À l’image des cigarettes, le sucre a fait l’objet d’un vaste lobbying sur plusieurs générations pour en accroître la consommation, au prix de la santé de la population : « dans les années 1970, l’industrie mondiale du sucre a mis au point une stratégie délibérée de conquête, visant à inclure toujours plus de saccharose dans l’alimentation quotidienne mondiale et à en dissimuler sciemment les risques sanitaires ». Le documentaire « Sucre, doux mensonge » réalisé en 2015 par Michèle Hozer et qui peut être visionné sur le site d’Arte en ce moment, expose le combat des scientifiques pour dénoncer le travail de désinformation des industriels de l’agro-alimentaire.
Des études menées dans des lieux qui ne se sont ouverts à l’alimentation occidentale que récemment, comme l’île Okinawa au Japon (connue auparavant pour ses très nombreux centenaires), montrent le lien entre une alimentation saine et l’espérance de vie.
En la matière, cela fait longtemps que certains scientifiques pointent le sucre du doigt. Déjà il y a 30 ans, rappelle Judith Hallfrisch, une scientifique qui intervient dans le film, des études mettaient en garde. Mais depuis, les industriels « entretiennent l’ambiguïté » en abusant de la technique du doute, argumentant qu’il n’existe pas de « preuve irréfutable » contre cette substance. Ainsi, les fabricants de l’agro-alimentaire manipulent l’opinion, en décrédibilisant la recherche, tout en évitant d’argumenter sur les faits
scientifiquement établis.
Le docteur Cristin Kearns est dentiste, et elle a pu récupérer des archives de la Great Western Sugar Company, ancienne industrie sucrière du Colorado. Elle pointe un élément clé dans cette lutte : « Les débats, questions et recherches n’ont pas évolué depuis les années 1970 », preuve, selon elle, que l’industrie du sucre se bat pour laisser planer le doute sur les ravages du sucre, comme l’industrie du tabac a toujours nié les propriétés addictives de la nicotine et la causalité entre tabagisme et cancer du poumon.
Une mise en cause difficile
Pendant longtemps, il a été difficile de remettre en cause le sucre, qui est associé au plaisir de manger, à la convivialité et aux repas festifs. Comment exposer un élément dont une grande partie de la population ne peut se passer sans y perdre des plumes ? Mais ce temps semble révolu et laisse place à un bras de fer. En effet, malgré le discours bien rodé des industriels pour balayer les allégations peu flatteuses d’un revers de la main, se reposant sur la stratégie du doute, il existe désormais de nombreuses études qui font le lien entre la consommation excessive de sucre et le développement de certaines maladies, notamment l’obésité et les maladies cardiaques.
Ces 50 dernières années, les habitudes alimentaires ont profondément changé et la consommation quotidienne de sucre a explosé. Aussi bien en Europe qu’aux États-Unis, on dépasse largement les seuils de consommation recommandés, qui se situent entre 9 et 12 cuillères à café de sucre ajouté par jour. En moyenne, en Europe, on en consomme 17. Aux États-Unis, le chiffre grimpe à 19,5. Naturellement, tout se sucre se répartit dans différents produits de consommation, parfois même dans des produits hors de tout soupçon. Si bien que le sucre s’est transformé en un problème sanitaire aussi important que peu visible, « qui affecte le pays [USA] et le monde entier ».
Des consommateurs floués
Le problème n’est pas le sucre en tant que tel, mais son omniprésence dans de très nombreux plats cuisinés industriels, sous des appellations très diverses : saccharose, miel, sirop d’agave, sucre de canne… Souvent, le consommateur ne se rend même pas compte qu’il est exposé à ce condiment, même dans des produits salés. Habitués très jeunes à une consommation excessive de sucre, les enfants créent des addictions qui persistent à l’âge adulte.
Mais pour continuer à vendre, les industriels sont prêt à tout. N’ayant pas été découragés par les campagnes de prévention officielles pour rendre les habitudes alimentaires plus saines, les producteurs de plats transformés jouent aujourd’hui sur les mots, pour faire passer certains produits pour ce qu’ils ne sont pas. Il en est ainsi des jus de fruits qui, selon les publicités, permettraient de se nourrir sainement, tout en prenant du plaisir. Or, aujourd’hui on sait que ces boissons peuvent engendrer des prises de poids importantes et contiennent souvent plus de sucre que de fruit.
Désormais, des voix sont de plus en plus nombreuses s’élèvent pour alerter et faire prendre conscience des dangers que représente la consommation excessive de sucre. Le documentaire édifiant « Sucre, doux mensonge » en fait partie. Mais face à une industrie bien organisée, et à des habitudes alimentaires profondément ancrées dans nos têtes, le message peine à se faire entendre…
Le reportage peut être visionné dans son intégralité jusqu’au 30 août.
https://www.youtube.com/watch?v=wZR5_0c0BYc
Source : arte.tv
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