« Renouvellement des élus », « Rupture », « Reconnecter les élu.e.s avec les citoyen.ne.s », « Possibilité de révocation » : la France Insoumise souhaite refonder la politique française pour la rendre plus démocratique. Ne se satisfaisant pas de simples propositions, le mouvement s’est doté d’un processus de désignation de ses propres candidat.e.s aux législatives particulièrement original. Pas moins de 50 % des personnes présentes sur les listes proviennent de la société civile et n’ont jamais été encartées auparavant. Nous avons échangé avec deux candidates du mouvement, Lucie Kirchner et Manon Le Bretton, ainsi que Martine Billard, membre du comité électoral national de la France Insoumise.

Nos concitoyens ont besoin de pouvoir faire confiance à leurs élus, et pour cela de s’impliquer dans un processus entièrement transparent et ouvert : c’est le sens de notre démarche. Il s’agit enfin de reconnecter les élu.e.s avec les citoyen.ne.s et les problèmes qu’ils rencontrent au quotidien […]  – Manon Le Bretton

La France Insoumise se veut être un mouvement politique horizontal et ouvert. Sur la forme, elle se présente comme un rassemblement citoyen dont l’objet est d’articuler la candidature à la présidentielle de Jean-Luc Mélenchon avec celle des candidat.e.s aux législatives autour d’un même programme, l’Avenir en commun. De cette manière, explique Martine Billard, oratrice nationale de la France insoumise, animatrice du livret thématique Planification écologique et règle verte et membre du comité électoral national de la France Insoumise, il sera permis d’éviter le morcellement qui avait pu être observé lors des échéances électorales nationales précédentes, puisque le Front de gauche était un rassemblement de plusieurs partis avec des programmes distincts.

Sur le fond, l’Avenir en commun met l’urgence écologique au centre de sa vision et entend changer les rapports de force au sein de l’Union européenne, notamment par le « refus des traités tels qu’ils existent qui empêchent toute rupture avec les politiques d’austérité menées, avec les privatisations des services publics et le refus d’aides publiques rendant toute politique écologique impossible », explique Martine Billard.

La volonté de faire autrement est devenue un des moteurs du mouvement, qui souhaite une politique plus proche des citoyen.ne.s, et des élu.e.s beaucoup plus représentatifs de la population, dans toute sa diversité. À ce jour, dans le monde politique classique, moins de 3 % des député.e.s sont issus de la classe des ouvriers et des employés, et seul un député sur quatre est une femme. De plus, il est régulièrement reproché aux élu.e.s d’être éloignés des préoccupations de la population et de ne pas être représentatifs. La France Insoumise s’attaque directement à la question et y répond de manière positive en commençant par ses propres rangs.

Crédit Photo : Renaud Dumoulin

Lucie Kirchner (candidate de la 4ème circonscription de Charente Maritime) : « J’ai 26 ans, je suis enseignante, c’est ma première candidature à une élection politique. Je suis adhérente d’un parti politique et d’un syndicat. Mon binôme est adjoint au maire d’une petite commune, et n’est pas membre d’un parti politique. »

Manon Le Bretton (candidate de la 3ème circonscription de l’Aude.) : « J’ai 39 ans, je suis enseignante en collège à Castelnaudary (Aude), où j’exerce à plein temps, et j’habite dansun tout petit village, dont je suis conseillère municipale depuis 2014. »

Partie du constat que la Vè Rèpublique est institutionnellement essoufflée, ce qui nuit gravement au débat public de fond et détourne les citoyen.ne.s de la politique, la France Insoumise propose une rupture, nous expliquent les intéressées. Aussi, le mouvement dénonce, selon Lucie Kirchner, « la sclérose des institutions de la Ve, du pouvoir de la caste et de l’urgence qu’il y a à y mettre fin, pour des raisons démocratiques, écologiques et sociales » et entend lutter contre « la professionnalisation des politiques, [qui] est un fléau pour notre démocratie ». D’ailleurs si Jean-Luc Mélenchon est élu Président de la République, les « Insoumis » promettent la mise en place d’une nouvelle Constitution et d’une VIème République, marquant par là leur désir de traiter les problèmes à la racine et de renouveler en profondeur le fonctionnement institutionnel du pays.

Rompre avec un système verrouillé

Pour justifier leur démarche, les « Insoumis » mettent en avant leur volonté de mettre fin au système politique actuel, trop « verrouillé ». Manon Le Bretton dénonce ainsi un « phénomène d’entre soi et de clientélisme » dont serait touché la sphère politique et regrette que « le non-renouvellement des élus les incite bien souvent à perpétuer des usages qui entrent en contradiction avec les principes démocratiques ». Lucie Kirchner nous tient des propos similaires ; selon elle, il y a urgence à faire de la politique autrement, « pour des raisons démocratiques, écologiques et sociales ». « Les citoyens sont écœurés par les tambouilles électorales » ajoute Martine Billard, pour qui le changement dans l’offre politique est également une urgence.

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Nous préférons avoir des élu.e.s qui connaissent les mêmes conditions de vie que celles de tous nos concitoyens et qui donc auront à cœur de se battre pour le changement que des élu.e.s qui vivent dans leur bulle comme actuellement, au point pour certains d’oser trouver que les députés ne sont pas assez payés !              – Martine Billard

Lucie Kirchner et Manon Le Bretton ont fait leur début avec « La France Insoumise » en lançant de manière spontanée un groupe local dans les communes où elles résident. Après un processus de désignation inédit qui partait du bas, elles ont chacune été désignée comme candidate dans leur circonscription. Ce processus « est assez unique », tient à souligner la première, alors que la seconde nous rappelle son caractère « très ouvert ». Si son organisation locale est un élément important, il n’en reste pas moins « dans la continuité de la campagne présidentielle » et coordonné au niveau national. Concrètement, les groupes locaux ont eu toute liberté pour proposer des binômes au comité électoral dont l’originalité est d’être composé pour moitié de l’espace politique de la France insoumise, et pour moitié de membres du mouvement tirés au sort parmi les animateurs des groupes d’appui locaux. « Les propositions ont été remontées à un comité électoral national en charge de faire respecter la parité et la diversité des candidatures y compris en terme d’engagement politique dans des organisations politiques. C’est donc ce comité qui tranche en dernier ressort mais sur la base des propositions des AG de circonscription », précise Martine Billard.

Image : Thierry Ehrmann / Flick

De la politique, par et pour les citoyen.ne.s

À tous les niveaux, tout est […] fait pour que chaque citoyen puisse s’investir dans le processus, et surtout empêcher que les candidat.e.s soient décidés sur un coin de table entre quelques responsables nationaux au terme de négociations opaques, comme c’est généralement le cas dans les logiques d’appareils »  – Manon Le Bretton

Conséquence de ce processus original, les candidats de la France Insoumise ont un profil atypique, comparé à celui auquel nous sommes habitués. Ainsi, plus de la moitié des candidat·e·s n’est pas membre d’un parti politique. « En revanche nombre des candidat·e·s sont issus du monde associatif et investis dans les luttes locales (plus de 70%) » met en avant Lucie Kirchner. Par ailleurs, la moyenne d’âge est peu élevée, puisqu’elle n’est que de 43 ans, un élément « rassurant », ajoute la candidate de la 4ème circonscription de Charente Maritime. À ceux qui y verraient un manque d’expérience elle répond que cette critique « s’inscrit typiquement dans le cadre de pensée de la Ve République ». Selon la vision du système actuel, « Pour être « crédible », continue-elle, il faut être un notable, ou un expert, ou être issu de certaines écoles, ou exercer un certain type de métier. » N’est-ce pas également pour cette raison que tant de décisions semblent déconnectées du terrain ? Ce n’est donc pas pour rien que La France Insoumise a voulu que ses candidat.e.s soient le plus représentatifs possible de la population française : « nous veillons à la diversité sociale des candidat·e·s, des personnes issues de tous horizons sont investis, notamment nombre de syndicalistes du mouvement ouvrier, agricole et étudiant » conclut Lucie Kirchner à ce sujet.

Nous avons des candidat.e.s ouvriers, techniciens, ingénieurs mais aussi des paysans, des commerçants, des professions indépendantes, des enseignants, des soignants, des fonctionnaires, des artistes, tout comme des personnes privés d’emploi et des retraités. – Martine Billard

Mais ce n’est pas tout. Dans l’esprit de rupture qui les anime, les « Insoumis » veulent montrer l’exemple. Ainsi chaque candidat.e s’est engagé à signer une charte qui renvoie notamment à la Charte anticor contre la corruption des élus. Par ailleurs, les candidat.e.s doivent refuser le cumul des mandats, refuser tout don ou cadeau dans le cadre de leur mandat, rendre des comptes à leurs administrés et aller régulièrement à leur rencontre. Les Insoumis.e.s réussiront-ils leur pari de renouveler la classe politique ? À ce jour, le candidat représentant le mouvement semble dans une vague montante. Mais au contact des militants, on réalise que c’est bien plus qu’un président que ceux-ci portent, c’est une vision de la société de demain, qu’on partagera ou pas, pour le pays comme pour le reste du monde.


Propos recueillis par l’équipe de Mr Mondialisation auprès de Martine Billard, Manon Le Bretton et Lucie Kirchner.

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