Mettre un enfant au monde alors que la misère se propage partout ? L’héroïne de ce roman d’anticipation ne s’y sent pas vraiment prête. Pourtant, c’est envers et contre tout qu’elle va décider de garder ce bébé, et de s’engager dans la lutte pour un monde meilleur. Écrit par Jennifer Murzeau, le roman « La Désobéissante » interroge nos sociétés de demain, nous propulsant dans un futur dystopique mais non sans espoir.

Révolution citoyenne pour un futur dystopique

« Paris, 2050. Bulle découvre, catastrophée, qu’elle est enceinte. Autour d’elle, le monde est un naufrage généralisé ». Voici comment est annoncé le propos du nouveau roman De Jennifer Murzeau, intitulé « La désobéissante », et qui retrace les aventures d’une jeune femme dans une société à tel point infâme qu’il faut y réfléchir à deux fois avant de mettre un individu au monde. Face au climat de résignation ambiant et à la gouvernance par la peur, Bulle, l’héroïne, va pourtant refuser d’obéir. Elle va alors se joindre à un groupe de hackers afin d’entamer ce qui ressemblera à une révolution citoyenne.

L’histoire de « La désobéissante » est celle d’un optimisme à tout épreuve, seul salut possible face aux cataclysmes qui nous attendent au tournant. Une idée qui tient à cœur à l’auteure, qui ne conçoit le cynisme ambiant que comme une faiblesse, une petitesse dont certains témoignent à l’heure des grands défis de l’époque : « J’espère [convaincre le lecteur] que subir n’est pas une fatalité, que chacun à son échelle a un rôle à jouer pour infléchir les pratiques de ceux qui nous gouvernent, pour avoir un impact sur la société. J’espère lui donner envie d’exercer quotidiennement son libre arbitre. Je suis convaincue que nous sommes à la croisée des chemins et que si l’état des lieux est révoltant, il n’en demeure pas moins exaltant d’être en vie aujourd’hui parce qu’il se peut (et je le souhaite ardemment) que nous soyons témoins de ce fameux changement de paradigme, de l’émergence d’une société plus juste, plus écologique, plus égalitaire, plus épanouissante », nous confie-t-elle. Et d’ajouter : « Aux cyniques qui voient en cela de la naïveté, je réponds que ce sont eux, les naïfs. Ils sont archaïques. »

Dépeindre ce qui ne tourne plus rond

Ayant auparavant travaillé autour de différents thèmes, dont le travail, directement en lien avec l’époque, Jennifer Murzeau livre ici un roman qui englobe plusieurs thématiques. « Je suis sortie du seul thème du travail pour aborder ceux des inégalités croissantes, de la pollution, du réchauffement climatique, du terrorisme, de la frustration sexuelle. Parce que tout est lié. Et dans le même temps, mes personnages se posent la question de l’écologie, de l’autosuffisance alimentaire et énergétique, du revenu universel… Ce livre est à la fois une dystopie et une utopie » nous dit l’auteure. Faisant écho à nos organisations actuelles, marquées par les inégalités grandissantes, l’ultra-consommation et un réchauffement climatique qu’il est difficile d’ignorer, « La désobéissante » nous projette d’un bond dans un futur qui pourrait bien être le nôtre.

Journaliste indépendante vivant à Paris, Jennifer Murzeau continue à travers ce troisième roman la réflexion amorcée dans ses deux derniers opus. Dans « Les grimaces » et « Il bouge encore » elle interrogeait déjà notre rapport au travail dans une société où les hommes en sont rendus au statut de pions interchangeables. Une décrépitude certaine du monde de l’entreprise, qui a des répercussions tant sur la vie professionnelle que personnelle des travailleurs d’aujourd’hui. Avec « La désobéissante », c’est tout une société qui court à sa chute qui est désormais croquée : « Je suis partie de l’envie de parler d’une société où le travail serait tombé en désuétude, parce que robots et intelligences artificielles auraient phagocytés les emplois de 70% de la population. Je trouvais ça passionnant de l’imaginer puisque nos sociétés occidentales sont fondées sur le travail et la consommation. C’était l’occasion de penser un changement total de paradigme, où l’homme sortirait de son conditionnement, aurait l’occasion de se réinventer, ou bien au contraire de mettre en scène un cauchemar où le cercle vicieux que nous connaissons actuellement s’est intensifié pour accoucher d’un monde pré-apocalyptique, où l’homme, désœuvré, devient fou ».

Une littérature engagée

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Sensible aux questions de l’écologie et de l’omniprésence de la technologie dans nos vies, Jennifer Murzeau n’a pas peur de dire qu’elle livre ici un récit engagé. Voyant dans la déconnexion de l’individu à son environnement une partie de la solution aux maux de l’époque, l’auteure traite avec nuances les thèmes de l’hyperconsommation, de la domination de l’homme sur son environnement, des relations de pouvoir et des nouveaux paradigmes technologiques. « Je pense qu’aujourd’hui, l’écologie devrait être au centre de toutes les discussions, de tous les débats. Elle est l’urgence. Quand on parle de « protéger l’environnement », nombreux sont ceux qui ricanent avec dédain », déplore Jennifer Murzeau. Et d’enchaîner : «  La technologie n’est pas un mal en soi. Tout dépend de l’usage qui en est fait. Y recourir systématiquement est une erreur. En ce qui concerne la répartition des richesses, c’est également selon moi l’un des principaux enjeux du siècle. On a atteint des somment d’inégalités parfaitement scandaleux. Mais plus je considère ces questions, plus j’ai le sentiment que tout est intrinsèquement lié. Une société éco-responsable est incompatible avec la société de consommation. »

Sa conclusion, quant à elle, ne peut recevoir que notre aval, allant dans le sens d’une société tournée vers la simplicité volontaire : « Je crois que tout le monde est fatigué de la démesure. Elle ne rend pas heureux. La sur-consommation ne rend pas heureux, l’usage excessif des nouvelles technologies non plus. Il est temps d’essayer d’autres voies. »

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Interview par Mr Mondialisation

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