À l’heure du marasme environnemental dans lequel nous sommes englués, les initiatives citoyennes fleurissent en réaction de part et d’autre des territoires dans la lutte contre le réchauffement climatique. C’est le cas de Myfood, jeune pousse française, qui propose d’installer chez les particuliers une serre connectée permettant de nourrir quatre personnes toute l’année grâce à une combinaison ingénieuse de permaculture et d’aquaponie.

Un fruit de la POC21

Face aux dérives de la monoculture intensive et chimiques dont les produits garnissent les étals de nos supermarchés, l’idée des trois fondateurs – Mickaël Gandecki, Johan Nazaraly et Matthieu Urban – est toute simple : relocaliser la production de nourriture au plus près du consommateur. À savoir, dans son jardin, ou sur son balcon ! Le projet mûrit lors de la POC21 de 2015 (en marge de la COP), événement rassemblant une communauté de créateurs, ingénieurs, designers et développeurs ayant pour but d’établir un prototype de société zéro carbone, zéro déchet. Myfood séduit par son originalité et est l’un des 12 projets innovants sélectionnés.

Le triple impact écologique



Une telle réappropriation de l’alimentation présente un intérêt écologique majeur et ce, à plusieurs égards. Tout d’abord, les produits issus des serres de Myfood sont évidemment biologiques et dépourvus de tout pesticide respectant ainsi un modèle de consommation acceptable pour la santé des consommateurs et de la planète. De plus, grâce à son circuit fermé, le système utiliserait 90% moins d’eau que l’agriculture conventionnelle, argument non négligeable lorsque cette dernière représente à elle seule 70% de la consommation d’eau mondiale. Si les faîtières de la serre associées à un récupérateur d’eau de pluie ne permettent pas de fournir les 1000 à 1200 litres d’eau nécessaires à son bon fonctionnement, l’un des trois fondateurs Johan Nazaraly assure que « le renouvellement de 100 litres d’eau par an suffit » à la pérennité du système. La proximité du consommateur avec le lieu de production bannit quant à elle la potentielle utilisation de la voiture et donc la consommation d’énergie fossile et carbonée. Enfin, l’installation est garantie zéro déchet, la décomposition de la matière organique produite étant essentielle au maintien de l’écosystème.

Permaculture et aquaponie : les clés originales du succès 



D’aucuns pourraient douter de l’efficacité d’une telle technologie tant il apparaît irréprochable du point de vue écologique. Les clés de la réussite sont résumées en deux mots : permaculture et aquaponie. La technique de la permaculture associe ingénieusement les différentes plantes et éléments du système (champignons, vers de terre, bactéries) contribuant non seulement à la richesse naturelle du substrat mais aussi à meilleur rendement, la symbiose des différents éléments participant à la croissance mutuelle de chacun. Ces buttes de permaculture accueillent principalement les végétaux à racines longues comme les carottes, les blettes et les navets.

La serre abrite aussi des bassins peuplés de poissons (carpes, tilapias et même…écrevisses !) qui, par leurs déjections, enrichissent l’eau de nutriments dont se nourrissent à leur tour les plantes situées dans une vingtaine de tours verticales où poussent les végétaux à racines courtes : courges, tomates, herbes aromatiques. L’eau est donc filtrée et réintroduite dans les bassins, garantissant une croissance plus rapide des végétaux, sans ajout nutritif artificiel. Johan Nazaraly estime que ce procédé garantit un rendement « six à huit fois supérieur à l’agriculture classique » pour une production qui nécessiterait traditionnellement une surface au sol de 200m².

20 minutes par jour et 400 kg de légumes par an



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Grâce à ce système auto-régulé, Myfood affirme que 20 minutes quotidiennes d’entretien sont suffisantes pour garantir la pérennité de la serre. Afin de boucler la boucle et d’effectuer un dernier pas vers l’autonomie, il est également possible d’alimenter la serre grâce à l’énergie solaire produite par des panneaux photovoltaïques. Cette énergie est notamment utilisée pour la ventilation, les pompes destinées à faire circuler l’eau et par les capteurs qui mesurent et régulent humidité, pH et température ambiante. Ces données sont par ailleurs disponibles sur une application qui permet à chacun de contrôler et maîtriser l’environnement de sa serre à distance. Les fondateurs estiment la consommation électrique équivalente à celle « d’une ampoule de 60 watts, soit une facture de 60€ par an ». Fort d’un réseaux d’une cinquantaine de « citoyens pionniers » qui testent le prototype de la serre, le modèle de 22m² permettrait de récolter jusqu’à 400 kg de légumes par an, en plus du poisson d’élevage, de quoi soutenir l’alimentation d’une famille de 4 personnes.

Un investissement conséquent

Myfood ne suscite pour autant pas l’unanimité. Hormis certains détracteurs qui dénoncent le prétendu Greenwashing et la finalité lucrative du projet, le prix relativement élevé soulève interrogations et contestations. Il faut en effet compter un investissement relativement lourd de 8000€ pour une serre de 22 m² et ce, sans compter les panneaux solaires en option (environ 2500€) ni le poêle à granulés (2500€ également) qu’il est parfois primordial d’ajouter au système dans les régions où la température reste trop basse pour assurer la croissance des plantes. L’entreprise reste cependant confiante et promet un « retour sur investissement dans les quatre années ». Interrogé par Wedemain, Sébastien C. est l’un des utilisateurs pionniers de la serre. Il estime pourtant que « plus qu’un investissement, c’est surtout un achat passion et une façon de [s]e réapproprier [s]on alimentation », les économies réalisées atteignant seulement 600€ en un an. Il convient toutefois de rappeler que ces économies ne tiennent compte ni du carburant économisé du fait de la production locale, ni de l’impact écologique minime et de la qualité « bio » des aliments, inestimable pour beaucoup. L’équipe de Myfood, promotrice de l’open source, invite par ailleurs ces détracteurs à consulter tous les plans, codes source, conseils, tutoriels du projet qui sont mis à disposition sur Internet et permettent à chacun de s’approprier et de participer à l’amélioration de l’idée.

La technique controversée de l’aquaponie

La deuxième controverse majeure réside dans la technique de l’aquaponie : si l’équipe insiste sur la distinction primordiale entre cette pratique ayant recours aux éléments naturels (cercle vertueux) et « l’hydroponie qui utilise des entrants chimiques », Myfood n’échappe pas au scepticisme autour de cette méthode originale. D’aucuns prétendent par exemple que la culture aquatique a un effet négatif sur la qualité nutritive et gustative des aliments dû à cette croissance hors-sol. D’autres soulignent la nécessité de conserver les bassins à une certaine température, impliquant l’intervention d’un système de chauffage supplémentaire et ayant ainsi un impact direct sur la consommation d’énergie et l’espace cultivable de la serre. Enfin l’alimentation des poissons remet en question l’autonomie complète de l’écosystème puisqu’elle implique l’intervention de dépenses supplémentaires en magasin spécialisé pour l’achat d’aliments spécifiques. « Nous travaillons sur un lombricomposteur qui produira la nourriture essentielle aux races carnivores » rassure toutefois Mickaël Gandecki qui ne doute pas des améliorations qu’il convient encore d’apporter à son projet.

Après une apparition remarquée au Salon de l’Agriculture, Myfood s’apprête à commercialiser ses serres de 22, 14 et 3,5m² auprès du grand public et semble prêt à conquérir les collectivités locales qui cherchent à gagner en autonomie alimentaire. Si l’intérêt économique de cette serre connectée semble encore demeurer contestable, il convient de souligner la prouesse de Myfood qui s’inscrit dans la dynamique positive de l’agriculture locale et respectueuse de l’environnement.


Source : myfood.eu

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