Le 10 juillet 2020, Loïc Schneider a été condamné à trois ans de prison ferme en réponse aux manifestations lors du sommet du G20 en 2017, à Hambourg, en Allemagne. Suite à son arrestation musclée en 2018, il a déjà été emprisonné pendant un an et quatre mois. Une période dont il garde des souvenirs empreints d’une amertume profonde, dans son esprit marqué probablement à vie par les séquelles d’un procès sans fin. Un nouveau jugement aura lieu dans un an et d’ici là, l’incertitude règne. Face à de nombreux chefs d’accusation qu’il estime farfelus et injustifiés, et un acharnement judiciaire de longue date, l’activiste garde pourtant la tête haute et ne renonce aucunement à son combat. Âgé de 24 ans, il n’en est pas à sa première lutte et certainement pas à sa dernière pour s’opposer à la destruction du vivant et se donner les chances de bâtir une société plus juste. Entretien avec Loïc, militant déterminé à se battre contre les injustices d’un système devenu fou.

Pour suivre les évènements liés au procès de Loïc et lire ses déclarations, rendez-vous sur le blog « La neige sur Hambourg ».

Mr Mondialisation : Tout d’abord, peux-tu nous parler un peu de toi, de ton parcours et des combats que tu mènes en tant qu’activiste ?

Loïc : Je viens de Nancy, dans le Nord-Est de la France. Je souhaitais devenir avocat en droit de l’environnement mais avant la fin de ma première année d’études, j’ai été arrêté par la DGSI suite à des attaques informatiques du collectif Anonymous pour lequel j’écrivais des textes et je réalisais des vidéos. Suite à mon procès, j’ai été sanctionné de manière à ne plus pouvoir exercer le métier d’avocat, ni même passer de concours. Après cet évènement, je me suis consacré à plusieurs types de luttes dont la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, le barrage de Sivens, des manifestations diverses… Je me suis ensuite dirigé vers des petits collectifs de permaculture et de maraîchage. C’est ce à quoi je m’adonnais avant de me faire arrêter en 2018.

Crédit photo : France Timmermans

Mr Mondialisation : Quelles étaient tes motivations lorsque tu t’es rendu aux manifestations anti-G20 ?

Loïc : Une de mes motivations personnelles prend ses racines à Bure, où j’ai commencé à me politiser. Lorsque j’ai entendu parler de cette histoire d’enfouissement des déchets nucléaires et d’une pétition signée par 50 000 personnes pour demander un référendum et qui au final, avait été complètement ignorée, ça m’a révolté. J’ai été révolté de voir le mépris qu’il peut y avoir au regard de l’impact sur la vie des populations locales. Je trouve que le G20 incarne vraiment le pouvoir centralisateur de quelques États riches qui décident de tout pour le reste du monde.

J’aime bien cette citation d’Albert Einstein : « On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré. ». Pour moi, ces sommets sont à l’origine de bien des problèmes et la solution à mes yeux est de revenir à des décisions et à des démocraties plus locales, afin que chaque personne puisse avoir un impact sur son territoire, sans se faire engloutir par les grandes puissances et les multinationales.

Mon autre motivation était basée sur le fait que ce G20 réunit les cinq plus gros trafiquants d’armes de la planète, responsables d’innombrables souffrances  : la France, la Russie, la Chine, l’Angleterre et les USA. D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps, un scandale a éclaté concernant la vente d’armes françaises à l’Arabie Saoudite qui les a utilisées contre le Yémen.

D’autre part, je trouve également que le G20 a donné lieu à une convergence des luttes de personnes de nationalités différentes qui partagent les mêmes problèmes. Il y a une aspiration générale à la révolte ou en tout cas, à ce que les choses changent… d’où l’intérêt de ne pas diviser nos forces par les frontières. Je suis optimiste car je trouve qu’il y a une prise de conscience de plus en plus générale vis à vis des oppressions du système et de la destruction de la nature. Même si de l’autre côté il y a une montée de l’extrême droite qui nous rapproche à nouveau de l’œuvre de Jack London « Le Talon de Fer » , ce roman qui développe une préfiguration de la société capitaliste poussée à sa forme extrême : le fascisme. J’ai écrit un texte où j’imaginais un G20 sans police, il est possible de le retrouver dans ma seconde déclaration que j’ai faite au tribunal. J’ai voulu en parler pour sortir du piège médiatique qui limite l’imaginaire des manifestations aux affrontements avec la police.

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Mr Mondialisation : Suite à ces manifestations, tu as subi une arrestation pour le moins musclée en 2018 et tu as été emprisonné en France pendant un mois avant d’être extradé en Allemagne pour y faire quinze mois de prison supplémentaires. Comment l’as tu vécu ?

Loïc : Ce que je trouvais dingue dans ce procès, c’est d’avoir été accusé de tout ce qui a pu se passer au cours d’une manifestation – dont de nombreux actes que je n’avais pas commis – et que cela ait légitimé une répression monstrueuse. En mai 2018, une perquisition a eu lieu chez mes parents mais je n’y étais pas, j’étais dans la forêt où je faisais pousser des légumes et j’ai continué ainsi pendant trois mois, décidant de ne pas me rendre à la police. J’avais écrit un texte intitulé « Je choisis la cavale », publié sur le blog de Mediapart, dans le but d’expliquer ma démarche qui résultait d’un profond acharnement à mon encontre.

Mr Mondialisation : Un acharnement ?

Loïc : J’ai eu plusieurs procès en France dont un où j’ai été relaxé par le principe « non bis in idem » (ne pas être jugé deux fois pour la même chose) suite a une attaque informatique après la mort de Rémi Fraisse. Mais le procureur n’a pas aimé la décision du juge de me relaxer, il a donc fait appel et je vais avoir une autre audience en octobre 2020. Il n’est pas possible de me recondamner car j’avais déjà eu un premier procès pour attaques informatiques en lien avec Bure et Rémi Fraisse en 2015 où j’ai eu 4 mois de prison avec sursis.

J’ai également été attaqué pour diffamation par un commandant de gendarmerie parce que j’avais dit qu’il m’avait étranglé lors de mon interpellation à Bure en février 2018 après avoir découpé les grilles de l’ANDRA avec une pince-monseigneur. Il y a une brochure « Sachez que je n’attends rien de votre institution » qui retranscrit les dialogues de cet autre procès. Le procureur de Bar-le-Duc voulait me donner 10 mois de prison dont 6 avec sursis mais le juge m’a donné 4 mois avec sursis. C’était étonnant car d’habitude ce juge avait toujours suivi les réquisitions du procureur contre les manifestants de Bure, mais il avait été touché par ma défense et il a même gardé mon recueil de poèmes à la fin du procès.

Deux semaines plus tard, j’apprends par la presse qu’il s’est pendu, il est mort. Nous n’en connaissons pas les raisons, je pense qu’il s’agit probablement de raisons familiales. Donc, le jour de cet autre procès pour diffamation à cause de ce que j’ai dit dans le précédent procès en affirmant que le commandant m’avait étranglé, j’avais prétendu avoir une vidéo de cette interpellation que je montrerai à la fin du procès où l’on voit l’étranglement. J’ai alors remarqué que le commandant était stressé le jour de l’audience et a dit quelque chose qu’il n’avait jamais dit auparavant lorsqu’il faisait ses rapports. Il a prétendu qu’il avait mis son bras autour de ma tête pour la protéger afin que celle-ci ne touche pas le sol. Le pire dans tout cela, c’est que j’ai tout de même été condamné pour diffamation

C’est pour toutes ces raisons que j’avais décidé de ne pas me montrer pendant trois mois lorsque j’étais recherché mais c’était difficile, en partie parce que je ne pouvais pas voir ma famille. C’est pourquoi j’ai décidé de retourner à Nancy pour mon anniversaire. Je voulais tout de même continuer à vivre ma vie, quitte à me faire arrêter, chose qui s’est produite. J’ai décrit en détails cette arrestation (entre autres) dans la première déclaration que j’ai faite au tribunal. [La retranscription de la déclaration de Loïc est disponible sur le site La neige sur Hambourg : « Je ne savais pas qu’un procès pouvait durer aussi longtemps »].

Mr Mondialisation : Le 10 juillet 2020, tu as été condamné à 3 ans de prison ferme, que cela signifie-t-il pour toi et que ressens-tu aujourd’hui au regard de ce jugement ?

Loïc : Ce qui est plutôt positif, c’est que je ne vais pas retourner en prison tout de suite, contrairement à ce que demandait le procureur. Il y a actuellement une procédure d’appel qui va durer environ un an. Pendant ce temps-là, je serai libre et non soumis à des contrôles judiciaires. Lors du procès suivant, si cette même peine est confirmée, je devrai retourner en prison pour huit mois. En Allemagne, lorsqu’on est condamné pour la première fois, seuls deux tiers de la peine sont à faire, sans oublier que j’ai déjà été emprisonné pendant un an et quatre mois avant le procès. En sachant que le procureur va également faire appel, il est aussi possible que j’aie une peine plus lourde. Ainsi, je sais que cette histoire n’est pas terminée même si je peux prendre un peu de temps pour moi pendant un an. Je souhaite trouver des collectifs de permaculture en Allemagne. Je sais qu’il y a ici une région, nommée « Wentland », qui est un endroit où des luttes ont pris place contre un projet d’enfouissement de déchets nucléaires, de la même manière qu’à Bure. Ces combats ont donné lieu à une semi-victoire, c’est-à-dire que les déchets resteront en surface et ne seront pas enterrés. C’est un endroit où de nombreux collectifs alternatifs se sont formés, découlant de vingt années de lutte.

Mr Mondialisation : Lors de ton procès à Hambourg, tu dis avoir été accusé d’actes dont tu n’étais pas responsable ?

Loïc : Le procès englobe plusieurs manifestations différentes. Durant celle qui a eu lieu à l’Elbchaussee, une rue bourgeoise se retrouvant dans l’un des quartiers les plus riches de Hambourg, il y a eu de nombreuses dégradations dont une dizaine de voitures incendiées. Les dégâts ont été chiffrés à un million d’euros. Je suis notamment accusé d’avoir jeté un pétard dans une banque, une accusation reposant sur la vidéo d’une personne cagoulée, méconnaissable. Le procureur a cependant affirmé qu’il s’agissait de moi, soutenant qu’il reconnaissait ma « manière de marcher ». Au tribunal, j’ai déclaré que je ne me prononcerai concernant cette accusation qu’à partir du moment où les accusations se limiteront à ce que j’aurai personnellement pu faire et n’engloberont pas toutes les voitures brûlées et autres dégâts qui ont été faits autour de moi. Cependant, ils n’ont toujours pas limité les accusations donc je n’ai toujours pas pu m’expliquer. D’ailleurs, dans les autres manifestations, il n’y a pas eu ce fait d’être accusé de tout ce qui a pu se passer au cours des évènements, ceci s’est passé seulement pour le quartier « riche ».

Mr Mondialisation : Qu’en est-il des autres accusations ?

Loïc : Durant toute l’après-midi, les policiers matraquaient les manifestants. À un moment donné, comme d’autres personnes, j’ai crié d’indignation lorsqu’un policier donnait des coups de matraque à quelqu’un qui était au sol. C’est alors que j’ai été gazé en plein visage. J’ai alors jeté des bouteilles de bière vers la police qui se trouvait devant moi, sans pour autant les atteindre.

Plus tard, une dame âgée s’est retrouvée bloquée avec son vélo entre les manifestants et la police qui dégainait le canon à eau. J’ai couru vers elle pour l’aider à aller sur le côté mais au moment d’arriver sur le trottoir, le canon à eau a été déclenché directement sur elle, un geste démesuré, sans raison apparente. J’ai alors jeté deux pierres sur le canon à eau.

[On peut voir les scènes dans l’interview ci-dessous qui montre des images de cette manifestation.]

Mr Mondialisation : Vous êtes cinq accusés dans ce procès ?

Loïc : Les quatre autres personnes qui sont également accusées viennent de Frankfurt et certains sont issus de la communauté kurde. Leur famille a demandé l’asile en Allemagne pour échapper à Erdogan en sachant que certains parents ont été torturés par le gouvernement turc. Erdogan était au G20 et des dizaines de milliers de Kurdes sont montés à Hambourg pour l’occasion. Deux années plus tard, il y aura l’assaut sur le Rojava… Eux sont seulement accusés d’avoir marché dans cette rue bourgeoise durant la manifestation. Ils n’ont rien fait et ont quand même été condamnés à de la prison avec sursis.

Mr Mondialisation : Qu’as-tu pensé du comportement de la presse que tu as pu observer à ton égard, en France comme en Allemagne ?

Loïc : En France, ce qui m’a terriblement étonné, c’est le vide médiatique vis-à-vis de ces sujets en sachant que ça a commencé avant les gilets jaunes et que donc il n’y avait pas tellement de sujets à traiter concernant la répression, les militants qui finissent en prison… Après le mandat d’arrêt et les perquisitions, seuls Mediapart et Basta ! ont publié des articles là-dessus. Dans les médias mainstream, il n’y a rien eu concernant mon arrestation, ni mes 16 mois en prison, ni le procès, ni la réquisition du procureur… Quelques articles ont vu le jour plus tard mais ils étaient complètement biaisés. C’est le cas du Figaro et Ouest France qui prétendaient qu’il y aurait eu un départ d’incendie à cause du pétard alors que la juge a elle-même bien précisé que cela n’avait pas été le cas grâce aux vidéos. C’est un point important car cela me permet de ne plus être en détention actuellement en attendant l’appel. Le procureur voulait me remettre en prison directement à la fin du procès car dans la construction du mandat d’arrêt européen, l’élément coché qui l’a justifié, c’était « incendie criminel ». Se permettre la formulation « il y aurait eu » après 70 journées d’audiences, 1 an et demi de procès

En Allemagne, avant et pendant le G20, les manifestations ont été énormément criminalisées. Le journal « Welt » a publié un article sur cet évènement, l’intitulant « La romantisation du terrorisme de gauche doit cesser » avec l’image d’une personne jetant une bouteille de bière sur un canon à eau. Pourtant, quelques semaines auparavant, un article sur les manifestations vénézuéliennes titrait « Elle est la plus belle protestataire du Venezuela » avec une l’image d’une femme jetant une pierre sur un policier. Comment un même fait peut-il être qualifié de terrorisme dans un cas et d’héroïsme dans un autre ? Comment les médias peuvent-ils se permettre de participer à une légitimation ou déligitimation de la révolte ? Ils sont un peu créateurs d’opinions en fin de compte, par le choix des mots, les éléments de langage etc.

Donc de base, il y avait déjà une volonté de criminaliser les manifestations du G20 et de faire en sorte qu’une protestation/contestation ne soit en aucun cas jugée favorablement si elle prend place à Hambourg. Ils le veulent bien quand c’est ailleurs mais ils ne l’acceptent pas quand c’est chez eux. C’était très difficile de constater ceci parce qu’ils essaient de construire un imaginaire complètement décalé. Cela m’a beaucoup choqué mais en fin de compte, c’est pareil en France, quand c’est la police qui est violente, on ne sera pas du tout dans une narration de compréhension vis-à-vis des manifestants blessés. Et au contraire, on est toujours dans une compréhension exagérée vis-à-vis de la police. C’est pour cette raison aussi que j’ai souhaité faire cette déclaration au tribunal, afin d’exposer comment j’avais vécu les évènements du G20, ce que j’ai vu. Un autre son de cloche que celui du procureur. Ce dernier a toujours une place privilégiée dans les médias pour raconter ce qu’il s’est passé alors qu’il n’était même pas présent.

Mr Mondialisation : Dans ton interview avec Le Media, tu parlais également de la surmédiatisation du cas d’un chauffeur qui était traumatisé après que la vitre de son bus ait été cassée par un passant ?

Loïc : Oui. Il y a une vidéo où l’on voit qu’au fur et à mesure que la manifestation avance, quelques manifestants saluent avec sympathie les personnes se trouvant dans le bus. A la fin, une personne isolée brise un peu une vitrine. Cela a donné lieu à toute une instrumentalisation du « traumatisme » du chauffeur alors que celui n’a pas été touché physiquement, il s’agissait-là d’un traumatisme visuel. A-t-on également parlé des personnes traumatisées d’avoir assisté à des violences policières, voire les avoir vécues ? Non, pas du tout. De nombreuses personnes ont été traumatisées au G20 par ces violences policières et personne n’en parle. Je veux bien que l’on parle de traumatismes mais à ce moment-là, il faut tous les inclure. Il n’y a pas d’équilibre, tout est complètement démesuré.

De mon côté je fais encore souvent des rêves où je me fais arrêter, voire tirer dessus par la police. Ce sont des traumatismes qui sont là depuis maintenant plus de deux ans et ça on en parle pas, tout le monde s’en fout. On ne parle pas des traumatismes que génère la prison sur la vie de quelqu’un.

Mr Mondialisation : Ce phénomène d’instrumentalisation d’un évènement isolé semble également récurrent lors des manifestations en France. En fin de compte, toutes ces choses qui te sont arrivées, le comportement de la police, celui de la justice, de la presse… Cela t’a-t-il découragé ?

Loïc : Au contraire, cela a renforcé mes convictions. Je n’ai pas vu de vertus d’un point de vue moral à cet acharnement contre moi, la relation que j’ai eu avec la justice était à travers la peur de la peine et rien d’autre. Il aurait fallu que j’adapte mon discours mais cette idée m’a déplu, je n’ai pas souhaité le faire. J’ai voulu continuer à dire ce que j’avais à dire. Toute cette répression ne m’a pas du tout calmé parce que je sais qu’il y a de nombreux problèmes et que l’état du monde ne cesse de s’aggraver. Il faut continuer de se battre. Il y a aussi d’autres manières pour lutter que d’aller dans les manifestations mais dans tous les cas, ces évènements ne m’ont pas du tout refroidi, au contraire.

On m’accuse de port d’arme, c’est délirant ! Alors que les participants du G20 sont les plus gros trafiquants d’armes. Ils ont un business qui tue des millions de personnes. En ce qui me concerne, je sais que je suis droit dans mes bottes par rapport à mes convictions et à ce que j’ai envie de faire. Je suis révolté de voir que la violence n’est pas du tout condamnée. Il n’y a eu aucun procès en lien avec les violences policières au G20, même celles qui sont illégales comme le fait de matraquer des personnes à la tête alors que c’est interdit. Ils parlent de violences, ils disent que ce n’est pas bien vis-à-vis de la police mais celle-ci connaît une totale impunité, de même que les trafiquants d’armes et ceux qui détruisent notre monde.

Ce qui me désespère terriblement, c’est qu’on en arrive à un point où on n’a même plus d’avenir. On est dans une société qui se veut pleine de progrès mais on n’arrive même pas à sauvegarder un futur vivable. Avant, il était possible de boire l’eau des rivières. Nous n’avons pas progressé, nous perdons la vie. Ce système voudrait du respect mais je n’ai pas envie de respecter ce type de société et j’espère tout faire pour qu’elle change le plus vite possible. Si nous allions uniquement vers l’effondrement de notre société industrielle capitaliste, le problème ne serait pas si grave. Mais ce système entraîne dans sa chute nos vies et celles des autres espèces.

Nous sommes aujourd’hui dans une nécessité d’agir le plus vite possible. Si les espaces sauvages sont plus purs que la vie civilisée, soyons sauvages. Le bétonnage, la déforestation, les projets d’enfouissement de déchets nucléaires doivent-être combattus. Il ne faut pas hésiter à occuper le terrain et faire face au désastre. Je rêve que bientôt, n’importe qui puisse obtenir gratuitement et sans taxe 1 hectare de terre et que chaque personne s’associe librement avec d’autres pour former des petites communautés. Chacun, y compris les dépossédés, aurait alors l’opportunité de découvrir l’abondance et le partage. Les plantes qui poussent offrent gratuitement leurs fruits et partagent des centaines de graines par un don désintéressé. Afin de démontrer que l’abondance est véritablement à portée de mains, j’avais écrit en prison un parchemin « La quête du fraisier » qui explique comment en 7 ans, à partir de 6 fraisiers, il est possible d’en avoir 118 millions.

Voici un poème que j’ai écrit en prison (repris en musique par le groupe Neotopia) :

« Gagner sa perte »

Tu as gagné ta vie mais as perdu la terre,

Tu as gagné ta vie aux labeurs d’autres frères,

Et de sœurs qu’on oublie, toutes ces femmes condamnées,

En ce qui les maquillent pour pouvoir exister.

Qu’il est pauvre le cœur des civilisations,

Qui ne bat qu’au labeur de ses exploitations,

Et toutes ces connaissances au prix des destructions,

Pour saisir l’évidence : nature est perfection.

Je veux boire l’eau des fleuves mais elle n’est plus potable

Et les agriculteurs sont devenus comptables,

Pendant que des idiots veulent irradier le sol,

Nucléaire fléau stoppant sa course folle.

Je ne peux plus le faire depuis là où je suis,

Mais chante à l’univers que se lèvent d’autres vies,

Pour sauver les forêts, libérer des espaces,

De ce joug du progrès qui progresse en l’impasse.

Soirée du 24 novembre 2018

Prison de Hambourg

Lien vers le recueil de poèmes

Mr Mondialisation :Ces combats auxquels tu prends part semblent tous converger vers un désir de justice sociale et environnementale. Comment selon toi, une personne lambda devrait-elle lutter dans un monde qui s’effondre ?

Loïc : J’aime beaucoup cette notion issue de l’anarchisme qui invite à ne pas donner son pouvoir à un représentant et d’agir au maximum là où l’on se trouve pour essayer d’enrayer la catastrophe, avec plus ou moins d’efficacité. Je pense que c’est vraiment très important de se rendre sur les lieux, comme c’était le cas par exemple à Notre-Dame-des-Landes, à Sivens et ça l’est encore à Bure, mais aussi partout où des multinationales détruisent les forêts par exemple. Je pense qu’il est important d’y aller physiquement et, avec nos corps, tenter de faire barrage à la destruction par tous les moyens possibles parce que souvent, les moyens classiques sont inefficaces. Je reprends ici l’exemple de Bure avec une pétition aux 50 000 signatures qui n’a pas été prise en considération… C’est pourquoi il est nécessaire d’occuper des lieux, de les déranger, de bloquer les machines, de saboter (comme l’a affirmé Erri de Luca vis à vis du projet de ligne TGV Lyon-Turin) etc.. Il faut avoir un impact concret pour endiguer la destruction orchestrée par la civilisation industrielle capitaliste. J’ai découvert récemment les éditions-libre, c’est une maison d’édition indépendante qui publie des ouvrages sur l’écologie radicale.

Propos recueillis par Elena M.

Libres de droit, les poèmes de Loïc peuvent être repris en chanson par des groupes ou artistes. Pour plus d’informations, vous pouvez le contacter à cette adresse mail : loiccitation@riseup.net

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