En octobre dernier, Moby, dont la musique aura su marquer toute une génération, sortait son treizième album, au titre évocateur. En effet, « These systems are failing » — « Ces systèmes sont en train de s’écrouler » —, est un album où miroitent les convictions défendues ardemment par le musicien, entre veganisme et anticapitalisme assumé. Une consécration pour l’artiste plus engagé que jamais. Mr Mondialisation a eu la chance d’interviewer Moby qui semble résolu à œuvrer pour un monde meilleur, plus juste, et en phase avec les enjeux de l’époque.

Artiste prolifique, Moby a sorti deux albums en 2016, après une absence de trois années. Le premier, « Music from Porcelain », se définit comme une introspection instrumentale faite pour accompagner le livre autobiographique « Porcelain », lorsque « These Systems are Failing » semble s’inscrire tout entier dans la défense d’idéaux bien identifiés. Avec des titres comme « Are You Lost in the World Like Me ? », dont le clip est tout juste brillant, Moby signe un opus où transparaissent ses interrogations sur le monde tel qu’il est aujourd’hui. Droit animal, rapport à l’argent, populisme et droits des homosexuels sont des thèmes que nous avons eu la chance d’évoquer avec l’homme prodige de la musique électronique qui a bercé notre enfance.

Mr. Mondialisation : Si je peux parler de cœur d’activiste à cœur d’activiste, ta musique a bercé mon adolescence et probablement participé, comme d’autres, à mon éveil de conscience. Qu’est-ce qui t’a fait prendre conscience des problématiques rencontrées par le monde moderne ? D’où provient cette grande ouverture aux causes écologiques et humaines ?

Moby : Je suis né dans les années 60, ma mère, ma tante et mon oncle, mais aussi une bonne partie de mes professeurs à l’école étaient très engagés politiquement. C’est dans cet environnement que j’ai grandi et que j’ai compris ce qu’était l’activisme. Je pense que je suis devenu militant à l’âge de 4 ou 5 ans, quand ma mère m’a emmené à une manifestation contre la guerre. Grandir dans les années 60 et 70 m’a fait prendre conscience que les idées de droite étaient dangereuses et que le rôle de tout un chacun était de les combattre. Il suffit de regarder la résistance française, les hippies, le mouvement punk, la beat-génération, les Situationnistes, et même le mouvement hip-hop à ses débuts, ils étaient tous opposés aux idées de droite.

Mr. M. : Je crois savoir que ça fait près de 30 ans que tu es actif sur le terrain, notamment contre la captivité animale et la chasse. Si tes toutes premières musiques portaient en elle une grande sensibilité, elles n’étaient pas tant engagées. Qu’est-ce qui te pousse aujourd’hui à faire de ton talent musical le principal vecteur de ton activisme ? Est-ce que le monde a changé à tes yeux au point d’accentuer ton engagement ?

Moby : A ce niveau de ma carrière, j’ai l’impression que je n’ai plus le droit de me comporter comme un égoïste, que mes préoccupations personnelles sont loin d’être prioritaires par rapport à la situation de mon pays, de la planète et de l’espèce humaine en général. Ma carrière de musicien ne me préoccupe pas plus que ça, ce qui m’intéresse désormais c’est de faire comprendre aux gens quelles sont mes motivations. Je préfère désormais utiliser ma célébrité et ma carrière à faire de la Terre un endroit plus vivable que de parler de moi !

Mr. M. : La situation est pire aujourd’hui ?

C’est difficile à dire. On a quand même fait beaucoup de progrès, et d’une certaine manière le monde est aujourd’hui meilleur qu’il ne l’était. Souvenons-nous quand même que nous avons eu un président afro-américain remarquable, que les personnes de même sexe ont désormais le droit de se marier, etc. Mais en même temps j’ai l’impression que plus la société évolue sur les droits humains, et plus ça irrite les politiques de droite, les racistes et les xénophobes.

Mr. M. : Selon toi, quel devrait être la première action à engager, pour les gens qui vous écoutent, afin de faire partie active du changement ? Qu’est-ce que les individus de bonne volonté peuvent faire dès aujourd’hui ?

Moby : La première chose que tout le monde peut faire, c’est d’abord s’inscrire sur les listes électorales et aller voter. Parce que la vérité c’est qu’il y a plus de gens progressistes sur cette planète que de réacs, et surtout dans les démocraties occidentales. Mais les gens de gauche ont pris l’habitude d’être un peu fainéants, et de penser que les acquis ne seront pas remis en question, et au lieu d’aller voter ils restent chez eux. Grossière erreur ! La deuxième chose c’est de s’informer, au lieu de jouer à Candy Crush sur son téléphone, il est primordial de lire les journaux, de s’intéresser à la politique et à ce qui se passe dans le monde.

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Mr. M. : Être informé ! Est-ce la raison pour laquelle tu as ouvert il y a quelques années un restaurant 100% vegan, le Little Pine ? Peux-tu nous en dire plus sur ce lieu original ?

Moby : Je suis vegan depuis 29 ans, je suis très engagé dans l’activisme social et politique, mais aussi et surtout dans les droits des animaux. J’ai d’abord ouvert ce restaurant parce que je cherchais un endroit où je pouvais manger végétarien mais surtout pour prouver que les restos vegan n’avaient rien à envier, question qualité, aux restaurants classiques. Après je suis surpris de voir à quel point le Little Pine est devenu un endroit glamour. Il y a 29 ans, les vegan étaient considérés comme des hippies retardés et les magasins étaient tristes à mourir. Aujourd’hui, Bill Clinton ou Paul Mc Cartney sont vegan. Certains soirs, quand je débarque dans mon resto, je peux tomber sur Johnny Depp à une table et Al Gore à une autre. Comme quoi les choses changent.

Mr. M. : Le droit animalier semble être la ligne conductrice de ton activisme. Ils sont les acteurs principaux du teaser de ce nouvel album. Quel lien de cause à effet fais-tu entre la cause animale et les autres problèmes de société ? Quel est ton rapport aux problématiques touchant l’Humain tout particulièrement ? (pauvreté, droits de l’homme, guerres,..)

Moby : Premièrement parce que j’aime les animaux et que je ne veux pas être mêlé à quoi que ce soit qui leur fasse du mal. Deuxièmement, parce que l’élevage animal détruit notre planète, 40% du changement climatique, 90% des pluies acides, 80% des résistances aux antibiotiques, 50% des cancers et des problèmes cardiaques, sont dus à l’élevage animal intensif. Je suis un défenseur des animaux, mais surtout un défenseur de l’espèce humaine.

Mr. M. : Ce nouvel album marque également l’ouverture de ton propre festival végan au Fonda Theater de Los Angeles : le Circle V Festival. L’évènement, dont la première a eu lieu le 23 octobre dernier, incarne l’esprit de ton activisme. Peux-tu nous en dire plus sur l’objectif de l’évènement et son originalité ?

Moby : C’était vraiment génial et je suis très content du résultat. J’ai joué dans énormément de festivals dans ma carrière, mais là il y a quelque chose de différent, parce que déjà les gens sont tous bénévoles et qu’ils sont là pour défendre une cause qui leur tient vraiment à cœur. D’accord,  ce n’était pas énorme non plus, 5000 personnes pour la première, mais les retours me prouvent à quel point cet événement a été pour certaines personnes comme un révélateur. Je ne veux plus faire de tournée, je ne veux plus sortir des albums qui nourrissent mon égoïsme. Toutes mes actions désormais seront au bénéfice d’associations qui font bouger les choses.

Mr. M. : Voici une question proposée par nos lecteurs : Cher Moby, comment peut-on vraiment changer le monde quand les lobbies et l’argent ne cessent d’orienter les décisions des gouvernements pour leurs propres intérêts ?

Moby : C’est certainement le problème numéro un, ce rapport maladif que nous entretenons avec l’argent, on préfère tuer des gens, les rendre malades, détruire l’environnement, et ça juste pour faire de la thune. Mais si tu fais attention, les gens qui ont de l’argent ne sont pas forcément heureux, bien au contraire. Alors pourquoi détruire l’environnement, les gens et notre santé pour finir comme tous ces millionnaires qui sont malheureux à crever ? Ça n’a aucun sens, je n’arrive même pas à comprendre.

Mr. M. : Trump vient officiellement de devenir le président des États-Unis. On a cru comprendre que tu ne le portais pas vraiment dans ton cœur… Qu’as-tu fait de cette journée « spéciale » ?

Moby : Surtout, ne pas regarder son inauguration. J’ai lu les journaux et j’ai donné un petit concert à Los Angeles, dont les bénéfices iront à des associations féministes et LGBT ainsi que pour les immigrés. Ce que nous devons d’abord faire, c’est aider les gens qui vont le plus souffrir de la présidence de Trump.

Merci Moby pour cette entrevue sincère.


Interview réalisée en Anglais. Traduite par l’équipe de Moby.

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