un enfant).
Des solutions artificielles et paradoxalement énergivores sont actuellement mises en œuvre pour tenter d’enrayer le déclin des glaciers : Installation de bâches blanches pour protéger les glaciers contre les rayons du soleil et ralentir leur fonte (ex. à la grotte de la mer de glace) ;
Canons à neige de haute altitude, conçus par des chercheurs suisses, pour puiser l’eau de fonte d’un glacier et le recouvrir sous forme de neige, jouant alors le rôle de bouclier thermique et de « nourriture » pour les glaciers.
Cependant, force est de constater que ces solutions de court terme semblent bien dérisoires au vu du déclin rapide des glaciers. Seuls des décisions radicales des gouvernements au niveau mondial et un tournant dans nos modes de vie pourraient enrayer cette hémorragie.
Les glaciers jouent un rôle de climatiseur naturel de la planète, ils régulent indirectement le climat. Les activités humaines ont des conséquences directes ou indirectes sur ces glaciers via le réchauffement global. En fondant, les glaciers ne peuvent plus jouer leur rôle de bouclier naturel, aggravant d’autant plus le réchauffement de la planète et la survenue d’évènements extrêmes. On parle de rétroaction climatique. Les scientifiques estiment que les glaciers jouent un grand rôle dans l’emballement climatique déjà en marche.
« Leur avenir dépend de nous, et notre futur dépend des glaciers. Pour les préserver, il ne faut pas attendre qu’une technologie miraculeuse nous sauve ou que nos gouvernements prennent conscience des actions à mener, c’est à nous de réduire notre consommation d’énergies fossiles au plus vite, de façon efficace et globale. » Dr Heïdi Sevestre, glaciologue.
Olivier Rousselle, avec la participation de la glaciologue Heïdi Sevestre
Sources :
-Clément, Sur le front des glaciers, France Télévisions, 2020
-British Antarctic Survey, The Antarctic ice sheet and rising sea levels, 2019
-ESA, Zemp et al., World Glacier Monitoring Service, Nature, 2019
-Zekollari et al., Modelling the future evolution of glaciers in the European Alps under the EURO-CORDEX RCM ensemble, 2019
-G. Cogley, S. Kutuzov et al., Global glacier mass changes and their contributions to sea-level rise from 1961 to 2016, Nature, 2019
–A. Ballesteros-Canovas et al., Climate warming enhances snow avalanche risk in the Western Himalayas, Proceedings of the National Academic of Science, 2018
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