Comme en témoigne l’opposition citoyenne croissante face aux « grands projets inutiles », les projets d’infrastructure d’ampleur interrogent radicalement la société dans laquelle nous voulons vivre. C’est d’autant plus vrai dans un climat de crise écologique globale et d’endettement général des états. En suivant caméra à la main les opposants et les soutiens de trois grands projets, dont celui avorté de Notre-Dame-Des-Landes, Julien Milanesi et Sophie Metrich font dialoguer les regards à propos de l’intérêt général et du fonctionnement de la démocratie. Un parcours à découvrir dans le film « L’intérêt général et moi » sorti en salles en 2016 et aujourd’hui disponible en DVD. 

L’intérêt général, c’est ce qui transcende les intérêts particuliers pour profiter à la communauté dans son ensemble. La notion n’est pas immuable et change selon le temps et le lieux. Au sein d’un même pays, l’interprétation de ce qui représente l’intérêt général peut varier. Ces dernières années, constate Julien Milanesi, économiste et co-réalisateur du film-documentaire « L’intérêt général et moi », nous assistons à « une crise de l’intérêt général » qui ne serait qu’une manifestation « des conflits plus généraux au sein de la société », ce qui se traduit notamment par une multiplication des actions citoyennes contre les grands projets d’infrastructure jugés inutiles, trop couteux ou dangereux pour l’environnement (aéroports, autoroutes, lignes à grande vitesse).

De l’autoroute A65 à Notre-Dame-Des-Landes, « un film sur la démocratie »

Julien Milanesi s’était engagé auprès de collectifs et de citoyens contre l’un de ces « grands projets inutiles », l’autoroute A65. Après plusieurs années d’opposition, cette nouvelle construction a finalement vu le jour en dépit de la résistance. Il en reste tout de même une très belle expérimentation sociale collective. L’idée de ce film est née de ce combat associatif. Accompagné de Sophie Metrich, également impliquée dans la mobilisation contre l’A65, Julien Milanesi a voulu exposer « le processus de décision appliqué lors de la mise en œuvre des grands projets d’infrastructure » et les questions politiques complexes que ce processus soulève.

Pour ce faire, Sophie Metrich et Julien Milanesi nous entraînent depuis l’A65 jusqu’au projet de ligne à grande vitesse dans le Sud-Ouest (Bordeaux-Toulouse/Toulouse-Espagne) et Notre-Dame-des-Landes. « Sans entrer dans les détails techniques », ils interrogent pour chacun d’entre eux la notion d’intérêt général en donnant la parole aux différents acteurs impliqués.

Des représentations du monde qui s’opposent

Environnement, croissance, inégalités, technique… Les fractures entre les soutiens des grands projets et les opposants sont nombreuses. Pourtant, depuis l’A65 jusqu’à Notre-Dame-Des-Landes elles sont toujours sensiblement les mêmes et renvoient à des visions du monde profondément différentes. Les porteurs de projet sont généralement motivés par l’idée qu’il faut augmenter et intensifier les flux et/ou répondre à une demande croissante (par exemple, selon leurs prévisions le nombre de voyageurs aériens va augmenter de manière si importante qu’il faut de nouveaux aéroports), notamment avec l’objectif d’accroître la compétitivité face à d’autres métropoles. Les arguments en faveur de ces projets témoignent également de ce qui s’apparente à une « foi en la technologie », note Julien Milanesi ainsi qu’à un culte absolu envers la Croissance perpétuelle. Selon cette perspective, les progrès techniques seraient la principale source de solutions aux crises environnementales et sociales. Pas au goût de tous !

Les opposant, eux, dénoncent une fuite en avant technique et un aveuglement idéologique. « Au plus haut niveau personne ne s’interroge à propos de la conformité des grands projets avec les engagements climatiques » constate le co-réalisateur. Par ailleurs, nous explique t-il, « d’après les études qui ont été réalisées, les équipements du type aéroport ou lignes à grande vitesse ont pour conséquence de concentrer l’activité sur les grands pôle urbains, ce qui profite essentiellement à une population urbanisée, mais ne répond pas vraiment au besoin de lutter contre les inégalités territoriales ». Pourtant, l’urgence n’est-elle pas, afin de remédier aux inégalités, de développer l’offre de transports en commun au niveau local ?

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Pour répondre à ces questions fondamentales, et aider chacun à se faire sa propre idée à propos de l’intérêt général, le film fait dialoguer ces arguments qui semblent de plus en plus difficilement réconciliables. En effet, on observe une fracture de plus en plus manifeste entre certaines logiques technocratiques calquées sur le développement perpétuel d’infrastructures toujours plus énergivores et gourmandes en ressources, et des logiques d’objection de croissance portées par une base citoyenne mais aussi un nombre important d’économistes et de scientifiques. Alors, dans tout ça, où se situe la Raison ?


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