Nouvelle victoire scientifique pour l’agroécologie : introduire des légumineuses dans les systèmes agricoles améliore les rendements d’environ 20 % selon une récente étude publiée dans Nature communications. Sur la base de 462 expérimentations de terrain à travers 53 pays différents, soit près de 12 000 observations de rendement, l’équipe de chercheurs révèle les avantages indéniables des engrais verts, notamment pour les cultures africaines et biologiques. Capables de capter l’azote présent dans l’air et de le réinjecter dans le sol, le rendant alors disponible pour les cultures à venir, ces plantes agissent comme de véritables fertilisants naturels. Alors que les engrais chimiques continuent d’envahir nos champs et de polluer les cours d’eau, les légumineuses apparaissent comme une véritable alternative à un système mortifère. 

À elle seule, l’agriculture pèse pour 24% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Si le méthane relâché par nos élevages de ruminants en est le premier responsable, le protoxyde d’azote qui se répand dans l’atmosphère lors de l’épandage des engrais azotés n’est pas en reste. Avec un pouvoir réchauffant 310 fois supérieur à celui du CO2, il contribue même sérieusement à la hausse des températures. 

Un coût humain et environnemental considérable

Mais ce n’est pas tout. Les dégâts liés à l’utilisation massive de fertilisants de synthèse sont multiples : production de particules fines et acidification des forêts, des sols, des eaux souterraines et des écosystèmes aquatiques, sans compter les risques de maladies respiratoires pour l’humanité, de mortalité prématurée et de contamination de l’eau potable par les nitrates… 

Environ 130 millions de tonnes d’azote sont produites chaque année sous forme d’engrais. Photo : Pixabay

Il s’agit pourtant des engrais chimiques les plus répandus en France, avec 3,7 millions de tonnes utilisées chaque année. Et le reste du monde suit la cadence ! Environ 130 millions de tonnes d’azote sont produites chaque année sous forme d’engrais, alors que la moitié seulement sera réellement absorbée par les plantes.

Des alternatives existent (déjà)

Une autre voie est possible : celle de l’agroécologie. Derrière ce terme, une multitudes de solutions à explorer ou déjà mises en pratique pour faire rimer agriculture et environnement sain. Entre les pratiques d’agroforesterie, la rotation des cultures, l’agriculture biologique, les polycultures, la préservation d’un sol vivant ou la couverture végétale, les techniques se développent et se voient le plus souvent confirmées par la pratique et la recherche.

C’est encore une fois le cas concernant l’introduction des légumineuses dans les rotations culturale, soit une suite de cultures échelonnées au fil des années sur une même parcelle. Une équipe de chercheurs associant l’université agricole de Pékin en Chine, l’université d’Aarhus au Danemark, l’université d’Australie occidentale, l’université d’Aberdeen au Royaume-Uni et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) (France) ont récemment affirmé que leur introduction permettait une augmentation de 20 % en moyenne des rendements agricoles. 

Zhao, J., Chen, J., Beillouin, D. et al. Global systematic review with meta-analysis reveals yield advantage of legume-based rotations and its drivers. Nat Commun 13, 4926 (2022)

Les scientifiques ont synthétisé pas moins de 462 expérimentations de terrain, totalisant près de 12 000 observations de rendement à travers 53 pays, offrant ainsi une méta-analyse précieuse sur les solutions durables d’accroissement du rendements alimentaires.

Pour Damien Beillouin, chercheur au Cirad spécialisé en analyse de données agronomiques et co-auteur de l’étude, ces résultats sont évocateurs : « 91 % des observations analysées portaient sur les céréales : le riz, le blé ou encore le maïs. Pour ces cultures de rente, 20 % d’augmentation des rendements, c’est significatif. »  

Les légumineuses, solutions d’avenir

S’il est déjà admis qu’une forte biodiversité au sein des cultures s’accompagne de nombreux services écosystémiques, comme la résilience face aux maladies et aux parasites, ou encore l’amélioration de la fertilité des sols, l’utilisation de légumineuses au sein de ces systèmes diversifiés apparait désormais comme un outil certain d’amélioration des rendements des cultures principales. 

Zhao, J., Chen, J., Beillouin, D. et al. Global systematic review with meta-analysis reveals yield advantage of legume-based rotations and its drivers. Nat Commun 13, 4926 (2022)

Pois protéagineux, féverole, lupin, soja, lentille, pois chiche, luzerne, trèfle, niébé ou arachide… En plus de favoriser une alimentation saine et durable, les légumineuses sont de plus en plus recherchées par les agriculteurs pour leurs bénéfices agronomiques et environnementaux. Grâce à leur extraordinaire capacité à fixer l’azote de l’air en s’associant à une bactérie, elle enrichissent naturellement le sol pour les cultures qui suivront.

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Conséquence : en plus de ne pas avoir besoin d’engrais azotés pour les produire, elles fertilisent naturellement les autres cultures. « Les légumineuses contribuent donc à un modèle agricole durable et responsable en émettant peu de gaz à effet de serre », conclut le CIRAD.

Les terres africaines et biologiques particulièrement concernées

D’après les chercheurs, l’introduction des légumineuses est particulièrement judicieuse dans les systèmes agricoles à faibles intrants et à plus faibles rendements. « Par exemple, en Afrique, les rendements des cultures sont bien inférieurs au rendement atteignable, principalement en raison de la dégradation des terres et des faibles apports d’engrais azotés », expliquent les auteurs de l’étude. « Nos résultats confirment que l’introduction de légumineuses dans de tels systèmes de culture a amélioré significativement le rendement de la culture principale (43%), plus du double de celui de l’Amérique du Nord (19%), et plus de trois fois celui de l’Asie (12%) ». 

Une autre application importante concerne l’agriculture biologique. Comme le soulignent les chercheurs, « la conversion des terres cultivées actuelles en agriculture biologique nécessite l’inclusion de légumineuses pour améliorer la disponibilité de l’azote lorsqu’il y a un apport limité d’engrais organiques ou minéraux ».

Parcelle d’arachide à Ndiob (Sénégal). Au Sénégal, l’arachide (légumineuse) est généralement cultivé en rotation avec le mil ou le sorgho © R. Belmin, Cirad

Vers une agriculture durable

Pour l’équipe de scientifiques, ces résultats sont aussi l’occasion de prouver que l’inclusion des légumineuses dans la rotation des cultures peuvent conduire à une diminution des fertilisants azotés synthétiques sans mettre à mal les rendements agricoles. « Dans l’ensemble, nos résultats illustrent les rôles essentiels des légumineuses dans l’amélioration des rendements dans les systèmes agricoles à faibles intrants et à faible diversité, tout en suggérant également le potentiel de réduction des apports d’azote dans les systèmes de culture intensive à haut rendement ».

L’introduction des légumineuses dans nos champs apparait donc comme une opportunité cruciale pour améliorer la production agricole mondiale et faire progresser l’intensification durable de l’agriculture.

– L.A.

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