Une nouvelle étude alerte sur les risques de prématurité « effrayants » liés à l’exposition des phtalates. Ces perturbateurs endocriniens et métaboliques seraient responsables d’une naissance prématurée sur dix aux Etats-Unis. Utilisées pour assouplir certains plastiques ou améliorer l’odeur de produits cosmétiques, ces substances chimiques ont envahi notre environnement. Pour lutter contre un tel fléau sanitaire, les scientifiques réclament une limitation des usages.
Jouets, cosmétiques, peintures, emballages alimentaires ou encore châssis en PVC… Les phtalates ont littéralement envahis notre quotidien depuis quelques dizaines d’années. Ces produits chimiques utilisés à grande échelle au niveau industriel sont en effet relégués dans l’environnement et peuvent ainsi pénétrer le corps humain par ingestion, inhalation ou absorption cutanée. En 2014, une étude menée sur le continent américain suggérait déjà que 98% de la population totale des Etats-Unis étaient contaminées par des métabolites de phtalates DEHP et DiNP.
Une contamination à grande échelle
« Une fois dans le corps, les phtalates sont rapidement métabolisés et excrétés dans l’urine et les fèces, de sorte que la moitié des phtalates sont éliminés du corps en moins de 24h après y avoir pénétré », explique Dr Martin Juneau, cardiologue et directeur de l’Observatoire de la prévention de l’Institut de Cardiologie de Montréal.
« Malgré cette élimination rapide, la population est exposée en permanence aux phtalates puisque ces produits sont présents dans des produits de consommation utilisés pratiquement tous les jours ».
L’état actuel de la science reconnait les dangers d’une telle exposition. En effet, les phtalates sont des perturbateurs endocriniens et métaboliques avérés, associés à de nombreux risques pour la santé et en particulier chez les enfants. « Dans une analyse de l’ensemble des études sur l’impact de l’exposition aux phtalates sur la santé humaine, les auteurs ont trouvé des preuves solides d’associations défavorables pour le neuro-développement, la qualité du sperme, et le risque d’asthme chez l’enfant », détaille le médecin. Des associations entre l’exposition aux phtalates et l’incidence du diabète de type 2, l’endométriose, le TDAH, des cancers du sein et de l’utérus ont de plus été identifiés avec un niveau de preuve modéré.
Un risque de naissance prématuré dangereusement accru
Une nouvelle étude menée par le Dr Leonardo Trasande, du centre médical Langone de l’Université de New York, révèle l’effet des phtalates sur les risques d’une naissance prématurée. Pour mener à bien leur recherche, les scientifiques ont analysé le niveau de phtalates présent dans l’urine de plus de 5 000 femmes enceintes aux États-Unis. Les résultats laissent sans voix : les 10% de femmes présentant les taux les plus élevés de phtalates avaient un risque accru de 50% d’accouchement prématuré – défini par une gestation inférieure à 37 semaines – par rapport aux 10% avec les taux les plus faibles. Bien sûr, d’autres facteurs sont également responsables d’un accouchement prématuré, « comme l’âge de la mère, des soins prénatals inadéquats, un faible statut socio-économique et la pré-éclampsie », expliquent les auteurs de l’étude.
Pour autant, « une classe de produits chimiques synthétiques, comme les phtalates qui sont utilisés dans les produits de soins personnels et les emballages alimentaires, induisent non seulement une inflammation et un stress oxydatif mais sont aussi des perturbateurs endocriniens, avec divers degrés d’effets œstrogéniques et anti-androgènes », relève Dr Leonardo Trasande.
En extrapolant ces données à l’ensemble du pays, les chercheurs estiment que près de 56.600 naissances prématurées pourraient être liées à l’exposition aux phtalates en 2018, soit environ 10% des naissances prématurées cette année-là. Au vu de l’omniprésence de ces substances à travers le monde, les scientifiques estiment que 5 à 10% des naissances prématurées dans la plupart des autres pays pourraient également être liées aux phtalates.
La réglementation actuelle reste insuffisante
Conscients en partie des risques pour la santé générés par la présence de ces produits chimiques dans notre environnement, les autorités publiques tentent de réguler leur utilisation. « Par exemple, l’utilisation de certains phtalates dans les jouets destinés aux très jeunes enfants a été interdite, puisque ces derniers mâchouillent et sucent leurs jouets. Dans les produits cosmétiques, l’utilisation du DEHP, le phtalate le plus problématique pour la santé, est interdite en Europe et au Canada », détaille Dr Martin Juneau.
Malgré ces efforts, les industriels restent friands de ces composés à moindre coût et aux propriétés intéressantes. Ils n’hésitent dès lors pas à remplacer le DEHP par d’autres substances de la même classe, comme le DINP et le DIDP. À New-York, les scientifiques suggèrent que ces remplaçants s’avèrent parfois pires que la molécule originale et cumulent des effets « effrayants » : « les schémas d’association suggèrent que le remplacement du DEHP est à l’origine de l’augmentation des naissances prématurées. Cette découverte est très préoccupante car le DiNP et le DiDP remplacent le DEHP dans les emballages alimentaires », explique Dr Leonardo Trasande.
Limiter la propagation des phtalates pour contenir les risques
Pour éviter au maximum leur contamination, les chercheurs demandent que l’utilisation des phtalates soit soumise à une réglementation plus stricte. « Cette découverte met en lumière les conséquences néfastes de la substitution du DEHP par des phtalates chimiquement similaires et la nécessité de réglementer les produits chimiques ayant des propriétés analogues en tant que classe », reprend le principal auteur de l’étude.
En tant que consommateur, quelques mises en garde s’imposent : consommez autant que possible des aliments bruts et limiter au minimum la nourriture provenant de restaurants de type fast-food ; en cuisine, utilisez des ustensiles et des contenants en verre, porcelaine, acier inoxydable ou en bois plutôt qu’en plastique ; pour les autres produits de consommation comme les cosmétiques ou soins corporels (pâte dentifrice, shampoings, etc.), veillez à lire attentivement la liste des ingrédients ; enfin, de manière générale, privilégiez les produits naturels et qui contiennent peu d’ingrédients.
– Lou A.
Photo de couverture de Christian Bowen sur Unsplash