Qui veut de produits locaux à prix dérisoire ? L’épicerie participative de Châteaufort réinvente notre manière de produire, de consommer et d’appréhender l’espace urbain et rural. De cette initiative locale est née Monépi, jeune pousse qui s’engage à mettre à disposition des communes avoisinantes tous les outils permettant de gérer leur propre « épi ». La start-up sera, à terme, financée par les producteurs qui réalisent le chiffre d’affaire le plus important via la plateforme ne lui reversant qu’un petit pourcentage symbolique.

Alors que les différents lobbys industriels se réjouissent de l’issue des élections présidentielles qui saurait difficilement compromettre leurs intérêts, l’écologie semble à nouveau reléguée au second plan des initiatives politiques. À l’instar de la COP21 dont les répercussions restent finalement anecdotiques, on peut toutefois se réjouir de la prise de conscience collective grandissante autour de l’urgence environnementale. Face à un ultra-capitalisme destructeur, les citoyens pensent, imaginent, créent des modèles alternatifs qui replacent la planète et l’Homme au centre des préoccupations.

Avec Monépi, des produits locaux à prix dérisoire grâce à l’épicerie participative

 « Avant tout, le profit, puis peut-être l’humain, enfin, très rarement, la planète » résume Alain lorsqu’il aborde les principaux objectifs d’une entreprise classique. Tout dépend du bon vouloir individuel du patron. « Nous avons voulu inverser ce schéma des priorités économiques, incompatible avec nos valeurs écologiques » assure-t-il, pour introduire Monépi, projet né dans son village de 1500 habitants, qui essaime peu à peu dans toutes les Yvelines, « et même au-delà ! ».

« L’épi » comme l’appellent affectueusement les habitants de Châteaufort, est avant tout une épicerie participative. Le principe est simple : en échange d’un abonnement annuel d’une vingtaine d’euros par famille et de deux heures de travail bénévole par mois, les Castelfortains peuvent désormais acheter des produits frais issus de l’agriculture locale, à un prix défiant la concurrence de la grande distribution. « Pourquoi aller chercher du Quinoa en Amérique centrale quand on peut en trouver à quelques kilomètres de chez soi ? » enchaîne Alain qui déplore un non-sens social et écologique.

Crédit photo : Monépi

Comment alors assurer des prix équivalents voire même en deçà de ceux pratiqués en grande surface ? Le modèle est fondé sur deux principes complémentaires et déterminants : la suppression des intermédiaires et l’absence de marge pratiquée. Les adhérents achètent ainsi leurs produits directement au producteur local à qui revient légitimement 100% du prix de vente du produit. Grâce aux deux heures de travail mensuel effectuées par la centaine de famille adhérant au projet, les produits sont acheminés et stockés dans un local prêté par la mairie où les habitants peuvent ensuite récupérer leurs commandes. Il s’agit donc d’une coopérative solidaire où le consommateur joue un rôle responsable en participant à la commercialisation des produits.

Le potager collectif, retour aux valeurs de l’auto-alimentation

En parallèle, les membres de l’épi Castelfortain ont également entrepris d’installer un potager collectif au cœur du village. Près de deux tonnes de légumes y seront produits cette année, et redistribués aux adhérents sous forme de paniers dont le prix a été fixé à un euro purement symbolique. La production dépassant parfois la demande, les paniers sont alors redistribués gratuitement, un peu à l’image d’une entreprise dont les profits excédentaires ne seraient pas capitalisés, mais distribués aux travailleurs. Si cette redistribution du surplus alimentaire paraît évidente à l’échelle locale, on rappellera que la grande distribution est encore responsable du gaspillage de 1,5 millions de tonnes d’aliments par an.

Le potager ne permet évidemment pas l’autonomie, mais il a au moins pour mérite d’entériner l’idée qu’une relative autosuffisance alimentaire à l’échelle locale est loin d’être utopique. Les « animateurs », habitants les plus impliqués dans le projet, sont responsables de plusieurs parcelles qu’ils dédient aux légumes choisis par leurs soins. Les consignes d’arrosage et d’entretien des plants sont disponibles sur le site de Monépi et permettent à chaque adhérent de respecter scrupuleusement le cycle de maturation des différents légumes. Monépi met également en avant l’absence de hiérarchie, chaque adhérent étant impliqué dans le projet, libre de choisir le travail qu’il souhaite accomplir et ne respectant que les impératifs mineurs qui pérennisent l’ensemble de l’écosystème. La plateforme, accessible à tous, en est la clef de voute en ce qu’elle permet non seulement de prendre les commandes mais aussi de consulter le planning de l’épicerie et du potager, suivre l’acheminement des produits et donc d’effectuer un contrôle bienveillant et régulier d’un système complètement transparent.

liz west / Flickr

L’Economie Participative Intégrale

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« Le système s’auto-régule ! » s’enthousiasme l’un des fondateurs du projet, « si un adhérent décide de ne pas travailler, il ne pourra simplement pas commander ». Un principe du « donnant-donnant » permettant ainsi de responsabiliser et d’impliquer chacun dans ce nouveau modèle d’économie locale. À l’épi, on souligne par ailleurs la différence entre ce système « participatif » et le « collaboratif » qui permet à chaque acteur d’apporter sa pierre à l’édifice par un temps de travail non coercitif et vecteur efficace de lien social au sein du village. Bien plus qu’une épicerie fondée sur un système simple d’achat groupé, « l’épi » est aussi pensé comme une Economie Participative Intégrale qui pourrait bien catalyser les volontés qu’ont les citoyens de consommer des produits issus d’une agriculture locale et respectueuse de l’environnement.

C’est en citant Jeremy Rifkin et son « Coût Marginal Zéro » qu’Alain se prête à rêver d’un nouveau modèle de société autogérée, composée de producteurs contributifs que l’auteur appelle les « prossomateurs ». Car tout l’intérêt économique de l’initiative repose sur deux critères fondamentaux : les structures locales ne génèrent pas de profit et leur implantation ne nécessite aucun investissement. En effet, le prix d’adhésion à l’épi suffit amplement à payer les quelques frais d’organisation, à savoir l’assurance sur les stocks ou l’achat de plants pour le potager… et un peu de café qui réunit adhérents et curieux au sein du local ! L’année dernière, l’épi Castelfortain a même pu reverser une partie de l’argent récolté par les cotisations, toujours dans une optique de non-lucrativité et de simplicité.

  « L’implantation d’un épi dans une commune se fait en quelques clics seulement »

Le remplacement du profit et du consumérisme par les valeurs humanistes

Le projet de Monépi s’éloigne ainsi des codes classiques de l’achat-revente pour repenser la société. Bénéficier de produits sains en participant au développement économique d’agriculteurs locaux, renforcer les liens sociaux entre les habitants d’une même commune, créer une communauté de citoyens réunis autour des mêmes valeurs qui participent eux-mêmes à la gouvernance de l’organisation : voilà ce que propose Monépi.

« L’implantation d’un épi dans une commune se fait en quelques clics seulement puisqu’elle repose essentiellement sur la mise à disposition de la plateforme qui gère l’intégralité du système. Une poignée de citoyens motivés se charge généralement de fédérer autour du projet et le tour est joué ! » raconte Alain, pour qui la simplicité du système explique en partie sa propagation jusqu’en Bretagne. Ce sont en effet sept « épis » qui ont émergé du sol français, alors qu’une quarantaine de communes ont d’ores et déjà manifesté leur intérêt pour le projet. Bien plus qu’une épicerie communale, les fondateurs de Monépi entendent étendre le modèle et évoquent les possibilités innombrables que permet une simple plateforme web associée à un implication citoyenne : monnaie locale, mise à disposition de vélo électrique pour assurer le transport des produits et réduire un peu plus l’impact environnemental de la communauté, système de prêt de matériel à l’échelle locale facilité par la technologie…

Crédit photo : Monépi

Monépi apparaît donc comme une de ces nombreuses alternatives proposées par des citoyens qui refusent de plus en plus le monde consumériste et polluant dont ils se sentent déconnectés. Persuadée qu’une transition écologique et économique émerge des citoyens eux-mêmes, l’équipe assure avoir trouvé « un espoir » vecteur d’optimisme. De là à changer le monde ? « Pourquoi pas ! » nous répond-on… autour d’un café !


Sources : monepi.fr / Propos recueillis par l’équipe de Mondialisation

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